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06/11/2025

Transfăgără-pas-fun

Par Jean-Philippe Thery

Transfăgără-pas-fun
La photo que je n'ai pas prise... (Crédit: https://transfagarasan.travel/en/)

Aujourd’hui, je vous parle de vacances ratées. Ou pas…

Je me suis rappelé la pub de la Peugeot 309 GTI 16.

On y voyait un panneau jaune "route barrée" posé sur l’asphalte impeccable d’une route filant vers l’horizon, avec pour commentaire la mention "privé de dessert". En ce qui me concerne, c’est une pancarte rouge portant l’inscription "DRUM ÎNCHIS" qui me signifie ma punition. Et même si mon roumain est encore très balbutiant, je comprends très vite que se confirme ce qu’on m’a annoncé la veille, mais auquel je refusais encore de croire dans un ultime sursaut de déni : la DN7C, qualifiée en 2009 de "meilleure route au monde" par les protagonistes de l’émission britannique Top Gear et plus connue comme Transfăgărășan est fermée.

6.000 tonnes de dynamite. C’est ce qu’il a fallu aux militaires dans lesquels l’infâme Ceaușescu avait trouvé une main d’œuvre bon marché pour construire les 90 kilomètres de cette véritable folie comptant rien moins que 830 ouvrages transversaux, 27 viaducs et ponts et 5 tunnels. Dans son délire mégalomaniaque, le "Génie des Carpates" comme se faisait appeler celui qui faisait alors régner la terreur sur son peuple, voulait ainsi s’assurer un accès rapide entre la Transylvanie et la Wallachie au cas où l’URSS aurait tenté une invasion comme celle perpétrée en Tchécoslovaquie en 1968.

Après des travaux effectués jusqu’à plus de 2.000 mètres d’altitude entre 1970 et 1974, ayant sans doute coûté beaucoup plus en vies humaines que les 40 morts officielles, naquit une route ressemblant à une succession de circuits, au profil de fait plus adapté à des GT sportives qu’à une colonne de blindés. A même de faire pâlir de jalousie le Col du Stelvio, le Mont Ventoux ou la Serra du Rio Rastro dans le sud du Brésil, ce véritable paradis pour amoureux de conduite dynamique peut aussi offrir un passage direct pour l’au-delà à ceux qui perdraient les freins et/ou la raison sur l’une des nombreuses portions dénuées de protection.

Pas de quoi me décourager pourtant, puisque la Transfăgărășan faisait partie du deal passé avec la douce et tendre avant qu’elle ne commande les billets sur le point com d’une célèbre compagnie low cost. Nous irions donc voir la demeure de Dracula et quelques-uns des 11.000 ours peuplant les forêts de Transylvanie en échange d’une journée de négo de courbes. Mais si on a bien visité le Château de Bran que la légende associe sans doute abusivement à l’affreux Vlad (celui du XVe siècle, pas l’actuel) et qu’on a effectivement vu les plantigrades derrière les grilles d’une fondation comme d’une planque en pleine forêt, je n’ai eu droit qu’à moins de 10% de la route en question dans sa partie nord, jusqu’à la fatidique signalisation. Pour faire bonne mesure, le téléphérique qui nous aurait au moins permis de prendre le paysage de haut était en panne. Et comme c’était décidément la semaine de la "loose" pour votre serviteur, tout ça s’est produit alors que deux jours auparavant, j’avais déjà dû renoncer à visiter la collection de Ion Țiriac, les 400 voitures réunies par le célèbre champion de tennis et homme d’affaire étant inaccessibles en raison de travaux de rénovation.

Bref, des vacances ratées.

J’avais pourtant parfaitement préparé mon affaire, en réservant une Clio TCe 90. Et comme j’en vois d’ici se marrer à l’évocation de la petite Renault, qu’ils sachent que ce choix est beaucoup plus judicieux qu’il n’y paraît au premier abord. D’abord parce que si j’aurais volontiers roulé sur les traces de Jeremy Clarkson en Aston-Martin DB9 Volante, de James May en Lamborghini Gallardo Spider ou de Richard Hammond en Ferrari California, je doute que Florence Lagarde -qui préside aux destinées d’Autoactu- ait signé le devis correspondant. Mais aussi parce qu’après avoir vu défiler un paquet de berlines et breaks familiaux et d’inintéressants SUV sur le comparateur en ligne, une voiture compacte pas trop lourde et surtout dotée d’une boîte manuelle représentait de loin la meilleure option, et accessoirement la plus économique.

