Publicité
Publicité
Analyse - 26/01/2023 - #Audi , #Bmw , #Ferrari , #Honda , #Lamborghini , #Maserati , #Porsche , #Fiat

Why MC ?

Par Jean-Philippe Thery

Why MC ?
La MC20 Cielo. Une si belle GT… pourquoi ? (Crédit : Maserati)

Aujourd’hui, je me pose des questions existentielles dans un tram berlinois, à propos d’une belle Italienne en tenue légère au soleil.

Ça fait trois semaines que je navette en tramway.

Les jours ouvrés, j’emprunte la ligne M10, direction Hauptbanhof le matin et retour vers Warschauer Strasse le soir. J’en connais certains qui, me fréquentant depuis le siècle dernier, vont bien se marrer en me visualisant à bord d’un véhicule sur rail opéré par la Berliner Verkehrsbetriebe (la fameuse BVG, Société de Transport Berlinoise). Ceux-là ne manqueront pas de me rappeler ce que je disais alors des transports en commun, quand je me la pétais en Clio S toute neuve au tarif collaborateur : que c’était très bien… mais pour les autres. 

Pourtant, je dois bien admettre que malgré les 14 stations séparant mon domicile de mon lieu de travail, mon trajet quotidien n’a rien d’un chemin de croix. Après avoir retiré gants et bonnet, ajusté mon masque FFP2 (toujours à la mode par ici) et perché mes lunettes sur le crâne pour éviter la formation de buée sur les bifocales, j’ai en effet tout le loisir de m’installer confortablement en évitant la proximité des portes coulissantes. Et là j’en profite pour lire des revues…automobiles, évidemment. C’est comme ça que la semaine dernière, je me suis évadé à bord d’une Maserati MC20 Cielo en Sicile, quelque part entre la Strassmanstraße, et la Nordbanhof.

La Cielo, c’est la version découvrable de la GT à moteur central lancée par la marque au trident il y a déjà trois ans. Mais quand un constructeur enlève le haut d’une de ses autos, les représentants les plus éminents de la presse automobile internationale sont bien évidemment conviés à vérifier si la baie de parebrise ne souffre pas de vibrations intempestives consécutives à l’ablation, et si le 0 à 100 n’a pas trop pâti du surpoids lié aux indispensables renforts, y compris celui qui empêche le parebrise de s’agiter. Et si je suis un brin moqueur, c’est par pure jalousie envers l’essayeur qui a eu droit à sa propre version de la Targa Florio, sur l’île où la célèbre course fut disputée de 1906 à 1977. Mais il faut dire que celui-ci m’a un peu provoqué à s’exhiber en demi-page avec lunettes teintées et polo à manches courtes pendant que je ramassais mes gants tombés sur le lino du wagon…

Mais revenons à la Maser qui sur le papier (glacé) a tout pour plaire. A commencer par un physique des plus avantageux, même si placé devant sa frimousse débadgée dans une salle de clinic-test avant son lancement, j’aurais probablement mentionné le nom d’un gros félin anglais. Ajoutez-y le V6 "Nettuno" mais pas dé-tuné, délivrant 630 chevaux et 730 Nm par la grâce de la double turbo-compression, permettant d’emmener la tonne et demie de la bestiole de 0 à 100 km/h en 3,0 s et à plus de 325 km/h sur autoroute (allemande, bien zûr).

Notre homme relate encore un comportement irréprochable, avec suffisamment de réglages pour que son conducteur se prenne pour l’ingénieur en chef d’une écurie de F1, alors que 12 secondes à peine suffisent pour passer en mode coup de soleil, pendant que le type d’1,90 m qui vient de s’assoir à côté de moi empiète sérieusement sur mon espace vital.

Autant vous dire que si le service presse de Maserati m’appelle demain pour me proposer d’en prendre le volant, je renoncerai le temps d’un essai aux sièges de la BVG. Encore faudrait-il que le responsable du parc de la marque 1/ m’ait lu jusqu’ici 2/ ne lise pas ce qui va suivre.
Parce que pour sexy qu’elle soit, je me demande bien ce qu’elle fiche là, cette MC 20. Non, pas en Sicile ni dans les trains de la capitale allemande, mais dans la gamme de son constructeur.

Est-ce l’air des tramways berlinois qui provoque des nœuds de cerveau, ou suis-je le seul à m’être demandé si Maserati a construit sa MC en vain ?

Toujours est-il qu’au beau milieu du trajet, quelque part à hauteur de Prenzlauer Allee, j’ai soudainement interrompu ma lecture pour me demander "Why MC ?". Parce que la présence au catalogue de l’autre marque modénoise d’une stricte deux place surmotorisée et hors de prix ne m’est pas apparu des plus évidentes.

