PSA et FCA, comme un goût de déjà-vu
La chronique de Bertrand Rakoto, analyste indépendant dans l’intelligence de marché et auteur du livre "La désincarnation des grandes organisations". Après plusieurs années dans l’automobile, entre autres chez RL Polk, et après avoir eu un cabinet d’analyse en France (D3 intelligence) il est désormais basé aux Etats-Unis où il poursuit son activité depuis Détroit. FCA et PSA ont donné leur feu vert pour tenter un rapprochement par échange de parts. Après l’échec des premières négociations au printemps, puis l’épisode avec Renault où l’indécision de l’Etat a mis fin aux négociations, il semble cette fois que FCA se lance pour de bon avec PSA puisque les conseils d’administration se sont dits oui. Reste à connaître les termes de l’union car dans une fusion il y a toujours un mangeur et un mangé. Si je m’en réfère aux mouvements des marchés financiers ce jeudi (FCA à la hausse, PSA à la baisse) il semble que l’italo-américain prend le dessus sur le français. Mais de la même façon que lorsque Chrysler a absorbé AMC, PSA semble s’infuser dans FCA à travers la prise de direction de Carlos Tavares au sein de la nouvelle entité. Il semble que les anciens de Renault savent infiltrer les organisations pour prendre ensuite une partie du contrôle de nouvelles organisations. Le rapprochement entre PSA et FCA, ou Fiat, n’est pas une histoire nouvelle. Déjà en décembre 2008, on parlait d’un possible géant de 50 milliards de dollars. L’économie était en pleine période de récession et l’automobile s’agitait entre faillites, soutiens gouvernementaux, primes à la casse et restructurations. Fiat, spécialisé dans les petits véhicules était en position de force et s’était intéressé à Opel puis à PSA pour, finalement, concentrer ses efforts pour procéder à la digestion de Chrysler. Avec du recul, il me semble impératif de ne pas confondre vitesse et précipitation et d’attendre que tous les accords soient clarifiés pour l’ensemble des actionnaires concernés. La question reste de savoir ce qui motive ce projet de fusion entre PSA et FCA. Une stratégie industrielle en question Certaines gammes sont complémentaires mais les marques sont trop nombreuses et la fusion pourrait précipiter la disparition de certaines enseignes ou leur spécialisation dans quelques niches comme Chrysler avec les monospaces (Pacifica et bientôt le Voyager). Enfin, les deux constructeurs investissent peu en R&D et s’ils font office de suiveurs dans de nombreux domaines technologiques, ils disposent de partenariats opportuns comme FCA avec Waymo pour la conduite autonome ou PSA avec Nidec pour les moteurs électriques. Au-delà de ces nombreuses considérations, un des problèmes auquel le futur groupe va devoir s’atteler concerne les émissions, les normes et les amendes. Au-delà de quelques hybridations, FCA a pris le parti d’acheter des jetons de CO2 à Tesla et PSA se prépare à lancer quelques modèles électrifiés. Certains diront que les deux groupes ont du retard en termes de véhicules électriques mais il me parait peu adéquat de parler de retard alors que la demande est maigre et le marché trop étroit pour une offre pourtant restreinte. La même rhétorique planait partout il y a 15 ans, tout le monde se souciait de savoir si les constructeurs français n’avaient pas déjà du retard avec les SUV alors qu’ils sont arrivés au bon moment avec une offre de crossovers appropriée pour leurs marchés au moment où la demande a basculé vers ce type de modèles. Si les négociations se poursuivent comme prévu, le nouveau groupe pourrait avoir plusieurs problèmes à régler rapidement pour éviter les pénalités liées aux émissions. En revanche, en faisant preuve d’une intelligence économique et stratégique appropriée, sa nouvelle taille pourrait lui permettre de peser lourds dans les prochains échanges avec les législateurs de part et d’autre de l’Atlantique. D’un point de vue purement industriel il parait difficile de justifier, rationnellement, ce rapprochement. Eventuellement, la démarche peut s’expliquer par l’idée qu’il devient urgent de trouver un allié encore disponible et grossir avant de devenir une proie pour un nouveau géant. Cette situation est indubitablement importante pour les familles encore présentes dans l’industrie automobile. Fusionner ou vendre pour ne pas être dilué ou disparaitre. Les