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20/11/2025

Arbre à Kaamelott

Par Jean-Philippe Thery

Arbre à Kaamelott
Vu comme ça, le V16 d'une Bugatti Tourbillon paraît simple... (Crédit: Bugatti)

Aujourd’hui, je vous parle en mots simples de trucs compliqués. Et de pourquoi ce n’est pas de la camelote…

Je suis grand fan de Kamelott.

Même s’il m’a fallu suivre les péripéties du bon Roi Arthur, de Lancelot et de Perceval, sans oublier Guenièvre ou la Dame du lac par réseau social interposé, pour avoir été pas mal éloigné des écrans français ces dernières années. Une aléatoirité qui ne m’a pourtant pas empêché d’apprécier le double talent d’Alexandre Astier comme acteur et réalisateur, dernière fonction dans laquelle il joue avec maestria des ressorts du burlesque pseudo-médiéval, dont l’anachronisme ne constitue pas le moindre d’entre eux. Ce qui est somme toute logique considérant que la légende du Roi Arthur a vu le jour au XIIe siècle sous différentes plumes – notamment celle de Chrétien de Troyes- alors qu’elle a pour théâtre la Bretagne du Ve siècle.

Mais le dernier anachronisme en date d’Alexandre s’inscrit dans un tout autre contexte, puisqu’il concerne nos carrioles contemporaines. Celui qui a enfourché le dada de la propulsion électrique depuis 5 ans a en effet profité de son passage à l’émission "Clique" diffusée sur Canal Plus le 21 octobre dernier pour décocher quelques flèches bien senties à la motorisation thermique, accusée d’être inutilement complexe en raison des centaines de pièces mobiles qui la composent, alors que celles de son équivalent à batteries se comptent sur les doigts de la main. Dans un monde où la voiture électrique aurait prévalu nous explique encore Alexandre, l’irruption d’une auto mue par un moteur à essence serait considérée comme une absurdité.

Ce faisant, Alexandre Astier ne nous propose rien d’autre que le remake en VF du discours de Rory Sutherland, la vidéo du célèbre pubard briton ayant largement tourné sur les réseaux sociaux, en reprenant l’erreur fondamentale qui va avec. Parce que présenté comme fictif, le scénario qui aurait vu la voiture électrique précéder celle qui sirote de l’essence de pétrole correspond précisément à ce qui s’est passé, les deux énergies ayant même cohabité au tout début du XXe siècle. Que le carburant liquide se soit finalement imposé résulte selon les complotistes de service de l’intense lobbying effectué par les compagnies pétrolière, alors que les gens raisonnables évoqueront le rapport entre énergie emmenée et énergie reconstituée. Mais je ne m’étendrai pas sur un sujet que j’ai déjà traité dans GnilletyrotS, puisque c’est d’un autre dont je veux vous entretenir aujourd’hui.

Alors revenons plutôt sur l’argument de la complexité. Et reconnaissons que Rory et Alexandre n’ont pas tort quand ils désignent celle-ci comme l'une des caractéristiques fondamentales du moteur à pistons. Essayez par exemple d’en expliquer le fonctionnement au béotien en l’absence de visuels ou -mieux encore- d’une maquette éclatée permettant d’en voir les organes internes en déplacement : vous m’en direz des nouvelles. Par ailleurs, il faut une fois encore leur donner raison quand ils mettent en exergue le caractère paradoxal des moteurs pistonnés, qui produisent un mouvement rectiligne et alternatif, alors que les roues auxquelles ils se proposent d’imprimer le mouvement tournent rond. 

Pourtant et jusqu’à une date très récente, je ne crois pas me souvenir que cette complexité ait posé le moindre problème. Ce serait plutôt le contraire si on considère que la "noblesse" d’une mécanique croît généralement avec le nombre de cylindres et autres pièces en mouvement qui les entourent, jusqu’à 16 pour le club très fermé des plus prestigieuses d’entre elles, dont les Bugatti modernes constituent les dernières survivantes. Même si la complexité n’est pas réservée aux puissants motorisés de ce monde, puisqu’il y a bien longtemps que l’injection électronique ou la suralimentation -pour ne citer qu’elles- ont envahi la salle des machines des modèles les plus accessibles.

