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31/07/2025 - #Renault , #Ferrari , #Renault Group

Arrivée d’airs froids ?

Par Jean-Philippe Thery

Arrivée d’airs froids ?
L’homme à la pochette met les voiles (Crédit : Renault)

Aujourd’hui, je vous parle d’un homme qui s’en va… mais pas que.

Au début, j’ai cru à une blague.

Mais Google ne laisse guère de temps au déni, j’ai dû très vite me rendre à l’évidence. En ce dimanche 15 juin, alors que le moteur de la Ferrari 499P venant de remporter la 93e édition des 24 heures du Mans évacuait encore les calories accumulées pendant l’épreuve, Luca de Meo nous prenait à froid en annonçant qu’il abandonnait son poste de Directeur Général de Renault Group.

"Pourtant, il n’a rien laissé paraître", indiquaient ceux qui l’avaient accompagné sur le circuit manceau durant le weekend. Quelques instants encore avant l’annonce surprise, on le voyait en effet s’intéresser aux choses de la course avec cette passion qu’il a toujours revendiquée pour l’automobile, échangeant avec quelques journalistes sur les projets futurs de la marque au losange. La remarque a néanmoins de quoi faire sourire, comme si le tsunami médiatique qu’il s’apprêtait à déclencher aurait obligatoirement dû être précédé de signes avant-coureurs. Quant au parallèle très vite établi avec le départ d’un autre grand patron de l’automobile quelques 5 mois plus tôt, il paraissait un peu forcé puisque si personne n’a été surpris que ce dernier soit débarqué, Luca nous a littéralement stupéfaits.

L’incrédulité passée, les claviers ont rapidement crépité sous les doigts fébriles d’analystes pianoteurs pressés de délivrer leur conclusions. Et sans surprise, chacun en a profité pour pousser sa ritournelle habituelle, ceux qui ne l’appréciaient pas y voyant des raisons de le dénigrer davantage, pendant que ses fans lamentaient le départ d’un grand patron. Et si toutes étaient loin d’être indignes de considération, on se dit que les analyses s’en trouvaient forcément quelque peu biaisées.

C’est ainsi qu’une partie des commentateurs a cru distinguer dans ce décampement la responsabilité d’autorités publiques -fussent-elles nationales ou européennes- accusées d’avoir exercé une pression croissante sur les épaules de celui qui assuma de surcroit la présidence de l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobile) de décembre 2022 à décembre 2024. Avec dans le rôle des gouttes faisant déborder le vase d’expansion, l’audition du patron de la marque au losange par la commission parlementaire des affaires économiques le 4 février dernier durant laquelle un élu ne trouva rien de mieux que de questionner ses émoluments, ainsi que la demande formulée par le gouvernement pour la production par Renault de drones en Ukraine. Si certains semblent donc croire qu’un objet volant non habité peut aussi avoir le peau d’un dirigeant, d’autres dénoncent la fuite de ce dernier devant l’inévitable désastre que ne manqueront pas de provoquer selon eux les profondes transformations qu’il a initiées dès son arrivée.

Ce qui est certain, c’est que Luca met les voiles avant d’avoir terminé le job. N’y voyez pas de reproche de ma part -même si certains n’ont pas hésité à en formuler- mais le constat que la "Renaulution" est désormais orpheline. Et si l’on peut évidemment s’interroger sur le sort que lui réserve son remplaçant, il y a fort à parier que cette orientation-là fera probablement partie de la feuille de route qui lui sera remise en guise d’onboarding, lui épargnant de statuer sur le sujet.

L’heureux élu devrait d’ailleurs émerger d’une liste de trois prétendants dont les noms sont connus, alors que la nomination récente de Duncan Minto -Directeur financier du Groupe depuis moins de cinq mois- serait selon certains spéculateurs moins destinée à donner le délai de la réflexion aux RH qu’à faire place nette pour le nouvel arrivant en lui épargnant d’assumer certaines décisions difficiles. Bref, l’après-Luca se prépare, alors que s’estompent progressivement les spéculations sur les raisons ayant motivé sa décision.

