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Chronique - 10/03/2022 - #Volkswagen , #Bmw , #Bugatti , #Ferrari , #General Motors , #Lotus , #Toyota

La lettre d’Elise

Par Jean-Philippe Thery

La lettre d’Elise
Elise de der pour Elisa.

C’est une chronique en forme de lettre que je vous propose aujourd’hui. D’une certaine façon, ma lettre à Elise…

J’ai toujours dit que si je décrochais le gros lot du Loto ou de la Mega-Sena (son équivalent brésilien), je visiterais aussitôt mon concessionnaire Lotus le plus proche. Et comme je n’ai pas pour habitude de faire des promesses en l’air, c’est ce qui m’est (presque) arrivé il y a vingt et quelques années.

A la différence près que ce que j’ai alors gagné, ce n’est pas un chèque de la Française des jeux, mais le droit de fêter "l’âge mûr où l’on s’aperçoit qu’on ne peut pas compter sur l’élasticité du tissu, c’est sûr" comme Alain Souchon décrit la trentaine avec sa joie de vivre habituelle. Du coup, le chèque que j’ai signé fut à l’ordre d’une agence de location, pour deux jours de commémoration à bord d’une…BMW Z3M Roadster. Mais l’idiot qui l’avait réservée la semaine précédente l’ayant enroulée autour d’un tronc -m’évitant peut-être de l’avoir fait à sa place- j’ai finalement opté pour une Lotus Elise.

Il faut croire que j’ai alors considéré l’incident comme un avertissement sans frais, tant il m’aurait été difficile de choisir un engin plus radicalement opposé à la Bimmer. Tous les essais de l’époque semblaient en effet s’accorder sur le constat selon lequel les 321 "Pferdestärken" libérés par le superbe 6 cylindres en ligne étaient bien impétueux pour un châssis à la rigidité d’une Curry Wurst sans boyau, surtout quand l’asphalte auquel les roues arrière tentaient de les faire parvenir sans la moindre assistance électronique n’était pas parfaitement sec. Alors qu’en comparaison, la pauvre Lotus semblait bien mal lotie avec les 120 canassons issus du 1.800 cm³ Série K emprunté à la roturière Rover 200.

Mais ce serait faire bien peu de cas du savoir-faire de la marque britannique que de s’en tenir à la rubrique moteur de la fiche technique, quand avec ses 725 kg tout mouillés (sans doute par le crachin), celle-ci faisait volontiers penser à un petit rat d’opéra, auprès duquel le roadster Germain évoquait davantage une de ces bavaroises en dirdnl qui servent les litres de bière par douzaine à l’Oktoberfest (ce dernier commentaire s’autodétruira dans 5 secondes). Et puis, le modeste quatre cylindres a beau ne pas faire dans l’aristo, il n’en occupe pas moins juste derrière le conducteur une position dont la noblesse procède de la catégorie reine de la compétition automobile, architecture dont Lotus fut justement le précurseur.

N'ayant pas eu à subir les scabreuses conséquences que provoquent parfois les excès de couple au train arrière, j’ai pu restituer l’auto dans son intégralité et récupérer mon chèque de caution dans le même état, non sans avoir parfaitement obéi au cahier des charges que nous nous étions fixés avec l’ami Christophe qui m’accompagna. C’est donc à la campagne et non sur les Champs que nous avons emmené Miss Elise, en échangeant les tickets d’autoroute contre les additions de petits restos champêtres, avec d’autant plus d’appétit que Paris-Guéret par les départementales, ça Creuse forcément! (désolé)

Deux grosses décennies plus tard, je ne peux que me féliciter de ce choix. Parce que même si mon dernier bouquin[1] se vendait soudainement à quelques dizaines de milliers d’exemplaires, je serais bien en peine de remplir un bon de commande pour une Elise neuve en 2022, puisque les clefs du dernier exemplaire ayant quitté les chaines de production d’Hethel en décembre dernier viennent d’être remises à une charmante jeune femme.

