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Sport - 13/12/2023 - #Alfa Romeo , #Ferrari , #Jaguar , #Man , #Chevrolet

Les mille vies de Fangio

Par Pascal Litt

Les mille vies de Fangio

Cinq fois champion du monde de Formule 1, toujours détenteur du meilleur rapport départs/victoires de l’histoire de la F1, “miraculé” de l’accident des 24 Heures du Mans de 1955, enlevé par les hommes de Castro à la veille du Grand Prix de Cuba : la vie de Juan Manuel Fangio est un véritable roman. Que raconte Sylvain Reisser dans Les mille vies de Fangio.

"Tu te prends pour Fangio ?", aurait dit la femme d’Alain Prost à son champion du monde de mari, un jour où elle avait trouvé qu’il roulait trop vite ! Même si l’anecdote n’est pas vérifiée, elle illustre à la perfection la légende que constitue Fangio. Quasiment 70 ans après son retrait de la compétition automobile, le pilote argentin reste une des plus grandes références de l’histoire de la compétition automobile. Sinon la plus grande.

En dehors de quelques “ethnologues”, qui se souvient du nom des pilotes de la Formule 1 des années 1950 : Giuseppe Farina (le premier vainqueur du championnat du monde de Formule 1, en 1950, sur Alfa Romeo), Froilan Gonzales (surnommé “Le taureau de la Pampa”, il offrira la première victoire en GP à Ferrari, en 1951, à Silverstone), Alberto Ascari (double champion du monde en 1952 et 1953) ou Mike Hawthorn (premier champion du monde britannique, en 1958, et qui courait avec un nœud papillon !) ?

Plus près de nous, qui est capable de citer Jack Brabham, Jacky Stewart, Emerson Fittipaldi ou Nelson Piquet, pourtant tous titrés trois fois. Ou encore l’immense Jim Clark (champion du monde en 1963 et 1965), Jochen Rindt (seul pilote à avoir été titré à titre posthume, en 1970), l’intrépide Nigel Mansell (champion du monde en 1992). Ne parlons même pas des grands “perdants” : Stirling Moss (sorte de Poulidor de la F1 : 4 fois vice-champion du monde !), Jacky Ickx, Ronnie Peterson ou René Arnoux, et le si talentueux Chris Amon, qui n’a jamais remporté un GP et qui mérite le titre de champion du monde de la malchance. Et même chez les “modernes”, la notoriété passe vite, plus vite que celle de l’Argentin : seul Ayrton Senna fait jeu égal avec Fangio au Panthéon de la Formule 1.

Certes, avec ses cinq titres (1951, 1954, 1955, 1956, 1957), Fangio ne possède pas le palmarès le plus fourni de l’histoire de la F1 : Michaël Schumacher et Lewis Hamilton le toisent avec leurs sept trophées chacun. Son record a tout de même tenu jusqu’en 2000, Alain Prost s’en approchant avec ses quatre titres, mais sans jamais conquérir le cinquième.

Mais, comme le rappelle Sylvain Reisser, l’auteur de Les mille vies de Fangio, la comparaison s’arrête là. Car ses cinq titres, Fangio les a obtenus en sept saisons (entre 1950 et 1957, sans participer à celle de 1952, Alfa Romeo ayant jeté l’éponge cette année-là) durant lesquelles il remportera 24 victoires. Ce qui le classe aujourd’hui à la 12e place du hit-parade des vainqueurs de GP, très loin de Lewis Hamilton avec ses 103 victoires. Mais au cours de sa carrière, il n’aura pris que 51 départs : il aura ainsi remporté 47,06% des GP auxquels il a participé ! A ce jeu, il précède Alberto Ascari (40,63%) et Jim Clark (34,72%). Et ce, à une époque où finir vivant d’une course était déjà un exploit…

"Fangio ne sort jamais"
Car dans les années 1950, la course automobile est dangereuse, très dangereuse, comme le souligne Sylvain Reisser dans son livre. Rares sont les pilotes de cette époque à s’en être sortis vivant : on courait en bras de chemise, avec un casque en cuir, sans harnais ni arceau de sécurité, les circuits étaient “naturels”, bordés de trottoirs ou d’arbres, les services de sécurité inexistants. Chaque sortie de route pouvait être la dernière. Et si les performances des voitures n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui, leur vitesse de pointe dépassait déjà les 300 km/h !

