14/05/2025
Les sénateurs appelés à la rescousse pour sauver l'autoroute Toulouse-Castres
Par AFP
(AFP) - Les parlementaires peuvent-ils obtenir la reprise du chantier de l'autoroute Toulouse-Castres, contestée par les écologistes et stoppée par la justice administrative fin février? Les sénateurs examinent jeudi une proposition de loi en ce sens.
Les porteurs du texte Marie-Lise Housseau et Philippe Folliot, sénateurs du Tarn, justifient la démarche par un besoin de "désenclavement" d'un bassin d'environ 100.000 personnes (Castres-Mazamet).
"L'A69, insistent-ils, n'est pas un simple tracé routier : c'est un trait d'union vital entre un territoire et son avenir. Refuser de reprendre les travaux, c'est choisir l'abandon, le gaspillage et l'oubli".
Les opposants y voient une tentative de la dernière chance du pouvoir politique. Ils "ne sont pas très beaux joueurs car, ayant perdu sur le terrain juridique, ils essaient de passer en force sur le terrain législatif", regrette un porte-parole du collectif écologiste La voie est libre (LVEL).
Le texte, poursuit-il, "consiste à mettre de côté ce contre-pouvoir qu'est le tribunal administratif".
Le 27 février, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale délivrée par l'État, considérant qu'il n'y avait pas de Raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour justifier les atteintes à l'environnement occasionnées par le chantier de 53 km.
L'Etat a fait appel de cette décision et déposé une demande de sursis à exécution, qui sera examinée le 21 mai.
Constitutionnalité
La proposition de loi de validation a de fortes chances d'être adoptée au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, car les partis opposés à l'A69 (LFI,
Ecologistes) y sont minoritaires. En commission la semaine dernière, seule une poignée d'élus de gauche a tenté d'y faire barrage.
Avant même son adoption, la constitutionnalité du texte est au centre des débats.
Alors que Philippe Folliot dit avoir été "rassuré" par des experts sur ce point, les écologistes placent leurs espoirs dans un avis négatif du Conseil constitutionnel.
Pour Franck Dhersin, rapporteur Horizons du texte, "la démarche ne vise pas à remettre en cause les principes constitutionnels" mais répond "à une situation d'urgence qui sert à éviter les conséquences dramatiques d'un arrêt du projet".
L'interruption du chantier coûte chaque jour près de 200.000 euros, selon des estimations contestées.
"Il y a deux critères de conformité à la Constitution, assure Franck Dhersin. Il ne faut pas remettre en cause une décision de justice ayant force de chose jugée, ce n'est pas le cas ici. Et il faut démontrer la présence de motifs impérieux d'intérêt général. Ils sont lourds et nombreux:
socioéconomiques, démocratiques, environnementaux, mais aussi sociaux, sur les finances publiques, la sécurité routière et le risque de perte de confiance de la part de la population vis-à-vis des élus et des institutions".
Enjeu national
Pour sa part, Loïc Peyen, maître de conférence en droit public à l'université Toulouse-Capitole et spécialiste du droit de l'Environnement, y voit une atteinte à la séparation des pouvoirs législatif et politique. "On a un juge qui prend une décision en s'appuyant sur le droit et là, des parlementaires qui viennent dire: +ce qu'a dit le juge, ça ne vaut pas+", observe-t-il.
"Ce serait surprenant que cette loi, même si elle est adoptée, soit entièrement et pleinement constitutionnelle, dans la mesure où la RIIPM a été annulée notamment pour des raisons économiques, sauf que ces raisons, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ne sont pas toujours un motif suffisant pour justifier l'adoption d'une telle loi de validation".
De nombreux élus suivent avec grande attention l'avenir de cette autoroute, dont la construction a débuté en 2023 et devait se terminer fin 2025. Elle conditionne selon eux de nombreux projets d'infrastructures.
Pour le président du département voisin de l'Aveyron, Arnaud Viala, désireux de relier Rodez à l'A75 (Clermont-Montpellier), "il ne faut pas stériliser tous les projets. La loi est mal faite, il faut la corriger".
"Le combat de l'A69, c'est le combat de tous les départements de France", a plaidé le président de Départements de France, François Sauvadet, lors d'une visite à Castres, sur un viaduc déjà construit, attestant de l'avancée du chantier.
"La question de fond est de savoir si on veut une insécurité juridique chronique ou si on veut que s'impose la logique environnementaliste de bobos-urbains qui vivent dans un environnement bien desservi", soutient Philippe Folliot.