07/11/2025
Filosa étrille la réglementation européenne des émissions de CO2
Par Florence Lagarde
Directrice de la rédaction et Directrice de la publication
Devant les acteurs de la filière réunis par la PFA, Antonio Filosa, directeur général de Stellantis, a sévèrement critiqué les objectifs européens de réduction des émissions de CO2, qu’il juge "wrong" pour les véhicules particuliers et "very, very wrong" pour les véhicules utilitaires légers.
Une telle liberté de parole est assez rare et Antonio Filosa n’a pas mâché ses mots pour dire tout le mal qu’il pensait de la règlementation européenne, lors de la Journée de la filière de la PFA, mardi dernier. De passage en France avec des déplacements dans le réseau, rencontres avec les syndicats et amphi cadres, le nouveau CEO de Stellantis a renoué le contact avec les salariés français et suscite un renouveau de confiance.
Sa position sur la règlementation européenne marque une rupture radicale avec celle de son prédécesseur. Carlos Tavares, après avoir combattu la règlementation européenne CO2 au moment de son adoption en avait ensuite défendu le maintien telle qu’elle, au motif qu’"elle était connue" et que l’industrie devait s’y adapter. Une position qu’il continue de défendre, et qu’il a répété pour la promotion de son livre, "Un pilote dans la tempête", comme un fait exprès quelques jours avant cette grand-messe de l’industrie européenne organisée par la PFA…
Là où Tavares privilégiait la prévisibilité et la discipline industrielle, et une sorte d’inflexibilité, Filosa appelle désormais à une révision profonde des objectifs européens pour les adapter à la réalité du marché.
"L’Europe a su interdire les technologies sur lesquelles nous étions leaders et imposer une seule technologie, l’électrique, où les Chinois ont vingt ans d’avance", a-t-il dit, estimant que "les règlements sont erronés car ils imposent un rythme que le marché ne peut pas suivre : ce n’est ni ce que le client veut, ni ce qu’il peut se permettre".
Selon lui, la réglementation actuelle bride la liberté de choix des consommateurs et affaiblit la compétitivité industrielle européenne : "Aujourd’hui, nous avons trois "no" : le client ne veut pas, n’a pas besoin et ne peut pas payer."
Antonio Filosa distingue la situation des véhicules particuliers de celle des véhicules utilitaires légers, dans le premier cas les cibles de réduction lui paraissent "mauvaises" ("wrong"), dans le deuxième cas elles sont "très, très mauvaises" ("very very wrong"). "Les objectifs imposent à un artisan de remplacer un utilitaire de dix ans par un modèle neuf dont le coût total de possession est bien supérieur. Il ne le fera pas et continuera à rouler avec un véhicule plus polluant", a-t-il illustré.
Pour le patron de Stellantis, l’Europe doit revoir en urgence ses cibles, introduire une vraie neutralité technologique et favoriser les petites voitures électriques. Il plaide aussi pour des "super-crédits" accordés aux petits modèles et pour une politique active de renouvellement du parc : "Sur les 250 millions de voitures en circulation, plus de 150 millions ont plus de 12 ans. C’est là qu’il faut agir."
Comparant la situation européenne à celle de la Chine, Antonio Filosa a souligné que Pékin a bâti sur vingt ans un écosystème complet autour du véhicule électrique – des matières premières aux batteries et aux véhicules finis – en combinant planification, investissements et soutien à la demande. "La Chine a construit toute la chaîne de valeur ; elle récolte aujourd’hui les fruits d’une politique cohérente et de long terme. Nous devons faire de même en Europe, mais cela demande du temps", a-t-il souligné.
Il appelle ainsi à accorder à l’industrie européenne les "flexibilités" nécessaires pour bâtir un écosystème autonome : "Nous devons développer nos propres capacités industrielles et technologiques, mais cela prendra dix ans. Les règles doivent accompagner ce temps industriel, pas le contraindre."
Les cibles CO2 doivent changer très vite et ne doivent pas être conditionnées à la règlementation sur le contenu local, a ajouté le dirigeant.
Pour Stellantis, qui a investi plus de 2 milliards d’euros en France cette année et prévoit 13 milliards de dollars aux États-Unis sur quatre ans, la cohérence politique et règlementaire sont devenues des critères déterminants pour l’allocation de ses investissements.
"Aux États-Unis, la nouvelle réglementation redonne la liberté de choix aux consommateurs. En Europe, nous devons retrouver cette liberté si nous voulons préserver nos emplois et notre industrie", a conclu Antonio Filosa.

