24/07/2025 - #Dacia
C’est d’ta faute, Isa !
Par Jean-Philippe Thery

Aujourd’hui, je vous parle à nouveau de VE. Et c’est la faute d’Isabelle…
"Ne jamais louer une voiture électrique… Du moins pas sans une préparation intense."
Inutile de préciser que ça ne s’est pas très bien passé. Du moins si l’on en croit l’introduction en forme de conclusion au post d’Isabelle racontant son weekend prolongé au volant -et à coté- d’une Dacia Spring de loc. Empêchée de choisir le modèle pour s’y être prise tardivement, celle-ci avait pourtant d’abord vu d’un bon œil la perspective de 4 jours en électrique, comme une opportunité de tester un concept qui lui semblait "a priori très vertueux". Et la mise en main de l’engin ne pouvait que la conforter, l’employé de service recourant à la métaphore pour comparer l’opération de recharge au bête branchement d’un aspirateur. Mais à la conduite "agréable et douce" des premiers kilomètres allait bientôt succéder les premiers symptômes de la range anxiety, entre une autonomie annoncée inférieure de 25% à celle de la valeur homologuée, et en l’absence d’information sur la localisation des points de chargement. Et ce n’était là que le début…
Pour sa toute première fois dans une station de recharge, Isabelle a eu affaire à trois chargeurs particulièrement bornés refusant de converser avec l’application pourtant supposée faire passer le courant. Une situation d’autant plus préoeccupante qu’avec seulement 30 kilomètres de reste à rouler, il lui était inenvisageable de rallier la prochaine station, alors que l’absence de prise "Combo" optionnelle sur la petite roumaine l’empêchait de recourir au chargeur à haute puissance situé sur le stationnement d’un fast food tout proche. Voyant déjà son auto et son weekend repartir sur un plateau, Isabelle put néanmoins compter sur un bon Samaritain de passage et branché VE, lequel réussit à convaincre la fameuse appli d’initier le plein d’électrons. De quoi rassénérer notre novice qui dut néanmoins se résoudre à marcher une vingtaine de minutes pour rejoindre son domicile, n'ayant aucune envie de passer son dimanche après-midi sur un parking, par la faute d’un temps de charge -lente- estimé à trois heures. Mais de retour sur place, Isabelle ne put que constater que le maudit chargeur avait cessé toute activité après qu’elle avait tourné les talons, et qu’il lui fallait tout recommencer avec un autre appareil.
Une mésaventure qui n’a pas manqué de me rappeler le parcours du combattant qui fut également le mien lors de ma première en VEB, que je vous ai relaté dans Une Chinoise très cathodique.
Avec entre autres péripéties une autonomie fondant à vue d’œil sur l’autoroute, une bonne récalcitrante le soir au fond du parking d’une station n’ayant de service que le nom, le tout sans lumière ni auvent alors qu’il pleuvait à verse. Le genre de film que je croyais appartenir au passé après bientôt cinq ans, sans doute parce que les publications récurrentes d’électromobilistes enthousiastes ne manquent pas pour nous expliquer que de nos jours, on recharge les doigts non pas dans la prise mais "in the nose". Quoiqu’il en soit, et sans préjuger de la fréquence de ce genre de désagrément, je n’ai pu retenir à l’égard d’Isabelle un élan de sympathie solidaire, alors que l’ex-Chef de Produit qui ne sommeille jamais complètement en moi, voyait dans la liste de ses déboires autant de "pain points" dont les professionnels en charge (c’est le cas de le dire) pourraient se saisir pour améliorer l’expérience client.
Mais je ne suis semble-t-il pas câblé comme la plupart de ceux qui n’ont pas manqué de se manifester, dont les commentaires -en dehors de quelques rares manifestations de soutien- se sont fait accusateurs. "C’est la faute de" nous expliquent-ils à l’unisson, qu’il s’agisse de Dacia, du loueur, des journalistes de TF1 qui racontent n’importe quoi ou du lobby pétrolier, sans oublier les anti-VE "à la mauvaise foi sans limite pour justifier un point de vue réfractaire à tout changement" auxquels j’ai été assimilé de la sorte pour avoir osé un commentaire divergent. Mais surtout, c’est la faute d’Isabelle, pointée du doigt pour n’avoir pas choisi le modèle adapté, fustigée pour son manque de jugeotte, quand elle n´a pas été carrément accusée de diffusion de "fake news".