S’agissant de certaines marques, la même interrogation trouverait sa réponse d’elle-même. Pensez Aston-Martin, Ferrari, Lamborghini ou Porsche et cette chronique s’arrête là. Si ce n’est que les spécialistes ne sont pas les seuls à commercialiser des GT sportives, et que certains généralistes plus ou moins roturiers ne dédaignent à l’occasion de coller leur écusson sur le nez de ce genre d’engin.

Il est alors question de "modèle d’image", ce qui est pour le moins paradoxal si l’on considère qu’il s’agit précisément de celui qu’on verra le moins. Mais après tout, qui a dit que les représentants des marques de grande diffusion n’avaient pas eux aussi le droit de se faire plaisir ? Et peut importe que je raille -ou que je déraille- puisque je ne vais pas faire semblant d’ignorer la contribution d’image d’une R8 ou d’une NSX à leur Audi et Honda respectifs, même si celles-là viennent précisément de disparaitre.

D’ailleurs, j’ai toujours pensé qu’à condition d’en maintenir un exemplaire par showroom, ce genre d’objet n’avait pas besoin de beaucoup rouler pour faire son boulot à l’égard des clients potentiels ou avérés, venus qui se renseigner sur des modèles beaucoup moins exotiques, qui effectuer l’entretien périodique. 

Et Maserati dans tout ça ?

Au troisième quart du siècle dernier, les MC20 de l’époque avaient pour nom Mistral, Ghibli, Khamsin, Bora ou Merak. Mais c’était avant qu’à la faveur d’un énième changement de propriétaire, la marque ne se trouve des velléités de volume sous la houlette d’Alejandro de Tomaso avec l’inattendue Biturbo lancée à l’aube des années 80. Espèce de BMW Série 3 à l’italienne qui aurait abusé d’huile pimentée, la berline tricorps affichait une carrosserie aussi élégante et discrète que son intérieur était rococo, gagnant rapidement une réputation sulfureuse en raison d’un comportement fantasque et d’une qualité de construction qui ne constituait précisément pas sa principale qualité. Il se dit d’ailleurs que les rares exemplaires ayant échappé aux conséquences funestes d’un survirage soudain sur le mouillé étaient aussitôt rattrapés par la rouille perforante.

La Biturbo ne réalisa donc pas les scores de ventes qu’on attendait d’elle, et revint dans la décennie suivante à la production confidentielle seyant aux GT sportives, avec des versions plus musclées comme la Ghibli II ou la joliment bodybuildée Shamal.

De GT, il en fut de nouveau question sous la houlette de Ferrari, principal rival devenu tuteur après l’intégration de Maserati dans le giron de Fiat, et de fort jolie façon avec la 3200 GT. Lancée en 1998, cette auto décidément très réussie perdura jusqu’en 2008, non sans avoir été rebaptisée "Coupé" et "Spyder" pour la version découvrable, lors de l’augmentation de cylindrée intervenue avec la Phase II. Une décision laissant à penser que le responsable "appellations" du groupe étant probablement en arrêt maladie lorsqu’elle fut prise. Il y eu même à l’époque une fabuleuse MC12, clone tout en courbes de la très cunéiforme Enzo de chez Ferrari.

Sauf qu’à observer la gamme actuelle de Maserati, on se croirait un peu revenu à l’époque de la Biturbo, mais avec des ambitions de volume décuplées. Avec deux berlines et autant de SUV couvrant les segments D à F, la marque au trident dispose en effet sur le papier de quoi concurrencer par le haut le triumvirat allemand du premium.

Du moins, tant qu’on ne consulte pas les statistiques commerciales ni les dates de lancement. Parce qu’en dehors du Grecale dont la carrière a démarré l’année dernière, les trois autres modèles accusent sérieusement le poids des ans. Le Levante -qui n’a guère levanté les chiffres de ventes- est ainsi apparu en 2016, alors que les Ghibli III et Quattoporte VI remontent à …2013.

Et le constat se poursuit avec des motorisations certes très musicales par essence, mais plus vraiment au goût du jour, même s’agissant du quatre cylindre timidement hybridé monté sur les Grecale et Ghibli. D’ailleurs, si comme moi il vous prend de consulter les émissions CO2 des mécaniques de la marque sur son site officiel, vous constaterez que le gars Neptune cherche vraiment à noyer le poisson avec son trident et un tableau affichant plus de valeurs que le CAC 40, réparties entre normes WLTP et NDC et des niveaux  "Low, Medium, High et Extra-High" dont on se demande bien à quoi ils correspondent.

