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Chronique - 18/01/2024 - #Renault , #Ford

Turin, c’est fini

Par Jean-Philippe Thery

Turin, c’est fini
C’est une réplique. Mais on y croit non ? (Crédit : Vauxford)

Aujourd’hui, je vous parle d’une bagnole rouge avec un nom italien et un gyrophare sur le toit…

Je me suis récemment offert la boîte référence RM4023 de chez Revell.

Si je vous parle de l’emballage, c’est qu’après des années à les amonceler sur étagères, je suis arrivé à la conclusion que monter des modèles réduits et collectionner des maquettes en plastoc constituaient deux hobbies distincts. Et de ce point de vue, il n’y a pas de raison que ma récente acquisition ne devienne pas elle-aussi « another brick » en carton « on the wall » constitué par ses semblables, dont je vais finir par croire lorsqu’il aura atteint le plafond qu’il est devenu partie prenante de la structure de mon appartement. Si ce n’est qu’afin d’entretenir l’illusion que celle-là -craché, juré, je la construirai un jour- j’ai également commandé le flacon de peinture « Bright Red » (Référence 2B) qui va avec. Bref, je suis en possession de la Ford Torino du Sergent David Michael Starsky ,au 1/25e en pièces détachées.

Pour l’ado avachi sur le sofa devant l’écran bombé de sa téloche en couleur, Starsky & Hutch, c’était l’Amérique. Certes, une Amérique un peu surannée pour la génération « Miami Vice » à laquelle j’appartiens, qui -par la magie des redifs, ne s’en plongeait pas moins avec délice le dimanche après-midi sur TF1 dans l’univers très Seventies de Bay City, municipalité fictive de Californie ressemblant tout de même furieusement à Los Angeles. Avec leurs jeans « pattes d’Eph », chemises à col « pelle à tarte » et gros gilets de mailles, les deux détectives étaient vêtus exactement comme on évitait de s’habiller, même si ça ne nous empêchait pas de trouver la série très sympa. Sans doute parce que même avec le décalage d’une décennie, on y voyait plein de trucs qui n’étaient pas encore arrivés chez nous. Au 2000 de la Ridgeway Ave dans un appart du genre « Kitchounette » où logeaient semble-t-il les deux compères, on buvait du lait à même le Tetrapack puisé dans un frigo -évidemment- américain, dans la cuisine -évidemment- américaine, avant de manger sur le sofa ou dans l’inévitable « peacock chair » des trucs pseudo-chinois réchauffé au micro-ondes, en plongeant des chopsticks dans une boite en carton. Et même dans les locaux du commissariat de Bay City (en fait le San Pedro Municipal Building de LA), on se servait à boire en plaçant un gobelet en plastique sous le robinet d’un de ces distributeurs avec une grosse bonbonne transparente, tout en discutant avec le Capitaine Dobey.

Mais surtout, il y avait la tomate « rayée » -ou « enrubannée » comme traduit en France-, autrement dit une Ford Gran Torino 1976 de troisième génération, en carrosserie coupé 2 portes. Une auto dont on peut affirmer qu’elle occupait un véritable rôle aux côtés – ou plutôt autour- des deux flics un peu déjantés, disputant la vedette à « Huggy les bons tuyaux », l’indic dont je me suis toujours demandé comment il avait survécu au rythme effréné des délations auxquelles il se livrait dans les locaux du « Huggy Bear’s ». Et puisqu’il est question de jantes, les « Hansen Sprint » à cinq branches en aluminium poli participaient au tuning subtil de la Torino avec la suspension arrière relevée par amortisseurs pneumatiques interposés lui procurant son attitude plongeante caractéristique. Sans oublier bien sûr la fameuse bande blanche faisant le tour de la carrosserie en passant par le toit, laquelle aura contribué pendant des années au massacre cosmétique infligé à de nombreuses Renault 12 banlieusardes, en cours de troisième ou quatrième vie.

