30/07/2025
Accord sur les droits de douane : l'acier et l'aluminium européens restent dans la tourmente
Par AFP

(AFP) - L'accord sur les droits de douane entre l'UE et les Etats-Unis laisse les industries européennes de l'acier et de l'aluminium dans la tourmente, malgré une initiative évoquée des deux côtés de l'Atlantique contre les surcapacités mondiales de la sidérurgie.
L'accord-cadre americano-européen "limite les dommages dans les circonstances actuelles", mais "l'incertitude demeure pour l'industrie européenne de l'acier", a souligné Axel Eggert, directeur général de l'association des fabricants européens d'acier, Eurofer.
L'acier européen est soumis depuis début juin à des droits de douane de 50% à l'entrée aux États-Unis.
Selon Washington, ces taxes "restent inchangées" à ce stade, mais les Etats-Unis entendent "discuter" avec l'UE "de la sécurisation des chaînes d'approvisionnement" pour ces produits.
Côté Commission européenne, on assure toutefois que Donald Trump est prêt à un compromis : la taxe de 50% ne s'appliquerait qu'au-delà d'un certain volume d'exportations.
"Pour réduire les barrières" entre Etats-Unis et UE, qui font face au "même défi extérieur de surcapacité mondiale de production", les tarifs douaniers "seront abaissés et un système de quotas sera mis en place", a ainsi affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Face au métal à bas prix et souvent subventionné venu de Chine, d'Asie du Sud-Est, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, l'Union Européenne et les Etats-Unis "vont travailler ensemble pour assurer une concurrence mondiale équilibrée", a-t-elle indiqué. "Concernant l'acier et les métaux, nous ne sommes pas le problème de l'autre" a ajouté le Commissaire au Commerce Maros Sefcovic.
Un espoir accueilli avec prudence par Eurofer: "si des droits de douane nuls sur nos exportations traditionnelles vers les Etats-Unis devaient être confirmés, nous irions dans la bonne direction. Mais il n'y a aucune clarté encore, et le diable est toujours dans les détails", a analysé son directeur général, dans un communiqué de l'organisation.
"Poids énorme"
Même les droits de 15% qui pèseront sur les produits finis constituent un "poids énorme" pour l'acier européen, souligne Eurofer, les exportations européennes de l'autre côté de l'Atlantique étant "intensives en acier", comme l'automobile et les machines-outils.
Sur les 760.000 véhicules européens exportés en 2024 aux Etats-Unis, qui représentent "environ 1 million de tonnes d'acier", une part significative pourrait "disparaître", estime l'association.
Depuis plusieurs mois, des plans sociaux ont été annoncés dans la sidérurgie en Europe, qui représente quelque 310.000 emplois directs et 2,2 millions d'indirects, et constitue un maillon essentiel de l'automobile, l'énergie, la construction et la défense.
L'industrie européenne de l'acier a déjà perdu "un million de tonnes d'exportation" vers les Etats-Unis depuis 2018, lorsque la première administration Trump avait imposé 25% de droits de douane sur l'acier et 10% sur l'aluminium.
Les fabricants européens "ne peuvent pas attendre plus longtemps", avertit M. Eggert qui demande que le "plan d'action pour l'acier" promis par la Commission pour septembre soit "hautement efficace" et permette de faire tourner les usines du Vieux Continent à 80 à 85% de leurs capacités, niveau comparable aux Etats-Unis, au lieu de 58% aujourd'hui, situation jugée intenable par l'industrie.
Pas de taxe sur les déchets
Parallèlement, onze pays producteurs d'acier (Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pologne, Roumanie, Slovaquie) ont appelé lundi l'UE à mettre en place "dans les meilleurs délais" un "cadre de protection commerciale de la sidérurgie européenne" pour limiter les importations dès le 1er janvier 2026, afin de prendre la suite des quotas décidés en 2018.
Côté aluminium, le trader turc AC Metals souligne dans une note que les droits de douane américains créent un "environnement turbulent" et vont déboucher sur un "repositionnement mondial" du marché.
En France, les industriels s'inquiètent du fait que l'accord ne prévoit pas de droits de douane sur les importations de déchets d'aluminium servant à fabriquer de l'aluminium recyclé, alors qu'une taxe est applicable sur les importations de métal primaire.
"L'Europe a besoin de décarboner son industrie et a grand besoin de ses déchets d'aluminium issus des voitures ou des canettes de boisson, pour les recycler. Nous demandons à la Commission d'interdire les exportations de déchets européens qui, sinon, risquent de traverser l'Atlantique pour se faire recycler", a déclaré à l'AFP Cyrille Mounier, délégué général d'Aluminium France.