03/07/2025 - #Renault , #Alpine , #Fiat
Gimme (the) Five (Apple Green remix)
Par Jean-Philippe Thery

Kermit m’a prêté sa voiture de fonction. Et il a bien failli ne pas la récupérer…
Le vert est dans le fruit
C’est ce que je me dis en observant du premier étage la Granny Smith motorisée que j’ai récupérée le matin-même, et dont la couleur pète d’autant plus que je l’ai stationnée juste derrière une Fiat 500 de 2e génération, à la robe Royal Gala. Pour l’avoir observée de près quelques minutes auparavant, je sais que son apparence opaque est trompeuse, puisqu’à la différence de la rouge italienne, des particules métalliques enfouies dans les profondeurs du verni brillent de tous leurs feux quand exposées aux rayons solaires. Ce qui n’empêche pas la Renault 5 E-Tech de produire son petit effet même vue de loin sans paillettes.
Je sais, je vous ai déjà parlé de la 5 originelle en avril 2022 dans Gimme (the Five). J’y faisais allusion à la 5 TL rouge (référence 733) de ma mère, dont je regrettais alors qu’elle fût dépourvue des protections latérales en polyester armé caractéristiques de la GTL, dans laquelle se pavanaient certains de mes camarades de classe plus chanceux. Pour un gamin de 8 ou 9 ans, le prestige ne tient parfois à pas grand-chose… En revanche, je crois n’avoir jamais évoqué celle de Sophie dans laquelle bien que toujours passager, je fus promu une bonne dizaine d’années plus tard de la banquette arrière au siège du copilote. Celle-ci (la voiture, pas Sophie) affichait un bleu qu’EDF n’aurait pas renié et dont le précédent propriétaire avait fait appliquer un voile externe sur la carrosserie, le préférant pour des raisons connues de lui seul au vert laitue 913 d’origine, lequel subsistait néanmoins sur les feuillures de portières. Des ouvrants qui ne disposaient toujours pas des fameuses bandes en plastoc, même si je m’en fichais cette fois pas mal puisqu’à 18 ou 19 ans, on s’intéresse à des choses plus essentielles. Comme la liberté d’aller et venir que nous procurait celle qui pas plus que sa couleur ne constituait le choix de Sophie -puisqu’elle l’avait reçue en cadeau de ses parents-, mais qui nous affranchissait enfin des TCL (Transports en Commun Lyonnais pour les intimes).
Inutile donc de vous préciser à quel point me parle cette Nouvelle Cinq, qui reprend les codes des autos de mes jeunes et même très jeunes années. Ou pas tout fait, puisqu’à l’instar de sa robe "vert pop" évoquant davantage le citron lime que la salade, cette nouvelle mouture est tout de même très différente de celle de l’époque. La promiscuité de parking m’ayant donné tout le loisir de la comparer à la 500, quelque chose me dit que si elle emprunte pour partie au même registre nostalgique que la petite Fiat, la Française propose en sus sa propre vision de la modernité, et pas seulement en raison de sa motorisation électrique. Une impression qu’allaient bientôt me confirmer les différents trajets que j’allais effectuer les deux jours suivants, durant lesquels j’eu le sentiment de naviguer en permanence entre les Seventies et les années 20 de notre ère, dans une espèce de dialectique spatiotemporelle motorisée.
J’aurais d’ailleurs aimé disposer simultanément de l’ancienne et la nouvelle Cinq, histoire de ne rien louper des nombreuses évocations empruntées par l’une à l’autre. Mais aussi pour m’essayer au jeu des -bien plus que - 7 erreurs, puisque si son ascendance est immédiatement identifiable, la nouvelle Cinq n’en constitue pas moins une auto très différente de sa devancière. A commencer par la perception de son gabarit, dont j’ai été surpris de constater qu’il n’avait grossi respectivement que de 11,5, 16,5 et 8,5% en longueur, largeur et hauteur, alors que la même comparaison entre la première 500 et sa descendante se monte à 20, 23 et 12 %. Il n’en reste pas moins que la 5 E-Tech a pris des formes par rapport à celle de 1972, et qu’avec son aspect trapu associé aux quatre roues jetées aux quatre coins de la caisse remplissant généreusement les passages correspondants, elle évoque davantage les versions Alpine que les L ou GTL.
Ça se poursuit à l’intérieur avec le revêtement "côtelé" de la planche de bord mais côté passager uniquement, alors que celui d’origine s’étirait sur toute la longueur de la façade. Même chose avec le "pod" instrumentation rectangulaire aux coins arrondis, commun à la petite dernière comme à l’ancêtre, mais prolongé sur la première par le désormais inévitable écran central multimédia… Quant aux superbes sièges s’inspirant clairement de leur homologue "pétale" de l’époque, c’est sur la 17 et non la 5 que ces derniers furent lancés, même si on les retrouva ensuite sur la Turbo. N’ayant pas l’intention de muer cette chronique en définition produit, je conclurai cette énumération par les graphismes orange de l’affichage conducteur, dont je n’ai jamais réussi à déterminer s’ils me paraissaient plus rétro que futuristes ou inversement. Ce qui est plutôt bon signe, puisque signifiant que le designer responsable a parfaitement réussi son coup.
