22/05/2025 - #Bentley , #Lamborghini , #Rolls-Royce , #Fiat
Habemus Papamobile
Par Jean-Philippe Thery

Aujourd’hui, je vous parle d’auto pas toujours très mobiles, mais habitées par l’Esprit Sain..
Fumée noire : les sous-papes ont encore l’esprit encrassé. Fumée blanche : les huiles du conclave ont voté : Habemus papamobile !
D’émanations gazeuses à particules, Robert Francis Prevost ne devrait pourtant à l’avenir plus en être responsable. C’est du moins ce que laissent à penser les premières apparitions, non point miraculeuses mais motorisées, de celui qu’on est désormais prié de désigner par son nom de règne, puisque c’est à bord d’un van VW électrique que Léon XIV a été aperçu. De quoi alimenter les spéculations sur la future voiture du Pape récemment élu, même si ni le Vatican ni la Maison de Wolfsburg n’ont officiellement communiqué sur le sujet. Ce qu’on sait en revanche, c’est que le Saint-Siège pourrait bien à l’occasion être celui du conducteur, puisqu’il se dit dans son entourage que notre (Saint) homme est amateur de (bonne) conduite. Dieu merci, l’Eglise n’a donc pas encore fait sien le commandement "tu ne conduiras point" pourtant très en vogue chez certains prêcheurs, il est vrai pas toujours très catholiques.
Le Vatican poursuit donc ainsi les efforts de décarbonation de sa flotte automobile, dont de rapides recherches me laissent à penser qu’elle débutèrent en 2012 avec la livraison de deux Kangoo à batteries, l’un étant alors destiné aux déplacements de Benoit XVI dans sa résidence de Castel Gandolfo, l’autre à la gendarmerie vaticanaise. Un effort pour le moins symbolique de la part du plus petit Etat du monde, qui ne devrait certes pas impacter le climat de façon significative, mais qui s’inscrit dans un objectif de neutralité à la fois canonique et carbonique pour 2030. Et sans aucun doute une bonne ID pour Volkswagen, qui a ainsi livré plusieurs exemplaires des différents modèles de sa gamme électrique à l’administration pontificale.
Pour ma part, c’est en 2013 que je suis le plus approché d’une papamobile, lors du voyage du Pape François au Brésil. non pas que je me sois mêlé à la foule des nombreux fidèles venus lui rendre hommage, mais parce que j’habitais alors à quelques kilomètres du trajet emprunté par son cortège. Les dirigeants locaux de Fiat en charge de fournir sa voiture officielle au Saint Père et qui auraient volontiers opté pour ce que la marque avait alors de mieux à offrir entre Freemont, Linea ou même Bravo durent néanmoins répondre à sa demande pour un véhicule à 4 portes le plus modeste possible. Un vœu pieu mais qui ne le resta pas puisqu’il fut exaucé, exigeant de recourir à une agence de location pour dégoter une Idea en finition "Attractive" ne disposait pour seul luxe que de l’Air Conditionné, alors que les commandes de vitre arrière étaient manuelles, et que les roues tôles étaient revêtues de calottes non point papales mais en plastoc.
Pieusement conservé dans les locaux de l’usine de Betim en attendant l’ouverture d’un futur musée local dédié à la marque, le petit monospace garde religieusement sur la carrosserie les stigmates d’un épisode à la fois étrange et sympathique, quand son chauffeur résolu d’emprunter par erreur l’une des contre-allées de l’Avenida Vargas. Pris dans un trafic d’autant plus intense que la voie centrale lui avait été réservée, son illustre occupant se retrouva soudain par fenêtres ouvertes (non) interposées, en contact avec les passagers d’un bus immobilisé à son côté, et rapidement encerclé par une foule aussi dense que ravie de l’approcher. Mais si les voies du seigneur sont impénétrables, celles du centre-ville de Rio finirent heureusement par se libérer et la petite Fiat reprit un chemin qui n’avait rien de croix, avec les arrêts de bus bondées de fidèles en guise de stations.
François appréciait semble-t-il les machines italiennes, puisqu’il se déplaçait régulièrement en Fiat 500L, aussi bien dans les rues de Rome qu’à l’occasion de certains voyages officiels, comme à New York en 2015 et il y a deux ans à Marseille. Il ne conserva pour autant pas longtemps la Lamborghini Huracan blanche à parements jaunes que la marque judicieusement sise à Sant’Agata Bolognese lui offrit le 15 novembre 2017. Comme il n’avait cependant oublié ni de la bénir ni de l’autographier, celle-ci fit plus que doubler son prix catalogue lors d’une vente aux enchères réalisée quelques mois plus tard, les quelques 715.000 euros ainsi récoltés étant reversés à diverses associations caritatives.