poupées russes Durant la décennie qui vient de s’écouler, les nouvelles technologies de mobilité ont enflammé les marchés et ont englouti plus de 40 milliards de dollars d’investissement. Dans la presse, la Silicon Valley devait enterrer les constructeurs, le tout illustré par des discours mettant en avant le désintérêt des millenials pour l’automobile et le recul inexorable des ventes face aux nouvelles solutions de mobilité et aux nouveaux modes de possession. Un narratif aujourd’hui oublié, à juste titre. Les nouvelles technologies progressent mais l’inquiétude plane sur la santé de certains acteurs de la Silicon Valley. Le secteur des nouvelles mobilités se consolide et les morts se comptent par dizaines. Les constructeurs travaillent désormais à l’absorption des nouvelles technologies les plus pertinentes. Ils doivent encore faire le tri entre l’essentiel et le superflu et projettent sur 15 ans ou plus la mise en place des solutions appropriées en termes d’ADAS, d’électrification, de données automobiles et de services connectés. Le secteur redevient réaliste. Dans ce contexte où la finance est dominante, la stratégie de rapprochement entre FCA et de PSA devient plus évidente. Il y a peu, Frank Witter, directeur financier de Volkswagen annonçait l’objectif d’atteindre, certainement à moyen terme, une capitalisation boursière de 200 milliards d’euros (soit le double de sa capitalisation actuelle). C’est une volonté de rupture avec les difficultés chroniques des constructeurs européens à convaincre les marchés financiers pour obtenir des capitalisations comparables avec celles de leurs homologues Américains ou Japonais. Mais les Européens ont un fil à la patte avec la présence des Etats parmi leurs actionnaires et des contraintes politiques et réglementaires trop prégnantes. Par ailleurs, l’automobile n’est pas un marché en devenir et malgré l’arrivée de nouvelles technologies, il parait compliqué d’inventer un narratif nourrissant les perspectives d’envoyer des voitures sur Mars et sauver la planète avec du lithium. Certains réussissent pourtant mais berner le monde c’est un art. Pour assurer une croissance capitalistique forte une des solutions les plus évidentes est de grossir. La stratégie de croissance de PSA est fortement basée sur ce principe. Une fois PSA restructuré et fraichement rentable, le groupe s’est lancé dans l’acquisition d’Opel. Les grands principes de restructuration appliqués par PSA sont basés sur la rationalisation des gammes et des marchés aux seuls produits et pays rentables, les décalages dans les calendriers financiers, le transfert de charges opérationnelles vers la sous-traitance et une R&D minimalisée. Cela fonctionne parfaitement mais pour un temps seulement. Car après avoir redressé PSA, puis Opel, PSA doit trouver de nouvelles marques pour poursuivre cette stratégie de croissance externe et séduire les marchés financiers. Si le groupe reste longtemps sans procéder à une restructuration, il y a fort à parier que sa faible R&D ne lui permette pas de croître de façon purement organique. Ce jeu financier reçoit un écho positif auprès des analystes financiers et permet de constituer des groupes conséquents capables de poursuivre leur activité efficacement, tant qu’il n’y a ni crise, ni besoin d’investissement conséquent. Ce pourrait donc bien être la clé de cette stratégie choisie par PSA, les familles Peugeot et Agnelli ainsi que Carlos Tavares. Une stratégie de croissance qui donne du poids Les politiciens, particulièrement français, vont certainement se féliciter d’une telle alliance franco-americano-italo-anglo-néerlandaise. Mais ils pourraient également s’apercevoir trop tard qu’ils viennent de donner naissance à un adversaire de plus au moment de procéder à leurs changements annuels des textes réglementaires et fiscaux. En effet, les consolidations engendrent des géants de plus à plus à même de peser au moment de pondre des textes dogmatiques. Reste à connaître dans le détail les termes financiers, fiscaux, sociaux et industriels qui vont régir ce rapprochement entre FCA et PSA. |
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Réactions
On ne le redira jamais assez : Fiat hors Jeep n’est qu’une Coquille vide , comme l’article de Bernard Julien ici même le montrait fort bien en juin quand Renault avait échappé à ce sort funeste .
