09/05/2025 - #Aston Martin , #Jaguar , #Jaguar Land Rover , #Land Rover
Droits de douane : ce que l'on sait sur l'accord entre Londres et Washington
Par AFP
(AFP) - Un accord commercial a été présenté jeudi comme "historique" par Londres et Washington : il permet au Royaume-Uni d'échapper au gros des surtaxes américaines sur ses voitures et ouvre davantage le marché britannique aux produits agricoles américains.
Jusqu'ici, les exportations britanniques étaient comme les autres entravées par l'offensive protectionniste de Donald Trump (+25% sur l'acier, l'aluminium et les voitures, +10% sur le reste des produits).
Le gouvernement du travailliste Keir Starmer a réussi à alléger la facture, qui reste plus élevée qu'avant le retour du républicain à la Maison Blanche.
La surtaxe de 10% - qui s'additionne aux droits de douane existant avant l'investiture de Donald Trump - reste en place. Le président américain a considéré jeudi que son niveau était "bas".
Automobile, acier, aluminium: traitement de faveur pour Londres
Dans un communiqué, le gouvernement britannique se félicite d'avoir "tenu sa promesse de sauver l'acier et les constructeurs automobiles britanniques".
Les droits de douane sur les voitures britanniques sont "immédiatement" rabaissés, passant de 27,5% - l'addition de la surtaxe de 25% et des droits de douane antérieurs - à 10% pour un quota annuel de 100.000 voitures.
Celui-ci, souligne Downing Street, correspond "quasiment" au nombre de véhicules exportés depuis le Royaume-Uni l'an dernier.
Londres ajoute que les droits de douane sur l'acier et l'aluminium sont "ramenés à zéro".
Dans sa communication, Washington mentionne seulement "une nouvelle union commerciale" concernant ces métaux.
Sollicitée par l'AFP pour des précisions à ce sujet, la Maison Blanche n'a pas donné suite.
Un peu plus de 100.000 véhicules ont été exportés l'an dernier, précise l'organisation sectorielle SMMT, qui ajoute que "les exportations automobiles britanniques vers les États-Unis concernent principalement des voitures haut de gamme et de luxe".
Aston Martin, qui réalise environ un tiers de ses ventes aux Etats-Unis, avait ainsi indiqué fin avril "limiter actuellement" ses exportations vers les Etats-Unis.
La SMMT s'est réjouie d'"une excellente nouvelle pour l'industrie et les consommateurs" car "ces droits de douane représentaient une menace grave et immédiate pour les exportateurs automobiles britanniques".
Même accueil de la part du directeur général de Jaguar Land Rover, Adrian Mardell. "L'industrie automobile est essentielle à la prospérité économique du Royaume-Uni, où elle soutient 250.000 emplois", a-t-il souligné, cité dans le communiqué du gouvernement.
L'industrie sidérurgique britannique voit quant à elle les droits de douane passer de 25% à zéro, permettant aux entreprises de ce secteur en difficulté "de continuer à exporter vers les Etats-Unis", a fait savoir le gouvernement britannique dans son communiqué.
"Les tarifs douaniers américains auraient eu un impact extrêmement néfaste sur notre secteur sidérurgique" et l'accord annoncé jeudi "protégera les emplois au Royaume-Uni", a salué le syndicat Community.
Le secteur avait déjà poussé un ouf de soulagement lorsque le sidérurgiste British Steel avait renoncé fin avril à un plan de licenciement des salariés des deux derniers hauts fourneaux du pays, dont la fermeture avait été annoncée par son propriétaire chinois avant que le gouvernement ne prenne le contrôle de l'entreprise.
Le pays a exporté en 2023 environ 10% de son acier vers les Etats-Unis, pour près de 400 millions de livres (472 millions d'euros).
Agriculture : des quotas réciproques
Selon Londres, les deux pays sont convenus d'ouvrir réciproquement leur marché à davantage de boeuf produit des deux côtés de l'Atlantique. Les éleveurs britanniques disposeront ainsi d'un quota sans droits de douane de 13.000 tonnes.
Les Etats-Unis ne précisent pas le volume concerné de leur côté mais, selon la ministre américaine de l'Agriculture, Brooke Rollins, cela va "augmenter de manière exponentielle" les exportations de boeuf américain.
Washington a aussi obtenu un quota d'exportation d'éthanol sans droits de douane.
Le gouvernement britannique insiste sur le fait qu'il ne fera pas de concession en matière de normes sanitaires sur les aliments importés, fermant ainsi ses portes au boeuf aux hormones et au poulet lavé au chlore.
Londres n'est pas non plus revenu sur sa taxe sur les services numériques - une attente des géants américains de la tech - qui rapporte 800 millions de livres par an.
La question des produits pharmaceutiques
Le gouvernement américain n'a pas encore imposé de nouveaux droits de douane sur les produits pharmaceutiques, mais prévoit de le faire à l'avenir.
Le secteur est particulièrement important pour le Royaume-Uni, où sont basés deux géants du secteur, AstraZeneca et GSK.
Selon le gouvernement britannique, "les États-Unis ont accepté d'accorder un traitement préférentiel au Royaume-Uni en cas de nouveaux droits de douane" sectoriels.
Les limites de l'accord
Une source du gouvernement britannique a précisé à l'AFP qu'il ne s'agissait pas d'un accord de libre-échange à part entière entre les deux alliés historiques, plutôt d'un "document de conditions générales" établissant des compromis, ainsi qu'un cadre pour des discussions approfondies plus tard.
Le déficit commercial des Etats-Unis est une obsession pour Donald Trump, mais son pays vend un peu plus de biens au Royaume-Uni que l'inverse, selon les données officielles américaines.
Un accord avec Londres était "la moisson la plus facile" pour le gouvernement américain, a déclaré à l'AFP Josh Lipsky, directeur du département de géoéconomie du groupe de réflexion américain Atlantic Council.
"C'est un accord positif mais très limité dans son périmètre", ajoute-t-il.
"S'il a fallu 40 jours pour en arriver là [avec le Royaume-Uni], ce sera beaucoup plus difficile pour les pays avec lesquels les Etats-Unis ont un déficit commercial significatif, comme le Japon et l'Inde."
Selon Paul Ashworth, spécialiste de l'Amérique du Nord pour Capital Economics, ce que à quoi les pays ont abouti "dans la précipitation" n'a rien de l'accord "complet et exhaustif" vanté par Donald Trump.
Alors que des discussions sont prévues en Suisse ce week-end entre hauts responsables chinois et américains, "cet empressement à afficher des progrès sur les +deals+ révèle une volonté de plus en plus désespérée (du gouvernement Trump) de revenir sur les droits de douane avant qu'ils n'affectent la croissance et l'inflation", écrit l'économiste dans une note.