Sans oublier la mention "Taux d’émission CO2 et consommation selon utilisation", ou celle indiquant que "Les valeurs à jour seront disponibles chez le concessionnaire officiel Maserati sélectionné". Mais soyez gentil, ne lui posez pas la question.

Nous voilà donc avec une GT dont on ne sait guère quelle gamme elle doit "tirer", et dont on ignore si le constructeur qui l’a signée vise Mercedes ou Ferrari. Ça m’ennuie d’autant plus que je roulerais volontiers en Maserati, moi. En MC20 bien sûr, mais surtout en Quattroporte. En souvenir de la seule auto de la marque que j’ai eu l’occasion d’essayer il y a une vingtaine d’années dans sa génération antérieure. Mais aussi parce que même avec quelques rides, cette italienne-là est incroyablement sexy, et qu’elle constitue le choix de ceux qui veulent rouler différemment de "Herr Jedermann" , le Monsieur-tout-le-monde d’outre-Rhin au volant de sa sempiternelle Audi-Béhème-Mercos. En même temps, ce n’est pas un très bon signe pour les dirigeants de Maserati que de devoir compter sur des originaux comme moi qui se déplacent de surcroît dans les transports en commun…allemands.

Alors on espère que ceux-ci nous concoctent en coulisse le plan-produit que mérite une marque comme Maserati. En attendant, ils nous proposent la Gran Turismo "Folgore" et ses 750 chevaux électriques, autrement dit … une GT sportive.
Mais promis, je penserai à autre chose en me rendant demain au bureau.

Réactions

... MC 12 comme MC sol air ?

Concernant les "Massérati" du dernier quart du siècle dernier, il en existe une très belle brochette au sein de la pantagruélique collection de Michel Hommel sise à Lohéac ... Mais le site est tellement connu et reconnu ...
;0))

Tenter de connaître la quantité de CO2 rejeté par une Maserati, c'est d'un vulgaire...

La quantité de quoi ?
;0))

Maserati fait pour moi partie de ces marques dont je découvre, à l'occasion d'articles comme celui-ci, qu'elles existent encore..
;0)

aïe aïe aïe ! voilà bien la première fois qu'un texte de Jean-Philippe me hérisse le poil !

Et si le problème numéro un de cette marque de légende était son manque de faire-savoir ?
nous en avons la preuve ici avec un texte acerbe écrite par un car guy confirmé, alors qu'il a eu dans les mains une auto tout à faire hors normes, y compris dans sa catégorie.

Nouveau moteur (et quel moteur !), nouveau châssis (carbone) permettant un poids sous les 1500 kgs, confort et facilité de conduite et de pilotage inconnus de ses concurrentes, qualité de fabrication inconnue par ... la marque elle-même depuis longtemps, cette MC20 est une auto qui a de quoi détourner un acheteur de Ferrari, de Lamborghini ou de Mc Laren de son choix initial, ou d'ajouter une auto frappée du Trident à sa collection.
Ajoutons aussi que c'est un vrai succès commercial, et qu'il faut désormais attendre début 2025 pour en être livré si le coeur vous dit d'en acquérir une.

La lecture des émissions de CO2 des Macan de l'autre maison au Cheval cabré est tout autant malus-friendly que celle du nouveau Grecale, dont on aurait reproché la vue à court terme et l'embonpoint si il avait été commercialisé en hybride rechargeable ....

Le Granturismo qui arrive (enfin, certes) promet lui-aussi de grand moments sur la route :
4 roues motrices, 4 vraies places, un coffre volumineux, une suspension bien pilotée, le moteur Nettuno 490 et 550 chavaux, et une qualité de présentation intérieure - vous en jugerez- qui s'intercale dans le mince interstice entre Mercedes Benz et Bentley. Une ligne à tomber à tomber par terre, en ligne avec les GT de la marque parachève la proposition.

L'électrique ? oui, non une certaine provocation, j'affirme aux amateurs de viande rouge thermique, que vous allez aimez les légumes à batterie, et que les ingénieurs motoristes de chez Maserati sont les derniers à vouloir éteindre la passion ... pour avoir eu le privilège de rouler dans le Granturismo Folgore, je peux vous dire - hors de toute démarche mercantile- que la voiture est juste incroyable à la fois en terme de sensations, d'exclusivité et de qualité perçue. (et sans Malus!)

Et si vous adorez la viande rouge, et de préférence bleue ou saignante, sachez que la berline la plus rapide du monde est la Maserati Ghibli TROFEO (326 KM/H !), disponible à la commande, tout comme la variante Levante au même caractère de feu ( V8 Ferrari biturbo) et qui dépasse les 300 km/h, avec une bande son qui met à rude épreuve jusqu'à vos glandes lacrymales.