Fangio fera partie de ces “survivants”, grâce à un talent incontestable, mais aussi une acuité qui le sauvera plus d’une fois. Comme aux 24 Heures du Mans de 1955, où il évitera de peu l’accident entre la Mercedes de Levegh et l’Austin Healey de Macklin, qui fera 84 morts. "Il eut juste le temps de changer de trajectoire et de passer à droite en rasant les stands. Preuve que l’Argentin avait eu chaud : on releva sur la carrosserie de sa Mercedes une aile emboutie et des traces de peinture verte de la Jaguar (d’Hawthorn qui venait de rentrer au stand, manœuvre qui provoqua l’accident). Il devait la vie sauve a ses formidables reflexes, son intelligence de la course et au geste de Levegh (qui avait levé la main pour indiquer qu’il obliquait à gauche)".

Mais Fangio, c’est avant tout un extraordinaire talent au volant. Sylvain Reisser rappelle ainsi la lutte qui opposa le pilote argentin à son jeune et fougueux coéquipier, Stirling Moss, chez Mercedes, en 1955. Ce dernier a pour habitude de suivre Fangio au plus près, ce qui fait plus qu’agacer Alfred Neubauer, le “charismatique” directeur de l’écurie allemande : "“On nous appelait le train”, dira Moss qui justifiait son comportement par le fait qu’il s’agissait de la meilleure façon d’étudier le style de l’Argentin. “Et que se passera-t-il si Fangio sort de la route ?” s’inquitiait Neubauer. “Fangio ne sort jamais” répondait Moss".

Avec Les mille vies de Fangio, Sylvain Reisser évite le piège de la classique biographie pour livrer un portrait du pilote argentin au travers d’une quinzaine d'épisodes de sa vie : ses débuts bien sûr, au volant de vieilles Chevrolet, ses cinq titres de champion du monde, le “miracle” du Mans 1955, le raté d’Indianapolis, commençant par l’incroyable histoire de son enlèvement par des rebelles castristes, en février 1958, à la veille du Grand Prix de Cuba auquel il était invité. Une sorte d’interlude exotique pour Fangio qui en gardera un souvenir plutôt agréable : "Peu à peu, je me laissai gagner par le comique de la situation. Mes kidnappeurs jouaient presque à l’excès le rôle de personnages chevaleresques." Un évènement qui se terminera bien, offrant à Fangio un éclairage planétaire, comme le raconte Sylvain Reisser : "Le jeudi, il se rend aux Etats-Unis. On lui a promis mille dollars pour participer au show d’Ed Sullivan, suivi par 200 millions de personnes. Cette exposition confère une dimension supplémentaire à sa popularité déjà très internationale." 

Les mille vies de Fangio, de Sylvain Reisser, aux Editions du Rocher, 224 pages, 18,90 €.

Sylvain Reisser est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages sur des marques de prestige automobiles, contributeur de L’Année automobile, responsable de l’automobile au Figaro Magazine, rédacteur en chef adjoint du service Automobile du groupe Figaro et membre du jury de la “Voiture de l’année”.

Réactions

Quelle vie! A comparer peut être à ….Pelé ,non?

Ahhh les réflexes,j’aime bien Sir Moss qui suis Fangio en aveugle car il ne sort jamais

... Même Alain Prost du coup !
;0))

... Il est très bien décrit dans l'article, en citant un passage du livre, la raison pour laquelle il est assez vain de comparer les lauriers de Lewis Hamilton à ceux obtenus par Fangio ou même Jim Clark voire Jackie Steward ... Il me semble qu'il fut publié un livre sur François CEVERT intitulé "la mort dans mon contrat" ...c'est tout à fait çà... Même si certains plus que d'autres ont joué avec le "destin".
Une époque de pilotes incroyables, celles des années 50, 60, voire 70 ...celles aussi de gladiateurs de la route ..."une époque où tu bouclais le sac de ton casque le vendredi sans être certain d'être de retour le lundi ...La donne a changé aujourd'hui et heureusement ... Respect !
(...)

La F1 est un sport complètement mort depuis que Schumi, le pauvre, l'a tuée involontairement en gagnant tous le WE pendant 8 ans. Donc depuis en gros 30 ans c'est devenu le sport le plus triste de la terre ? Donc quel intérêt aujourd'hui à voir gagner des voitures et des ingénieurs et pas des pilotes en payant une fortune d'abonnement aux TV payantes ?
C'est bien triste car il y a longtemps on adorait ça... sur TF1 en direct le dimanche..
;0)

...En gros l'époque Bernard Giroux, José Rosinski et Jacques Laffitte...
;0)

Dijon 78….Tabarnak!quelle course ,Jbouille devant et Nené avec le Père de Jacques,roues contre roues,on a bu tout ce qu’il y avait aux alentours à l’arrivée,aujourd’hui Prenois fait parler d’elle mais dans un autre registre,caliss

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