Il faut vendre ses actions Peugeot tant qu’il est temps, elles vont être diluées avec des actions en monnaie de singe!
La Fontaine de ses fables restent toujours d'actualité.
Pourquoi cette négativité de circonstance et ne pensez-vous pas qu'ils savent très ce qu'ils font ?
Je l'ai déjà dit, ni PSA, ni FCA n'avaient le choix pour survivre et je me demande même si l'état français n'a pas fait capoter les discussions avec Renault pour favoriser et sauver à long terme PSA ?
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"Reste à connaître dans le détail les termes financiers, fiscaux, sociaux et industriels qui vont régir ce rapprochement entre FCA et PSA."
…Dit autrement, comment imaginer que des gens de talent soient devenus tout d'un coup de fieffés benêts (je parle de PSA bien sûr) …
C'est bien qu'il nous manque des données à nous autres "petits observateurs extérieurs"… Comment imaginer, par exemple, qu'ils soient ignorants de tous les échecs de fusion, spécialement celles à "50/50" … Impossible, donc si ce rapprochement se fait c'est qu"'ils" ont considéré finalement que le "remède" n'était pas pire que le mal" ...
C'est certain la thèse de "la course à la plus grosse" ne va pas satisfaire certains commentateurs ; Bertrand RAKOTO décrit la stratégie sous tendue et poursuivie … Cela se tient ...
Au delà de toutes considérations sociales, ce rapprochement manque "furieusement d'allure" mais cà c'est du romantisme … !
Et dans le monde économique, c'est pas vraiment la grille de lecture qui prédomine ... !
Moet & see ...
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Cette logique (de poursuivre un rapprochement à tout prix et conscience des dégâts quelle peut provoquer) est égale pour l’actionnaire institutionnel français et PSA et l'italien privé même si du coté gouvernement italien il n'y a pas de participation en capital et actions.
C'est une fausse assertion de dire que les deux PSA et FCA seraient condamnés à terme s'ils ne se rapprochent pas, par une espèce de logique capitaliste qui veut qu'être dans les premiers de la liste élimine forcément les derniers de cette liste.
Ce n'est pas les trois ou quatre de la liste (trop difficile de les éliminer) qui constitue un danger, car en plus il y a des lois anti-trust sur plusieurs continents.
Ces lois stopperont les velléités de suprématie à longue terme de ces trois ou quatre premiers de la liste.
Cela se voit ne serai-ce que dans la mentalité et stratégie industrielle des deux premiers: le groupe VW et Toyota.
L'ensemble des marques "sportives" thermiques du groupes VW ne VALENT RIEN (n'ont pas d'avenir de progression à terme) et sont déjà obsolètes, ou ne seront que des objets de collection ! Elles ne peuvent continuer à être rentables.
Le groupe Toyota et sa stratégie ne ce base pas et ne perd déjà pas d'argent à l'heure actuelle sur ce type de voitures et départements.
Le changement climatique donnera totalement raison .à Toyota.
Le goupe VW va s'épuiser financièrement avec sa stratégie et RIEN D'AUTRE du tout électrique.
On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.
Toyota ne prendra de l'électrique que ce qui l'aidera à faire la transition, car la filière électrique a encore une grosse progression dans sa technologie et n'est pas du tout mature.
Nous serons là pour le voir.
Il n'achètera un VE si au départ IL EST SUR de pouvoir charger.
Les SIGNES qui proviennent de ceux qui institutionnels ou privés lui permettront de charger (avec les fameuses bornes) sont extrêmement INQUIÉTANTS ou PIRE inconnus.
Le BORDEL existant au pied des bornes sera encore pour longtemps l'argument qui TUERA la diffusion du VE.
Son adhésion ne dépassera pas pour un bon moment les 0,2%.
Revenons à la fusion des deux petits pyromanes avec une question.
Les constructeurs auto vont-ils gagner de l'argent en réservant leurs VE à une petite élite mondiale qui qui circule exclusivement dans les villes?
