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15/05/2025 - #Renault , #Peugeot , #Porsche , #Stellantis

Bonnet blanc et blanc bonnet

Par Jean-Philippe Thery

Bonnet blanc et blanc bonnet
Elles se ressemblent toutes ! Surtout de profil, minuscules, blanches et sans roues…

Aujourd’hui, je vous parle de voitures moches qui se ressemblent toutes. Ou pas…

J’ai connu Michel au Brésil.

C’était à l’époque où il bossait pour Citroën quand j’y étais pour moitié, avant que nous n’allions tous deux voir ailleurs et que PSA n’intègre Stellantis. Mais par la grâce de réseaux parfois véritablement sociaux, nous avons maintenu un contact électronique me permettant d’admirer les belles photos qu’il publie de São Paulo alors qu’en échange de bons procédés, il "like" gentiment les mauvais clichés de berlines berlinoises que je shoote sans le moindre talent. Il nous arrive aussi d’échanger quelques mots, comme il y a trois semaines quand il a sollicité mon avis à propos d’une vidéo. Qu’il en soit remercié puisque ça fait de lui l’inspirateur de cette chronique.

Le clip pamphlétaire joint à son message dénonçait avec véhémence la mocheté des voitures modernes, avec des commentaires en forme de diatribe complotiste. La bande son anonyme nous explique en effet que loin de n’être que le fait de designers paresseux ou dépourvus de talent, la laideur croissante des automobiles serait le fruit d’une stratégie des "élites" -allez savoir lesquelles- ayant résolu -allez savoir pourquoi- de nous éloigner de celle qui incarnait naguère la liberté, l’aventure, voire un esprit rebelle. Tout ça dans le but d’asservir le conducteur aux diktats de l’électrification et de la conduite autonome, en cassant le lien émotionnel qu’il établit forcément avec son automobile. Et de conclure qu’avant, c’était quand même vachement mieux quand nous roulions tous en Porsche ou en Mustang.

Je ne ferai pas à Michel l’insulte d’expliquer qu’aucune loge ou société secrète ne s’est donné pour mission de régir le design automobile à l’échelle planétaire, en ordonnant à des stylistes complices de dessiner des trucs volontairement hideux en vue d’accomplir je ne sais quel funeste dess(e)in. Il me paraît en effet évident que la question qu’il me pose véritablement est celle de l’évolution esthétique de l’espèce automobile, à propos de laquelle il n’est pas rare d’entendre que ses représentantes actuelles "se ressemblent toutes". En d’autres termes, les voitures d’aujourd’hui, ce serait bonnet blanc et blanc bonnet, si ce n’est qu’en l’espèce ce n’est pas de couvre-chef à pompon dont il est question, mais de son homonyme anglais désignant le capot moteur.

Comme par hasard, je suis récemment retombé sur un post circulant récurremment depuis plusieurs années, affirmant que "le design est mort" sur la base d’un visuel au prime abord plutôt convaincant, montrant plusieurs silhouettes automobiles paraissant clonées alors qu’elles représentent des modèles différents. Mais la ficelle est un peu grosse pour un œil un tant soit peu exercé, qui aura tôt fait de remarquer que les autos en question sont affichées de profil en deux dimensions afin d’aplatir leurs formes, qu’elles sont toutes blanches et de taille identique au mépris de leur échelle véritable, et que leurs roues ont été anonymisées par un disque plein effaçant le dessin des jantes. Sans compter qu’il faut une acuité visuelle de condor pour distinguer sur l’écran d’un téléphone portable les détails faisant la différence entre les 23 modèles ainsi présentés. Bref, la nuit tous les chats sont gris, et quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.

D’ailleurs, l’idée que toutes les voitures se ressemblent constitue une véritable tarte à la crème, laquelle circulait déjà amplement dans les années 80. Avec une bonne dose de mauvaise foi puisque ceux qui la colportaient n’auraient sans doute pas su mieux reconnaitre les modèles des années 50 ou 60 que leurs équivalents contemporains. Quoiqu’il en soit, les roues tournent, et les autos que certains accusaient alors d’être insipides font aujourd’hui la joie des amateurs de Youngtimers, chérissant des Citroën BX TRE, Renault 19 GTX ou Peugeot 406 SR dont on n’imaginait alors guère qu’elles susciteraient pareille dévotion 30 ou 40 ans après leur lancement. 

Pour autant, force m´est de reconnaître que cette critique-là est suffisamment prégnante pour ne point la balayer d’un simple revers de clavier sur la foi de publications biaisées, ou au simple motif qu’elle ne date pas d’hier. Et comme il me faut bien admettre que j’éprouve parfois moi aussi quelques difficultés à reconnaître certains des modèles récents qu’on croise dans la rue, je préfère me trouver d’autres excuses que celle de la diminution des capacités cognitives dues à l’âge. C’est pourquoi je vous propose quatre raisons "objectives" susceptibles d’expliquer pourquoi le design automobile des années 20 de notre siècle est parfois si mal perçu. Et je laisse à l’aimable lecteur le soin de compléter cette courte liste -évidemment non exhaustive- dans la zone réservée aux commentaires. 