Elise. Un bien joli prénom, n’est-ce pas ? Je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi ma Grand-mère qui l’avait reçu en baptême l’avait éludé au profit de celui figurant en deuxième position sur son acte de naissance, au prix de régulières complications administratives. Nul doute en revanche, sur les préférences des parents de la petite Elisa Artioli, née il y a un peu moins de 30 ans. Quant à celles de son grand-père, on n’en parle même pas.

Ou plutôt si, parlons-en. Né en 1932 à Moglia, Romano Artioli ne s’est de toute sa carrière jamais rangé des voitures. Importateur de marques principalement japonaises, puis plus gros concessionnaire Ferrari d’Italie, il concrétisa en 1986 le projet de toute une vie en se portant acquéreur de Bugatti qu’il avait rêvé de faire renaitre après avoir conçu la plus grande tristesse de sa disparition, à l’âge de ses 20 ans. Et c’est à Campogalliano, dans son pays natal comme celui d’Ettore qu’il édifia l’usine où serait produite l’EB110. Cent-dix, comme l’âge qu’aurait eu "le patron" le 15 septembre 1991, date du lancement de l’incroyable supercar, animée par un V12 quadri-turbo de 560 chevaux, puis 603 dans la version SS. 139 exemplaires plus tard, la belle aventure prenait pourtant fin, lorsque Bugatti Automobili SpA subit à son tour les affres de la faillite. Ignoré pendant des années par le Groupe Volkswagen qui s’empara de Bugatti en 1998, ce pan de l’histoire de la marque a depuis été réhabilité en août 2019, avec la présentation de la "Centodieci" -série limitée à 10 exemplaires et 8 millions d’euros pièce- dans les murs qui ont vu naître celle à qui elle rendait hommage.

Mais pour superlative qu’elle fût, Bugatti ne suffisait apparemment pas al Signor Artioli. Le 27 août 1993, c’est Lotus Cars qui sortait du giron de General Motors pour venir se joindre à elle au sein de la ACBN Holdings. A l’époque, on travaillait déjà dur sur celle qui allait relancer la marque et qui aurait dû être désignée comme 111 (One-Eleven), si Romano n’avait proposé le prénom de sa petite-fille quelques jours avant le Salon de Francfort. Et le 12 septembre 1992 sur le stand de la marque, ce n’est pas une mais deux Elise que révéla le voile que l’on souleva, l’une s’agrippant tant bien que mal au volant de l’autre, du haut de ses trois ans.

Il faut dire que le prénom de l’adorable bambine possédait la bonne lettre au bon endroit, puisque depuis 1956, nombre de modèles de Lotus utilisent un nom commençant par le cinquième signe de l’alphabet. Une tradition née un peu par hasard, alors que Colin Chapman -le fondateur- lançait son onzième modèle qui aurait dû s’appeler "Mark11" s’il avait suivi la nomenclature jusque là en vigueur. Mais le passage des chiffres romains au chiffres arabes ayant fait naitre la crainte d’une possible confusion visuelle avec l’appellation "Mark II", on se décida finalement pour "Lotus Eleven". Suivirent les Elite, Elan, Europa, Eclat, Excel, Esprit et bien sûr Elise, sans oublier les Exige, Evora, Evija et Emira lancées par la suite.

Depuis qu’elle est en âge de conduire, Elisa promène son Elise S1 là ou concentrations et évènements dédiés à la marque, ou tout simplement son envie l’emmènent. C’est à l’âge où vous et moi jouions au Scalextric qu’Elisa reçu sa première auto à 4 ans, un exemplaire gris aluminium intérieur bleu, sorti le 26 août 1997 des chaînes du Comté de Norfolk. Et l’on imagine aisément l’impatience qui fut la sienne pendant des années avant de pouvoir la conduire, autant que la relation très spéciale qu’elle a développé avec sa Lotus au cours des années qui on suivi. Pour autant, cette dernière devra bientôt faire une petite place dans le garage d’Elisa pour accueillir la toute dernière Elise produite, et qui ne pouvait trouver meilleure destinée : Une Sport 240 couleur or, dont sa propriétaire appréciera sans nul doute les 245 Chevaux délivrés par un quatre cylindres Toyota, même si une partie de l’excédent de cavalerie par rapport à celle de sa S1 est occupée à compenser l’embonpoint de 200 kg pris depuis lors.