Ça survirait donc à mort dans les virages à 90 degrés pris à fond dans les rues de Bay City, avec gros déhanchements et coups de raquette du train postérieur à la clé, malgré des pneumatiques significativement plus larges à l’arrière qu’à l’avant. Les pauvres enveloppes torturées hurlaient leur douloureuse perte d’adhérence, quand vautrée sur des suspension trop souple faisant talonner l’avant, la Ford rouge se lançait aux trousses des « bandits en cavale » lors de « poursuites infernales » mentionnées par la version française du générique. Il fallait alors tout le talent du détective Starsky pour extraire le dernier des 240 malheureux chevaux crachés par le V8 « Lima » de 7 litres, qui remplaçait heureusement le « Windsor » de 351 pouces cubes (soit 5.8 L tout de même) utilisé dans le pilote de la série, lequel affichait piteusement 100 chevaux de moins. Une autre modification en cours de « vie série » consista en l’installation de sièges réclamés à cris et -littéralement- à corps par les deux équipiers, Hutch se retrouvant systématiquement sur les genoux de Starsky dans les virages pris à droite, après y avoir été catapulté par une banquette en skaï au coefficient d’adhérence proche de celui du verglas.

Un problème beaucoup moins crucial s’agissant de la Galaxy 500 4 portes beige du Sergent Kenneth Richard Hutchison, beaucoup moins sollicitée que la Torino au cours des 92 épisodes que compte la série, même si celle-ci subit tout de même les affres d’une sortie de route dans un ravin, avant que sa remplaçante absolument identique ne soit la victime d’une bombe sournoisement placée dans la malle arrière, mettant un terme définitif aux souffrances infligées par une négligence proche de la maltraitance. Sale, encombrée d’une foultitude d’objets relevant pour certains du détritus, cabossée et rayée sur tout ce que sa carrosserie comptait de panneaux de tôle à la peinture délavée, l’engin était de plus affecté d’un drôle de tic se traduisant par l’actionnement de l’avertisseur sonore à l’ouverture de la portière conducteur, et ce des années avant l’apparition du multiplexage…

On peut légitimement se demander pourquoi une voiture d’à peine deux millésimes antérieurs à l’année de la saison 1 (diffusée à partir de 1975 sur ABC) se trouvait dans un tel état, même si elle était bien sûr supposée refléter la personnalité plus introvertie et un brin plus intellectuelle de Hutch par rapport à l’exubérant Starsky. La réponse, c’est que l’acteur David Soul -qui incarnait le grand blond- n’était pas exactement satisfait de sa voiture de fonction quand Paul-Michael Glaser -interprétant Starsky- avait droit à une monture à ses yeux autrement plus excitante. Et c’est donc à coup de masse ou de barre de fer que les deux compères -autant dans la vie qu’à l’écran- s’en sont donnés à cœur joie, afin de « personnaliser » cette pauvre Galaxie qui connut donc un vieillissement très prématuré.

Mais les amateurs de la tomate motorisée seront sans doute bien tristes d’apprendre -s’ils ne le savaient déjà- que PMG détestait plus encore « 537 ONN » qu’il jugeait moche, d’apparence puérile et totalement irréaliste pour une paire de flics supposée agir « undercover ». Une aversion qui se traduisit par un bullying constant à l’égard de la pauvre auto, que l’acteur s’évertuait à jeter sur les bordures de trottoir à la première occasion. Les spotteurs attentifs de la série repèreront d’ailleurs que les stigmates de ce rudoiement intensif sont visibles en certains épisodes, la production n’ayant pas toujours eu le temps de les réparer entre les différentes prises de vue.

Sans doute le fait que William Blin -producteur de la série- n’eût pas d’autre choix que celui des voitures de Ford n’arrangea rien à l’affaire, puisqu’il dû renoncer à la Camaro cabriolet à laquelle il avait initialement pensé pour Starsky, modèle dont il avait gardé un excellent souvenir pour en avoir possédé un exemplaire quelques années auparavant. Mais il dû alors se plier aux impératifs de la Spelling-Goldberg Productions, laquelle était en contrat avec le constructeur de Dearborn. Un drôle de partenariat d’ailleurs, puisque la production de la Torino cessa en 1976, précisément l’année-millésime de la voiture de service de Starsky. Et un drôle de nom aussi, supposé rendre hommage -allez savoir pourquoi- à la « Detroit italienne ».