Une aide ... où vous avez repris des compléments vitaminiques ce matin ? … Troublant en tous cas … !
Relisez donc la chronique de Bertrand RAKOTO …
"Si le groupe reste longtemps sans procéder à une restructuration, il y a fort à parier que sa faible R&D ne lui permette pas de croître de façon purement organique" …
Et encore ...
"sans nouvelle fusion ou acquisition, il faut procéder à des investissements, des mots qui effraient rapidement les analystes et les marchés financiers …"
Cà peut servir ...C'est donc pas la course à la suprématie pour la suprématie le moteur de ce rapprochement (?).
Quant aux marques "sportives" du groupe VW pour l'instant çà va encore … voir les résultats du marché automobile de luxe avec un bémol, il est vrai pour Aston Martin" … Le pas thermique c'est la Taycan à cet instant (on connaît votre avis, merci !) … Et la prochaine "911" c'est pas dit qu'elle ne soit pas, au moins, hybride … C'est même plutôt le contraire …
Rappelons de nous votre "éclatant" pronostic sur l'après VW Gate … "Vont se planter aux US les gens de VW" parce qu'ils ont menti ! …
Voyez les dernières données de ventes VW US, on est loin de la grosse Katastrophe, quand même … !
Après … si vous êtes en mesure de tenir l'argumentation concernant la validité du modèle économique d'un constructeur "régional" dans un monde globalisé, çà peut intéresser … Je l'écrit sérieusement et sans "sournoiserie" aucune …
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Oui, oui, je suis au courant des "bonnes affaires" du groupe VW qui veut arriver à une valorisation boursière de 200 milliards !!
Les arbres montent jusqu'au ciel...c'est connu !
Les grands manitous qui oeuvrent à cette fusion ne sont pas des incapables. Ce n'est pas eux qui trinqueront si ça ne marche pas. Et là aussi, des exemples, on en trouve à la pelle.
La prétention consiste plutôt à mettre en avant ses "etudes", son "parcours" ...comme gage de "qualité" indiscutable ou définitif ..Voyez vous ?
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En en plus vous ne faites jamais de “fotes “ quand vous écrivez!
Nous tous allons boire vos paroles et écris, désormais!
Il y a de grosses différences, au moins, en terme d'écriture, cela dit !
Après "faut jamais dire jamais" ... il y a une grande différence entre une "fote" d''inattention et/ou de précipitation voire de gros doigts gourds de temps en temps et une à chaque ligne d'un commentaire ou presque... Puisque vous le conviez, (...) , Bruno Haas vous a déjà écrit quelques mots à ce propos ...
Là n'est pas le sujet au demeurant ... J'étais juste étonné par le "soin" apporté à votre premier commentaire (encore que) dans le présent fil contrairement à votre pratique habituelle … Basta !
Pour le reste ... faites comme il vous semble bon mais évitez les mauvais procés ... duchene !
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Au contraire, il va être coûteux et long de standardiser les plateformes et GMPs FCA....
Reste les USA où PSA est absent. Même si son 1.6L PHEV et ses nouvelles plateformes sont aujourd'hui compatibles normes US, le plan est de les apporter sur un plateau à Chrysler ?
Quant au 2L FCA évoqué par B.Rakoto, pourquoi pas, mais en tout cas pas pour le marché EU car trop de CO2 généré....
PSA se serait fourré dans cette aventure pour seulement vendre quelques milliers de 508 2L aux USA ?
Je craint en fait le pire : Un geste défensif de concentration industrielle en espérant qu'à terme "1+1=1.5" devant la baisse du marché prévue/prévisible très prochainement.
Baisse qui risque de devenir irréversible et non plus cyclique comme pendant les 100 dernières années.
La raison en étant les prévisions d'homologation des premières conduites autonomes Niv4 pour 2021 et Niv5 pour 2025 à 2030.
L'arrivée en masse des "robot-taxis" sous Niv5 aura un effet bien plus restructurant sur notre industrie que celle des changements de GMP .... elle signera la quasi fin de la voiture individuelle, et donc des volumes de vente actuels.
Ce n'est pas faux ce que vous dites et c'est bien observé.
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