Au-delà de l’aspect Marketing de cette opération, qu’on oublie aisément tant Elisa et son histoire sont attachantes, cette évolution est somme toute logique. Car si la S1 allait bien à la jeune fille qui débutait sa vie d’automobiliste, la 240 conviendra sans doute parfaitement à la conductrice expérimentée qu’elle est depuis devenue, et par laquelle je me laisse volontiers influencer en suivant sur les réseaux sociaux son compte joliment intitulé "I am Lotus Elise".

Et je rêve du jour où je pourrai enfin attirer l’attention d’Elisa en postant la photo d’une Elise acquise en seconde main grâce à mes gains du Loto.

Ceci étant dit, il faudrait peut-être que j’aille cocher de temps en temps des numéros sur une grille …

[1] Petites Impertinences Automobiles II, toujours disponible en cliquant ici

Réactions

Merci pour cet article... je vous cite : "on ne peut décemment prétendre au statut de passionné d’automobile -ou de "petrolhead" en briton dans le texte- sans avoir au moins une fois dans sa vie possédé une voiture du constructeur milanais" et j'ajouterai que celui qui n'a jamais goûté au "touché de route" Lotus a raté quelque chose... ;o)

Je ne retrouve pas le nom de l'Opel sister-ship de cette désirable Lotus.
Sans doute moins classe mais certainement moins chère d'occasion.

Opel Speedster, qui a surtout le défaut d'être 150 kg plus lourde que l'original.

Merci Colin !
Plus lourde, moins chère, au kilo c'est mieux que le filet de boeuf vs le faux-filet.

Moi j'ai goûté au "touché de route" Venturi et ça se vaut surement !
La réputation de ces bagnoles était quand même que quand tu roulais sur un mégot, tu connaissais la marque de la clope !
Les Lotus je sais pas dire, y pas de version adulte !
;0))

Dans mon vieux temps, on parlait de la suspension de la Mini -la vraie- en disant que si on roulait sur un ticket de métro on savait s'il était poinçonné ou pas.

Le touché de route Lotus n'est pas une légende. C'est la résultante du "Light is Right!"
A conduire, c'est sidérant.
Pour ce qui est du confort en Elise, vous seriez surpris... pareil, rien ne remplace un essai...
C'est sûr que c'est une auto "fatigante" sur longues distances (bruit, concentration nécessaire, chaleur en été, buée sous la pluie, étanchéité relative etc..) mais pas en raison du confort de roulement qui est très correct du moment que les amortisseurs sont bons.

Je passe sur la version pour adulte avec un flegme très britannique... ;o)

Indeed !
Bon OK j'essayerai une nouvelle fois par canicule en plein été. Sans les bottes ça devrait rentrer...
;0))
PS : je ne suis pas gros, seulement pas le bon gabarit ! Et puis pas ma faute, chuis tombé dedans quand j'étais petit...

Colin, Lucos n'a pas voulu vexer qui que ce soit en parlant de voiture pour adulte, il a simplement "l'encombrement" de Sébastien Chabal, donc dans une Lotus, c'est moins facile.
Déjà entrer et sortir d'une Venturi, pas fastoche.
Le Range Rover ou le Hummer sied mieux au "gabarit".

:o)))
Effectivement, le gabarit Sébastien Chabal n'est pas compatible...

Et encore, je lui rend 13 kg de plus...
Ce nain !
;0))

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