Et je commence par l’incroyable diversité de l’offre actuelle. Mon agent IA préféré s’y est lui-même cassé les algorithmes, incapable de m’indiquer le nombre de différents modèles neufs actuellement en vente sur la planète terre, se contentant de stipuler qu’"il est difficile de donner un chiffre exact, car le nombre de modèles de voitures neuves disponibles à la vente dans le monde varie constamment en fonction des lancements, des mises à jour et des retraits de modèles par les constructeurs", avant d’hasarder un "plusieurs milliers" qui ne mange pas de pain. Quoiqu’il en soit, je crois ne prendre aucun risque en affirmant que le choix n’a jamais été aussi abondant, ce dont l’acheteur potentiel ne peut en principe que se réjouir. Ou pas, s’il est comme moi sujet à ce que je qualifierai de "syndrome du menu chinois", quand la variété excessive de plats proposés par certains restaurants finit par donner le sentiment qu’ils se ressemblent tous. Et quelque chose me dit que ça fonctionne aussi pour les voitures quand les lancements succèdent aux lancements, pas seulement de modèles puisque de nouvelles marques ont aussi fait leur apparition ces dernières années. 

Si la prolifération des modèles nuit à leur identification, que dire alors du cahier des charges préalable à leur conception ? Avant d’esquisser le moindre crobard, le designer d’aujourd’hui doit en effet ingurgiter un pavé de plus en plus dense, listant des contraintes toujours plus nombreuses, qu’ils s’agisse de réglementations draconiennes ou des exigences croissantes du consommateur. Entre les normes de chocs, l’aérodynamique, l’habitabilité, les impératifs dimensionnels, l’ergonomie et je ne sais quoi encore, il est heureux que nous puissions encore compter sur le talent des stylistes pour conserver un design attractif aux autos, même si les miracles ne sont malheureusement pas toujours au rendez-vous. Nul doute que l’époque où la silhouette d’une future automobile naissait en esquisse sur un coin de nappe en papier est bien résolue en admettant néanmoins qu’elle n’ait jamais existé.

S’agissant de la troisième justification sur la liste, j’en vois d’ici qui vont "boire du gros laid" à l’évocation des SUV, inévitable puisque la catégorie représente désormais plus de 45% des ventes mondiales de voitures neuves. Loin de moi pourtant l’idée de mettre en cause le concept, les SUV constituant sans doute le meilleur "package" possible s’agissant du rapport entre le volume intérieur et l’empreinte au sol, forcément meilleur que celui d’une berline. D’autant plus si cette dernière est du type "tricorps", avec une malle arrière en forme de protubérance au-dessus de laquelle l’espace occupé est pour ainsi dire perdu. Mais cette efficacité-là se paye par un dessin parallélépipédique aux évocations évidemment moins flatteuses, entre boite à chaussure et parpaing. Ça n’empêche pas forcément de les rendre élégants comme démontré par les stylistes de chez Volvo avec les très réussis XC60 et XC90, même si ces derniers n’auront de mon point de vue jamais la prestance des "voitures basses" équivalentes.

Enfin, ce n’est pas forcément donner dans une "grossautophobie" à la mode que de reconnaître l’embonpoint affectant nos autos depuis plusieurs années, pour des raisons loin de se limiter au supposé désir de puissance des automobilistes, dont les anti-bagnoles agitent volontiers le cliché avec celui du substitut pénien que représentent selon eux les énoooormes voitures. La sécurité passive en est la première responsable, au bénéfice de nos anatomies en cas de choc, ces dernières assumant également leur part de responsabilité dans la surcharge pondérale affectant nos autos dont les formes ne sont donc pas les seules à s’être affirmées. S’y ajoute bien sûr la palanquée d’équipements dont nous sommes devenus friands, et sur laquelle comptent les constructeurs pour améliorer leurs marges. Quoiqu’il en soit, il faut bien admettre qu’il est plus facile de dessiner l’habit que le sujet est svelte, et que les stylistes n’ont pas forcément la tâche facile quand la rondeur s’est substituée au galbe.

On pourrait encore évoquer d’autres phénomènes comme la généralisation de couleurs aussi tristes que statutaires ou la quasi-disparition des véhicules de niche tels que coupés et cabriolets aux lignes par nature plus élancées, mais sacrifiés sur l’autel d’une électrification gourmande en investissements. Autant d’arguments parfaitement défendables, même si au final, je ne puis m’empêcher de penser que l’assertion selon laquelle les voitures d’aujourd’hui seraient plus moches -ou moins belles- mais aussi plus banales que celles d’hier me semble au fond procéder d’une seule et même idée dépassant le seul domaine de l’automobile, selon laquelle, "c´était mieux avant". Et de ce point de vue, je crains devoir vous rappeler que si c’était vraiment mieux avant, c’est surtout parce que vous aviez 20 ans et que regardiez le monde comme une promesse. Ou que vous n’aviez pas 20 ans pour n’être pas encore né, et que vous ressentez la nostalgie d’une époque idéalisée qui n’a probablement jamais vraiment existé.

Il faudra que je demande à Michel ce qu’il en pense…

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Notre société a changé son approche de la voiture. Les marqueurs de réussite sociale sont devenus des Smartphones déplaçoirs comme on dit en Bretagne. Nous roulons tous en utilitaires en nous traînant à 80 km/h avec 350 ch sous le capot de l'armoire normande ! C'est point A à point B et c'est tout, et en évitant le point C intermédiaire avec la borne de recharge encore et toujours en panne.
Le marché de la voiture jetable amplifié par l'arrivée des VE a obsolescence prévue est en train de suivre celui des 2 roues qui avec quelques centaines de marques est devenu une masse de modèles indéfinissables et surtout chinois.
Nous sommes devenus rationnels et le rêve a disparu.
;0)

PS : bravo JP pour la rafale de jeux de mots ce matin, du grand art !
;0))

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