Voilà qui nous rappelle que les premières voitures livrées au Vatican furent elles aussi italiennes, même si l’Itala offerte en 1909 à Pie X par l’Archevêque de New York comme les Bianchi apportées en cadeau par son constructeur en 1922 puis 1926 restèrent désespérément cloitrées en raison du conflit opposant alors leur destinataire à l’Etat Italien depuis 1870. Les différents papes se succédant sur la période étant restés dans l’enceinte du Vatican dont ils se considéraient prisonniers, il fallu donc attendre la signature des accords du Latran en 1929 pour voir enfin l’un d’entre eux à bord d’une automobile, ce qui se produisit le 22 décembre de la même année quand Pie recouru à la combustion interieure pour effectuer les 8,5 km séparant sa résidence de la Basilique Saint Jean-de-Latran. Et c’est une Graham-Paige américaine qui s’y colla…
Il n’en reste pas moins que pour sa messe inaugurale célébrée ce 18 mai, c’est à bord du Mercedes G580 électrique remis à son prédécesseur en décembre dernier que Léon XIV traversa la place Saint Pierre, sans doute histoire de nous rappeler que c’est la marque à la (bonne) étoile qui inventa la Papamobile, et ce à deux reprises. D’abord avec une somptueuse Berline Nürbrug 460 Pullman délivrée en 1930 à Pie XI. Mais surtout avec la Classe G à laquelle le néologisme est indubitablement associé depuis qu’elle est surmontée d’un disgracieux "paparium" à l’épreuve des balles, auquel les Chefs de l’Eglise successifs ont dû s’habituer après le 13 mai 1981. Ce jour-là, celle qui arborait l’immatriculation SVC 1 (pour "Stato della Città Vaticano"), était une modeste Fiat 1107, petit 4x4 plus connu sous l’appellation de "Nueva Campagnola", dont la carrosserie totalement découverte n’offrit aucune protection à Jean-Paul II lorsqu’Ali Agça tira sur lui à deux reprises. Si grâce à Dieu le Pape survécut, la petite Fiat même équipée d’une verrière blindée fut bientôt remplacée par celui que certains considèrent comme le seigneur des 4x4, mais devint ainsi le 4x4 du Seigneur, ou du moins de son représentant sur terre.
Drôle de destin tout de même que celui de ces autos d’apparat, condamnées à évoluer principalement au pas, et dont la notoriété doit avant tout à celui ou celle qu’elles promènent au milieu de foules en liesse. Même s’il n’est dans le fond pas moins enviable que celui de tapageuses sportives taillées pour les grandes vitesses, dont la principale mission consiste néanmoins à effectuer des aller-retour sur de prestigieuses avenues, de la Croisette cannoise à la promenade anglo-niçoise en passant par les Champs parisiens. Autant d’engins faisant irrémédiablement penser à un fauve en cage quant leur propriétaire en mal d’attention fait rugir au point mort leur noble mécanique, laquelle préférerait sans doute se dégourdir les 8 ou 10 pistons sur quelque autobahn.
Evidemment, rien de tout cela avec les voitures de chefs d’Etat, qui contrairement à la Papamobile font désormais dans la discrétion. Prenez par exemple la DS8 dont les clefs ont été remises il y a peu au locataire de l’Elysée, faisant de notre Président de la République le premier au monde à rouler 100% électrique. Les services de communication de la marque auront beau évoquer sa peinture exclusive bleu Saphir -qu’utilisait déjà la DS7 remplacée- les panneaux de custode noir, ou même l’éclairage bleu-blanc-rouge s’ajoutant la nuit à celui de la calandre "Luminascreen" -whatever it means- avouez que l’auto ressemble furieusement à celle désormais disponible à la vente chez tous bons distributeurs de la marque.
J’entends d’ici certains nostalgiques regretter l’époque où les voitures officielles s’assumaient, à l’instar de la Mercedes 600, particulièrement exubérante dans ses versions limousine Pullman à 6 portes ou Landaulet. Une auto qui entre autres nombreuses célébrités, compta parmi ses clients une liste de chefs d’Etat longue comme un jour sans pain, surtout pour les malheureux administrés des moins recommandables d’entre eux. Heureusement pour le salut de son âme mécanique, la dernière vraie représentante de la longue lignée des "Grosser Mercedes" fut elle aussi papale, par la grâce de Paul VI qui reçut la sienne en 1965.
A peine moins extravagante, l’étrange Citroën DS étirée à l’extrême par Chapron pour le Général de Gaulle, qui lui préférait au quotidien le plus discret modèle de série. Des mêmes ateliers de Levallois sortit plus tard la paire d’élégantes SM découvrables 4 portes, commandées en 1972 à l’occasion d’une visite de la Reine d’Angleterre, elle-même habituée aux limousines des maisons Bentley ou Rolls-Royce modifiées à son intention. Quant à nos amis -ou pas- d’outre-Atlantique, c’est évidemment à la Lincoln Continental 1961 dans laquelle John Kennedy avait rendez-vous avec son funeste destin le 22 novembre 1963 qu’ils nous font irrémédiablement penser.
J’aurais pu en terminer dans le même registre macabre en faisant allusion à la seule voiture de cortège que le commun des mortels -c’est le cas de le dire- peut envisager emprunter un jour ou l’autre, mais surtout le dernier. Mais je préfère conclure sur une note d’optimisme, puisque l’une des dernières volontés exprimées par le pape qui vient de nous quitter fut justement que la voiture qu’il utilisa en Palestine en 2014 soit convertie en ambulance, afin de secourir les enfants victimes de la guerre. Voilà un destin plutôt inhabituel mais ô combien utile pour l’une de ces Papamobiles prenant habituellement leur retraite dans la collection de voitures abritée au Vatican, et qui donne un sens particulier au titre de cette chronique…