La MC20 est tout sauf hors sujet, elle est un - mal vendu- manifeste, qui annonce une relance tout en fait en phase avec son époque d'une marque mythique, à l'histoire aussi cahotique que romanesque et passionnante.

MC signifie MASERATI CORSE : tout simplement, Jean-Philippe, on la réessaye quand vous voulez !

Quel ambassadeur !
Bravo monsieur Beauge

Eh oui ... déjà un an depuis la reprise des sites Maserati et ...Ferrari du groupe Guénant par le groupe Dubreuil, encore dans l'actualité des réseaux ces jours-ci ...
;0)

Très fort not'JP !
User de la vexation pour obtenir un essai...
Du grand art !
;0)
PS : après ce que j'ai écrit à 09:37 je vais être invité à essayer toute la gamme ?

Bof et rebof... 579 Maserati à vendre sur la Centrale et disponibles de suite à partir de 59800 balles (et jusqu'à 100000 euros il y a de quoi tout refaire tout dedans une occase comme neuf) pour les frustrés friqués du beau design italien thermique intemporel et sans concurrence !!
Finalement pas de quoi changer la face du monde automobile !!
Thermique ...chant du signe...et même pour parader à Monaco...un de ses jours il va falloir les faire toutes en PHEV sinon ce sera couic...les centres ville de toutes les capitales de petits riches !!
Le prince de Monac...roule en Tesla !!
Merci d'éviter de m'agresser gratuitement !!

Jo ,Feu ma Mère répétait il faut « aider les riches à dépenser leurs sous » et c’est toujours vrai.
Maintenant il est vrai qu’au 400 M départ arrête les Tesla tapent tt le monde,mais est ce une caisse légendaire ?
La MC restera pour moi un …..CG désolé

Votre Maman était donc adepte de la théorie du ruissellement ?
Drôle de débat !
Causer des voitures boeuf bourguignon me semble être d'un autre âge maintenant...
Et puis, est-ce que le pain est plus frais une fois arrivé à la maison avec une pointe à 326 km/h sur la D312-6 ?
;0))

Merci pour l'argumentation et je peux l'admettre parfaitement....et cela me fait sourire...l'histoire des "caisses légendaires" !
Et si nous parlions industrie auto...et bien, il y aura plein (dans le monde) de gens qui ont le temps et l'argent pour acheter une Maserati ...et les concessionnaires de la marque (dans le monde) vont continuer de faire leur boulot ... et tout ce qui sera produit par Maserati se vendra !
Cela ne changera rien à la face du monde !
Nous verrons sans aucun doute dans deux ou trois ans à vendre sur la Centrale (du coté de Monaco) une Ferrari Purosangue, en occasion presque neuve au beau prix de spéculation !
A notre niveau...et c'est ça la "légende" c'est que même un pauvre argenté peut se payer une Maserati (voir la Centrale) s'il a un garage de préférence...car la laisser dans la rue tous les jours c'est dommage !!
Ce que les riches gaspillent comme ressources est aujourd'hui de plus en plus critiqué !

Au fait, il manque des lettres à "Hauptbahnhof" !
Je suis surpris que not'JP nous ait pas fait un calembour sur les Village people avec un titre pareil !
;0))

@ Lucos à 10:12 ... l'essai oui et, pourquoi pas, une mission de consulting ... ?

Sa revue de la gamme Maserati, à Jean Philippe, est un peu "saignante" mais pas infondée...
Les animateurs de la firme au trident doivent, manifestement, faire avec les moyens du bord et du coup, un peu comme le fait le chroniqueur, l'on peut s'interroger sur l'opportunité du développement d'un modèle comme la MC 20, certes une très belle "vitrine" mais après ...
Il n'y a pas qu'en matière de puces qu'il y a des pénuries ... Plus sérieusement, les nouvelles itérations de la "Quattroporte" et du "Levante" sont annoncées ... à suivre ...
Des renouvellements "assez" importants qui manquent, pour l'instant, à l'excellent concurrent britannique, éleveur de félins ... C'est sûr que "l'électrification" qui est déjà un problème chez les généralistes est périlleux pour les acteurs du luxe automobile ... Au moins, Maserati intervient au sein d'un groupe très profitable où un choux demeure un choux ... !
;0)

Votre commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire

Autres articles

Constructeurs

Suzuki : une gamme bien placée et une politique commerciale lisible

En 2022, Suzuki France aura souffert d’un déficit de production qui a quasiment divisé ses volumes d’immatriculations par deux. La marque démarre l’année avec un portefeuille de 12.000 commandes fermes et sur une tendance "habituelle" de 2.000 commandes par mois. Les explications de Stéphane Magnin, directeur de l’activité automobile de Suzuki France.