Pour un peu plus de deux cents euros la semaine, assurance maximale comprise, j’ai donc eu droit à un bicorps du segment B propulsé par un trois cylindres 1.0l turbo -avec admission variable s’il vous plaît- développant 90 chevaux en colère à 5.000 tr/min et 160 Nm de couple, le tout accolé à une transmission bien sous tous ses six rapports. Dans une auto affichant un peu moins de 1.100 kg, ça se traduit par un 0 à 100 en 12.2 s et une Vmax de 180 km/h. Pas vraiment de quoi affoler les chronos, et j’aurais volontiers échangé une dizaine de km/h pour une poignée de dixièmes en moins en reprise et accélération. Mais à l’heure où l’on traque le milligramme de CO2 et le moindre centilitre de carburant, n’attendez pas qu’on vous propose l’équivalent de la Clio S de première génération dont j’ai possédé deux exemplaires.

Certes, l’habitacle de la finition "Génération" nous rappelle qu’en entrée de gamme, le plastique gris ressemble à du plastique gris, le design de l’instrumentation électronique frise l’indigence en l’absence des deux compteurs ronds pourtant suggérés par la forme de la casquette qui la recouvre, les débattements longitudinaux de la commande de boîte sont longs comme un mois sans nouveau gouvernement français et la caisse s’incline en appui sur des combinés ressort-amorto calibrés pour le confort. Mais rien de tout cela n’a empêché l’engin de s’acquitter parfaitement de sa mission au cours des 1.377 km parcourus. Les sièges se sont notamment révélés particulièrement confortables pour la catégorie, le petit tri-cylindres n’a pas démérité avec un couple présent dès les étages inférieurs et l’adhérence s’est avérée surprenante eu égard à la largeur des pneumatiques. Mais surtout, la conduite de la bestiole s’est avérée d’autant plus vivante que le touriste de passage ne fait guère dans le navettage urbain. Y compris sur l’excellente autoroute A3 menant de Bucarest à Braşov, où en admettant que si j’avais évolué jusqu’à 170 compteur, j’aurais sans doute ressenti la même sensation de vitesse qu’à 50 ou 60 km/h de plus dans ma Béhème, sur autobahn bienzur.

Vous savez ce qu’on dit : qu’il est plus fun de conduire vite une voiture lente que de mener lentement une auto rapide. Et du fun, il me faut bien avouer que j’en ai eu, particulièrement sur un réseau secondaire en très bon état, dont certaines portions peu fréquentées. J’ai même eu droit à mon "moment" le vendredi précédent notre retour au bercail, en quittant la E68 pour la 104E puis la 105D, quelque part dans les environs de Sibiu. Une petite dizaine de kilomètres pleine de virolets rien que pour moi, sur une chaussée rendue d’autant plus "intéressante" par une pluie soutenue. "Alguem está se divertindo" ("quelqu’un est en train de s’amuser") a commenté Madame Thery, histoire sans doute de rompre un silence inhabituel dans l’habitacle, synonyme de concentration.

Alors, ratées ces vacances roumaines ? Pas le moins du monde s’agissant de la découverte d’un pays qui en vaut la peine à bien des égards, et dont je ne peux que vous recommander la visite si ce n’est déjà fait. Mais aussi de la redécouverte des joies simples de la conduite d’une automobile "basique" mais pas tant que ça, qui demande néanmoins à son conducteur de la saisir par le manche de boîte, et dont il vaut d’ailleurs mieux oublier la seule vraie concession à la modernité sous la forme d’un capteur de limitations de vitesse qui racontait régulièrement n’importe quoi. A l’issue de ce périple, j’ai d’ailleurs conclu que je me verrais volontiers en sa compagnie au quotidien, avec la motorisation de 115 chevaux encore disponible en boîte méca, et un niveau de finition plus poussée. Mais j’en rajoute déjà…

En revanche, il me faudra revenir un jour sur la Transfăgărășan. En m’assurant cette fois qu’elle soit bien ouverte…

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