On a là affaire à des consultants, Directeurs de tout poil, coachs, journalistes spécialisés, ingénieurs, maitres de conférences et j’en passe. Des gens très bien qui n’ont pourtant pas hésité à désigner la "victime" comme principale responsable de ce que l’un d’entre eux qualifie de "farce". Des EV-angélistes auteurs d’une forme de "bullying" qui se veut sans doute éclairé, puisqu’inspiré par le sentiment de supériorité que semble bizarrement procurer à certains l’usage régulier d’une voiture électrique, mais qui emportés par leur diatribe en oublient volontiers les éléments factuels pourtant clairement exposés par l’auteure dans son récit.
Notamment que -contrairement au principal reproche qui lui est adressé- elle n’a pas choisi le modèle qui lui a été attribué. De quoi apporter du jus au moulin électrique des anti-VE, qui feront gentiment remarquer que ce n’est sans doute pas un hasard si la dernière voiture disponible à la location était précisément un modèle à batteries. Et qui ne manqueront pas d’ajouter que même d’une taille réduite, son équivalent thermique n’aurait pas fait tant d’histoire, une Twingo carburant au pétrole permettant par exemple de traverser l’Hexagone sans autre préoccupation que l’état de ses vertèbres.
Mais surtout, les Don Quichotte de la mobilité électrique me paraissent se tromper de cible, puisque non seulement Isabelle n’était pas anti-VE, mais qu’elle ne semble pas non plus l’être devenue à l’issue de cette première expérience ratée. J’en veux pour preuve son introduction, qui constitue également celle de ce papier, dans laquelle elle tempère son "plus jamais" en soulignant fort à propos ce qui constitue la clef d’un voyage électrique réussi, autrement dit la préparation. Une planification qui avec un peu de bouteille serait à n’en pas douter moins "intense" qu’elle ne semble l’imaginer au terme de son épisode malheureux. Plutôt qu’une critique définitive, la publication d’Isabelle me parait d’ailleurs constituer l’expression d’une frustration à l’égard d’un objet qu’elle avait sans doute envie d’aimer. Et il est regrettable que parmi ceux qui l’ont lue, aucun n’ait su non seulement faire preuve d’un minimum de compréhension, mais aussi lui démontrer courtoisement qu’une autre expérience de la VE est possible.
C´eut été d’autant plus judicieux qu’avec pas loin de 100.000 followers, Isabelle peut être considérée comme influenceuse -plutôt du genre "conférence TED" que "Dubaï"- et que certains parmi ceux qui la suivent en silence ont sans doute pris note. Mais comme le soulignait Marshall Rosenberg (le père de la communication non violente), "les jugements que nous portons sur les autres sont l’expression tragique de nos besoins non satisfaits". Voilà qui explique sans doute l’attitude pour le moins réactive de certains ecclésiastique du VE, qui se fourrent gentiment le doigt non dans la prise mais dans l’œil quand il recourent à l’argument d’autorité. Parce qu’énumérer le nombre de modèles de son pédigrée électrique comme celui des kilomètres parcourus à leur bord ou faire montre de ses connaissances exprimées en kW ou kWh me parait transmettre le message exactement contraire à celui dont on imagine qu’il souhaite le promouvoir. Autrement dit, que pour rouler en électrique il faut être un expert.
J’espère que donnant une seconde chance au VE, Isabelle découvrira bientôt que c’est évidemment faux. En attendant, et dans l’espoir que me sera pardonnée cette familiarité, c’est d’ta faute Isa ! Surtout si j’ai écrit cette chronique…

En charge ou à charge ? (Crédit : Dacia)

La prise Combo : en option (indispensable) sur la Spring (Crédit : Dacia)

Marshall Rosenberg, père de la communication non violente. (Crédit : John Wiley)