Pendant que certains dissertaient sur un départ, d’autres observaient néanmoins une arrivée. Il n’est d’ailleurs pas certain que les membres du landernau de l’automobile étaient si nombreux à connaître le Groupe Kering avant que des bruits très vite confirmés par les intéressés ne le mentionnent comme point de chute pour celui qui devient donc transfuge, même si la notoriété de marques comme Balenciaga, Gucci ou Saint-Laurent n’est évidemment plus à faire. Un univers dont j’ai pu lire qu’il était sans doute plus "doux" que celui d’une industrie où l´on construit des engins motorisés à grands coups de presse sur le métal, dans un papier établissant un parallèle implicite à des produits par nature plus "délicats". Mais une analyse pour le moins hasardeuse considérant que les résultat du groupe de luxe ont connu une évolution défavorable entre 2023 et 2024, avec un chiffre d’affaires en baisse de 12% par rapport à 2023, et surtout un résultat d'exploitation courant dégringolant de 46%. Ce n’est donc pas sans raison qu’a résonné la sonnerie du smartphone de LdM, puisque c’est un redresseur de taux que chassaient les dirigeants de l’entreprise, rôle qu’il avait précisément assumé en 2020 alors qu’il s’emparaient des rênes du constructeur français. Même si la démarche est pour le moins inhabituelle puisque c’est bien loin du sérail qu’on est allé cherché celui dont on attend sans doute qu’il initie une "Keringlution" salvatrice.

"Trouve toi le job qui te permette de bien gagner ta vie, et achète-toi les bagnoles qui te plaisent", recommandait mon ami Dan en fin de carrière aux jeunes passionnés venus solliciter les conseils de celui qui avait consacré sa carrière à l’auto. J’imagine que la réponse n’était pas exactement celle qu’ils attendaient, témoignant surtout d’une déception amoureuse, quand bien même professionnelle. Mais dont je me suis rappelé suite au genre de vicissitudes que la vie corporative réserve parfois, quand l’idée de s’éloigner d’un secteur dans lequel j’avais pourtant tout fait pour œuvrer m’a sérieusement traversé l’esprit. Le genre d’interrogation qui ne s’est évidemment pas posée dans les mêmes termes pour Luca, non seulement parce qu’on est venu le chercher, mais aussi parce qu’à certain niveau, on ne doute plus des capacités d’adaptation du prétendant. Le défi n’en n’est pas moins de taille pour celui qui s’affiche encore sur LinkedIn comme un car enthusiast, et qui n’a sûrement pas l’intention de se muer en "fashion victim".

Mais quelque chose me dit précisément que LdM n’a pas tant choisi de partir que d’arriver, saisissant l’opportunité d’une autre vie dans une vie professionnelle qui semblait pourtant toute tracée. C’est pour cela que je n’ai pas vu dans l’"arrivederci" ponctuant le message qu’il adressa aux collaborateurs de Renault dès le 16 juin ce que nombre de commentateurs ont interprété comme une dérobade face aux changements climatiques affectant l’industrie automobile européenne, sous forme d’arrivée d’airs froids.

Quoiqu’il en soit, on ne peut que souhaiter à l’homme à la pochette blanche que les vents nouveaux lui soient favorables.

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Réactions

E pericoloso sporgesi ?
Après le "joueur" de contrebasse, le look de clergyman et celui du Dandy ... Celui du banquier d'affaires est annoncé.
Toute la "Régie" retient son souffle !
;0)

Sacré Garcimore ciao ,il aime le luxe et il a fait de Renault une marque premium,abandonnant les volumes pour la marge.
Démissionner en plein baston comme notre Che….venement démissionnant de son poste de Ministre des Armées en pleine guerre et des otages français aux mains des Serbes….re beurk.
Pas facile d’aller au combat avec des Italiens mais c’est une autre histoire.
La renaulution avec tous ces Anglicismes sur les pare-brise etc etc,j’ai une pensée pour les serviteurs de l’Etat qui ont gérés la boîte avant Garcimore le coquet et même certains comme M Besse y ont laissé leur vie assassiné par les 4 tarés qui 50 ans plus tard non même pas un remord.
A ton réellement besoin de verser des salaires de dingue à des gus qui se tirent au premier coup de feu,est ce que Renault était plus mal géré du temps des commis de l’état comme Loulou?
Mettre des ing ou the partout ne change pas le produit mais donne un côté branché anglo-saxon,Carlos premier avait poussé la Zoé et la fusion Nissan,qu’en reste-t-il ?
J’ai peur pour mon Renault que j’aime,j’ai vu le résultat avec le voisin d’en face et sa descente ( finie?)aux enfers avec une action à 8€,nous étions à 100 avant l’affaire des votes doubles nous voilà à 30…..pour combien de temps?

J’ai lu ici même les cours baissent pas grave si le dividende est maintenu au même niveau,en effet dans ce cas le rendement augmente, avec un raisonnement comme cela j’espère que vous n’avez pas un Takata sous le nez et vérifiez aussi le pliage du parachute.
Bonne chance mon Renault

Et pour finir je viens de lire le communiqué premier semestre de Pinault( pas le flic) avant l’arrivée de notre Garcimore le coquet…..va avoir du travail aussi au pays des paillettes,ils sont à moins 15/20 partout,Ma ! J’arrive

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