Il en va évidemment tout autrement de la partie dynamique. Lors des tout premiers tours de roue, la 5 E-Tech m’a paru afficher de prime abord le comportement typique des engins à batteries de la deuxième décennie du XXIe siècle, dont je dois bien avouer ne pas être grand fan, notamment caractérisés par les accélérations immédiates résultant d’un couple moteur disponible dès la première rotation. D’une efficacité aseptisée en raison de leur caractère linéaire, celles-ci manquent à mon goût de la saveur procurée par les ruptures consécutives aux changements de rapports, et par les variations acoustiques accompagnant celles du régime moteur. Quelques kilomètres de plus, et je constatais pourtant avec surprise que je prenais du plaisir à conduire cette électrique-là.
En essayant de saisir l’origine de cette satisfaction inattendue, je me suis aperçu que la Cinq offrait une certaine consistance, à commencer par la direction sans doute la plus précise qu’il m’a été donné d’apprécier sur un VEB, mais aussi s’agissant des commandes en général, offrant une fermeté bienvenue sans jamais être excessive. Une impression confirmée par la motorisation délivrant 150 chevaux sur la version "Iconic" que j’ai eu l’occasion d’essayer et qui m’a parue parfaitement calibrée. Avec 8 secondes annoncées de 0 à 100 km/h au départ arrêté, l’auto se montre en effet vive – "nerveuse" aurait-on dit à l’époque du modèle originel- mais sans excès, en tout cas suffisamment pour atteindre avec aisance les 130 km/h auxquels je me suis tenu. Bref, cette Cinq-là ne vous collera pas au fond du siège, mais telle n’est certainement pas sa vocation.
Et puisqu’il en est question, précisons que j’ai "roulé" l’auto dans des conditions idéales d’utilisation eu égard à son profil, puisqu’en dehors d’un bref run initial sur l’A13 pour rallier Le Chesnay, je me suis essentiellement déplacé en ville et dans la banlieue proche. Dans ces conditions, la petite Renault décoche un 5 sur 5 mérité, soutenant aisément la comparaison avec les thermiques équivalentes disponibles en neuf, puisque je ne vois pas ce qu’une berline mue par un tri-cylindre accouplé à une "boitoto" aurait de plus à offrir en matière de sensations de conduite. Au moins la Cinq procure-t-elle un silence de fonctionnement appréciable en mode navettage, gratifiant à l’occasion ses passagers d’un décollage aussi énergique qu’immédiat lorsque le feu passe au…vert.
Alors c’est vrai, je ne l’ai pas conduite sur l’autoroute, où son autonomie ne lui permet semble-t-il guère de dépasser les bornes, auprès desquelles il lui faut de surcroît patienter un certain temps en raison d’une charge rapide limitée à 100 kW. Pas plus que je n’ai posé mon séant sur la banquette arrière où les passagers font du genou au dossier des sièges avant. Et si j’ai connu une brève expérience de charge, c’est parce que je l’ai bien voulu, tant par curiosité que parce que je croyais -à tort- que celle-ci me coûterait moins cher que le stationnement. Ça m’a permis de vérifier que certains chargeurs ignorent encore les principes les plus basiques de l’ergonomie quand il faut s’y scotcher pour rester à portée du câble, entravant l’ouverture de la portière pas GTL puisque dépourvue de protection latérale, ou que l’écran du terminal de carte bleue situé à hauteur du bas-ventre est illisible au soleil.
Ça ne m’empêcherait pas de considérer sérieusement la Cinq si j’étais de ceux que j’imagine constituer le cœur de cible, vivant en maison individuelle avec garage pour accueillir un chargeur domestique, au sein d’un foyer multi-motorisé incluant une thermique pour les trajets de longue distance, et disposant d’un revenu suffisant pour effectuer l’effort initial dépassant les 30.000 euros après déduction des différentes aides de l’Etat. Je sais, ça fait beaucoup de conditions, mais sans doute pas tellement plus que pour l’acheteur d’une Mini dont la petite Renault me paraît constituer l’incarnation française, plus que de celle dont elle s’inspire dont les versions d’entrée s’adressaient à une cible plus "popu".
Et s’il me faut encore ajouter une vertu à la Renault 5 E-Tech, c’est sans nul doute dans le message qu’elle nous envoie que celle-ci me semble résider. Parce que voilà enfin une auto à batteries nous expliquant de façon joyeuse que rouler en électrique, ça peut aussi être cool. Et nul doute qu’elle se montrera de ce point de vue beaucoup plus convaincante auprès de l’immense majorité de ceux qui n’ont pas encore effectué leur transition, que les sempiternelles injonctions moralisatrices de sacerdotes auto-proclamés.
Bref, j’ai tout de même fini par restituer sa voiture de fonction à Kermit, même si je l’aurais volontiers gardée quelques jours de plus. Et croyez-moi, c’est bien la première fois que j’écris ça d’une voiture électrique…