Voilà donc une critique d’autant plus curieuse que je nous vois mal nous passer des bénéfices que nous prodigue cette complexité-là -certains parleront de sophistication- entre performances, économie de carburant, réduction des émissions ou fiabilité. Certes, on trouvera toujours des nostalgiques – y compris ceux d’un temps qu’ils n’ont pas vécu- pour nous expliquer que nous devrions tous rouler au quotidien en Deuche ou en 4L. Mais vous remarquerez que ceux-là joignent rarement le geste à la parole, si ce n’est lors de rassemblements généralement estivaux, que je fréquente moi aussi volontiers. Sans compter que ce qui importe véritablement pour nombre d’automobilistes qui n’ont pas la moindre idée de comment ouvrir leur capot moteur, c’est que ce qui se trouve en dessous fonctionne sans se faire remarquer, ce que délivrent justement la grande majorité des mécaniques dont l’engin qui les héberge mourra avant elles. 

Mais pour bénéfique qu’elle puisse se montrer, l’indéniable complexité des mécaniques à combustion interne s’est depuis peu transformée en argument à charge de la part d’adeptes de l’énergie électrique ne concevant la promotion de cette dernière que par le dénigrement. Une rhétorique d’autant plus faible que le propre d’une automobile étant de se déplacer, il lui faut emmener avec elle la réserve d’énergie qu’elle transforme en mouvement, rendant vaine toute comparaison ne tenant pas compte de l’ensemble de la chaîne de traction, y compris le dispositif permettant de stocker l’énergie en question. Et quand on compare un bête réservoir en plastoc -dont le summum de la sophistication technologique réside dans la sonde destinée à informer la jauge à carburant- avec un pack de batteries, autant vous dire que l’écart les séparant sur l’échelle de la complexité est significativement plus important que celui distinguant les différents types de motorisation.

Ne comptez d’ailleurs pas non plus sur moi pour expliquer le fonctionnement d’une batterie au néophyte. Ce que je sais, c’est que l’objet fait appel à la chimie pour emprisonner l’électricité, qu’il existe différents formats de cellules entre prismatiques, cylindriques ou poches, et trois types d’architecture entre le modèle cell-to-module, cell-to-pack ou cell-to-body. Sans compter que tout ça est placé sous la supervision de puces de plus en plus savantes obéissant à des programmes à la puissance croissante, et qu’entre moteur et batteries réside une série d’intermédiaires autrement plus sophistiqués que de simples durites de carburant.

Et tout ça, c’est avant que je ne vous parle du SDV. Certes, le "Software Defined Vehicle" ou "voiture définie par le logiciel" n’est pas l’apanage des électriques. Mais c’est avec elles qu’il s’est jusqu’ici principalement développé, non seulement parce que ce sont les constructeurs chinois qui sont en pointe sur le sujet, mais aussi parce que les VEB requièrent des systèmes électroniques particulièrement pointus. Certes, le SDV procède d’une logique de simplification, puisque la centralisation des fonctions qui en constitue le principe fondateur permet de remplacer les dizaines d’ECU (Electronic Control Unit ou Unité de Commande électronique) par un nombre réduit de puces. Mais les SoC (System on Chip) ou HPC (High Power Computer) qui les mettent à la retraite sont infiniment plus complexes, sans même évoquer les milliards de ligne de programme qu’ils supportent.

N’y voyez surtout pas une critique de ma part, mais de l’admiration. Parce que, que ce soit dans une batterie ou à l’intérieur de moteur tournant rond ou pas- réside rien moins que tout le génie humain. On peut certes légitimement blâmer la complexité quand elle oublie de rester en coulisse et qu’elle rend l’usage plus difficile au lieu de le simplifier, ou lorsqu’elle se rappelle à notre mauvais souvenir par des pannes devenues insolubles dans les garages des pavillons de banlieue. Mais la vérité, c’est que depuis un siècle et demi -une paille à l’échelle de l’humanité- l’homme a accompli un véritable miracle avec cette invention proprement extraordinaire que constitue l’automobile, que les plus fous de ceux qui rêvaient depuis des siècles de s’affranchir de la traction animale n'auraient pas osé imaginer.

Alors si par hasard vous croisez Alexandre Astier, dites-lui de ma part -avec tout le respect dû au Roi Arthur- qu’il se trompe de croisade. Et plutôt que de la fustiger, il devrait embrasser cette magnifique complexité sans laquelle la formidable machine qu’il a choisie pour ses transports n’aurait jamais existé.

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Réactions

Comment ne pas s’extasier devant le mouvement bielle vilebrequin alternatif en effet.
Hélas nous sommes dans une autre phase au 21 ieme siècle, nous avons la chance d’être exportateurs d’électricité alors que nous sommes 100% dépendants du pétrole des producteurs,ceci clos le débat,mais c’est vrai que c’est beau et quelle mélodie

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