Si les normes d’homologation sont devenues un enjeu politique "grand public" après le déclenchement de l’affaire des diesels truqués aux Etats-Unis, la réforme du cycle d’homologation est bien antérieure et a démarré en 2009. L’émotion suscitée par le scandale en a cependant précipité l’adoption au niveau européen avec des textes qui entrent en vigueur en deux étapes : ce 1er septembre 2017 pour les nouveaux types et le 1er septembre 2018 pour l’ensemble des véhicules neufs. Les VUL suivront avec un an d'écart.
L’enjeu de ce nouveau cycle WLTP qui remplace le cycle NEDC (défini dans les années 80) est de donner des valeurs repères de consommation et donc d’émissions de CO2 plus proches de la réalité. Ce n’est cependant pas encore une mesure en conditions réelles et les valeurs d’homologation restent calculées en laboratoire.
L’enjeu est de limiter les possibilités d’optimisation de la règlementation par les constructeurs qui au fil des années ont agrandi l’écart entre les mesures officielles et la réalité. "L’objectif est de resserrer les tolérances pour laisser le moins de place possible à l’interprétation", nous a précisé Elodie Collot, membre du service expertise réglementation internationale à l'Utac. "Pour maintenir une comparaison juste entre les véhicules, il est important que les essais restent faits en laboratoire", ajoute-t-elle.
Un temps de cycle allongé de 50%
Comme son nom l’indique le WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure) discuté au niveau de l’ONU (le NEDC étant exclusivement européen) devait également apporter une harmonisation au niveau mondial. Au fil des discussions, les Etats-Unis et la Chine s’en sont éloignés, restent le Japon, la Corée et l’Inde pour lesquelles les discussions sont encore en cours et qui devraient y apporter des aménagements (concernant par exemple la température de mesure).
Entre les deux cycles, les principaux changements apportés par le WLTP sont la température de départ à 14°C (au lieu de 20°C-30°C), un temps de cycle allongé de 50% à 30 mn (au lieu de 20 mn), une part du temps stationnaire pratiquement divisé par deux à 13% du temps de cycle (au lieu de 25%) et une vitesse moyenne en hausse d'un tiers à 46,6 km/h (au lieu de 34 km/h). Au final, le nombre de kilomètres parcourus simulés est le double avec 23 km (au lieu de 11 km) et la vitesse de pointe est à 131 km/h (au lieu de 121 km/h). De plus, les phases de conduites simulées dans ce nouveau cycle ont été établies à la suite de l’analyse de données de conduites réelles.
Une mesure pour chaque version et chaque option
Nouveauté également de ce cycle, les mesures sont plus précises : elles tiennent compte de l’impact des équipements qui influent sur le poids et l’aérodynamisme du véhicule (barre de toit, type de pneus, équipements électroniques). Chaque modèle sera donc présenté avec une valeur d’émission la plus faible et la plus élevée, et chaque version aura une valeur propre située entre ces deux bornes. "Pour l’homologation les tests seront réalisés pour un véhicule représentatif avec le plus d’options défavorables et le moins d’options. Les options auront également une valeur CO2", explique Elodie Collot.
Ce sont les constructeurs qui feront les mesures pour les valeurs d’émissions de CO2 des différentes options. Ces chiffres seront contrôlés par des audits sur chaîne. "Nous ferons des prélèvements de véhicules pour vérifier que les packs options sont bien quantifiés et les calculs conformes", explique Elodie Collot. La fréquence de ces contrôles sera d’au moins une fois par an où tous les 5 000 véhicules produits pour une configuration moteur. Ils devront être réalisés par l’autorité de réception qui les a homologués, soit pour la France le CNRV (Centre National de Réception des Véhicules) qui en a donné mandat à l’Utac.
Des mesures plus proches de l'usage réel et en très nette hausse
En conséquence, les mesures WLTP seront plus proches de l’usage réel et donc nettement plus élevées que celles affichées en NEDC. On en a un aperçu par exemple avec Opel qui affiche depuis plusieurs mois les valeurs WLTP d’une partie de sa gamme (Astra, Mokka et Insignia). Sur une Astra B 14 XFL (125 ch), manuelle 6, la moyenne en cycle mixte est de 5,5 l/100 km en NEDC pour une fourchette entre 5,6 et 9,4 l/100 km en cycle WLTP, soit jusque 39% plus élevée.
En moyenne, il se dit que le chiffre de consommation annoncé devrait être en hausse de 20%, mais chaque cas sera spécifique. "La tendance est à la hausse, elle varie en fonction des constructeurs, des modèles, des motorisations, de la boite de vitesse. L’influence n’est pas la même sur tous les types de véhicules", rappelle Elodie Collot.
Une étude réalisée l’an dernier (*) avait comparé l’impact des deux normes sur 20 véhicules essence et 11 véhicules Diesel. Dans le cas du pire scénario WLTP (le plus consommateur), les résultats montrent que les émissions de CO2 sont en moyenne entre 11% et 44% plus élevées ; dans le cas du meilleur scénario (le moins consommateurs) les écarts sont entre 1% et 26%.
Ces résultats montrent aussi que le passage de NEDC à WLTP a un impact plus élevé sur le Diesel que sur les véhicules à essence.
Le calcul d'un NEDC transposé pour tous les nouveaux types
A partir de ce 1er septembre, la phase de transition fera coexister pendant 1 an deux types de mesures très différentes selon que le véhicule est d’un nouveau type ou pas. Un comble pour une information sensée permettre de comparer les performances entre deux véhicules.
C’est pourquoi les constructeurs seront encore tenus de communiquer les valeurs NEDC. Pour ce faire, la Commission européenne a mis au point un outil de simulation qui permet de définir les valeurs NEDC transposées à partir des données précises du cycle d’homologation WLTP.
Les valeurs WLTP n’étant pas aussi flatteuses, les constructeurs n’ont par ailleurs pas tellement intérêt à les mettre en avant. Pour que l’information consommateur soit homogène la Commission européenne leur a proposé d’introduire dans leur communication cette nouvelle norme en une seule étape à partir de 2019 et l’association européenne des constructeurs (ACEA) recommande l’affichage des consommations et émissions de CO2 en WLTP au 1er janvier 2019. A cette date en revanche, les informations NEDC devraient être bannies (sauf pour les fins de stock).
Florence Lagarde
(*) Etude réalisée par l'European Commission-Joint Research Centre.