Il y donc longtemps que Turin, c’est fini, et que Zebra 3 ne répond plus même en tenant compte du film sorti il y a 20 ans. Et tout ça nous a récemment été rappelé tristement, puisque David a rendu son âme – à je ne sais pas qui d’ailleurs- le 4 janvier dernier. Et je dois avouer que cette nouvelle-là m’a fichu le bourdon, parce que même s’il avait un quart de siècle de plus que moi, celui dont j’ai de nombreuses fois suivi les péripéties sur écran ne paraissait pas la trentaine qu’il avait pourtant dépassée quand il tourna la série qui le rendit célèbre.

Mais peut-être qu’au fond, c’est plus à ma propre jeunesse qu’à la leur que me renvoient ces deux-là. A l’époque où j’assistai régulièrement aux épisode de la série sur le canapé de mon ami Jean juste après le déjeuner, lorsqu’ il est difficile de résister au sommeil après être rentré tard de soirée le matin-même. Nous avions inventé un petit jeu consistant à réveiller sans ménagement celui qui avait le malheur de s’endormir avant l’autre- quand ça ne nous arrivait pas simultanément- plaisanterie à laquelle je dois bien admettre que je perdais plus qu’à mon tour.

Tenez, cette évocation-là me fait sourire. Parce que pour préparer cette chronique, j’ai eu beau voir une foultitude de photos en ligne récente des deux acteurs à un âge avancé, l’image qui subsistera pour moi à jamais de la série est celle des deux « flics un peu rêveurs et rieurs », et bien sûr de cette brave Torino qu’ils détestaient tant, mais que les fans adulaient.

Alors RIP, David. Parce que, pour reprendre une dernière fois la chanson du générique français, tu sais bien que ces deux-là « gagnent toujours à la fin »…

Réactions

Lucos ou feu Lucos vous le dira une jante en étoiles c’est 5 branches….les étoiles brillent pour David Soul
Merci autoactu le roi des bons tuyaux

Et Jpt comme dirait mon garnement arrière petit fils
Merci

Pas exactement cela Alain.
Pour qu'une jante, non pleine, soit esthétique il faut qu'elle ait un nombre de branches impair. Et Lucos se plaisait à citer Ferrari en exemple et leur constance dans la version 5 branches, supposés donc être le compromis idéal entre l'esthétique et le nettoyage sans brosse à dents...
;0)

Voiture mythique la Grand Torino au même titre que la Dodge Charger de Bo et luke Duke à la télé à peu près à la même époque dans la série la plus bourrins que l'Amérique ait pu nous offrir.
Le prochaine de not'JP avec le pot orange.
Enfin quand la Grand Torino sera sèche...
;0)
PS : Huggy les bons tuyaux devait être le frère d'Al Jarreau ?

... Bien vu, Luc, pour le "benchmark" avec feu Al Jarreau et son "scat" si spécifique ...
PS : citons la "Challenger" blanche crème de "Vanishing Point" où la "Charger" jaune de "Harry la Dingue et Mary la Garce" qui doivent bien exister au 1/25 voire, à défaut au 1/18 mais "tout monté" ...
Ah... le syndrome de la boîte qui n'attend plus que son monteur depuis un bon bout de temps ..."Un jour je l'aurai" ... Çà sent le vécu, assurement !
;0)

Je suis totalement dépassé, je n'ai jamais vu un seul épisode de toutes ces séries américaines.
En tout cas, Alain, Luc(os), Ade et JPT ont l'air de bien se marrer ; tant mieux.

No trouble Bruno !
Pour être "précis" les deux que j'ai cités sont des films (et non des séries) sortis dans la deuxième moitié des "seventies" où les Pony cars (de fait, Mopar comme dirait Rakoto) y jouent un "rôle" assez central (deux road movies) ... A la manière de la fameuse "Mustangue débadgée" du lieutenant Bullit ...
;0)

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