Hot(te) mécanique

"Au fait, il roule en quoi le Père-Noël ?"

S’il n’est pas rare que ma chère et tendre me pose des questions surprenantes, force est d’avouer que je ne m’attendais vraiment pas à celle-là. J’ai d’ailleurs oublié dans quel contexte, mais peu importe. Ce qui compte vraiment, c’est que ce qui ressemble à un cahier des charges -même très succin- n’a pas manqué de titiller les réflexes du Chef de Produit qui ne sommeille jamais tout à fait en moi. Et si j’ai différé ma réponse afin de mieux l’argumenter, ne doutez pas un seul instant que Madame Thery savait pertinemment que tout ça finirait en élucubrations dûment chroniquées pour le dernier papier de l’année.

Certes, ni vous ni moi ne sommes naïfs au point d’imaginer que l’homme en rouge effectue à lui tout seul l’intégralité des livraisons du 24 décembre au soir : tout le monde sait en effet qu’il dispose d’une équipe globalisée, dont les agents œuvrent aussi bien chez DHL, UPS ou FedEx que dans le secret de commerces locaux. Mais pour d’évidentes questions d’image, celui-ci se doit d’effectuer lui-même une partie du boulot au volant d’un utilitaire, même si personne ne l’imagine effectuant sa tournée nocturne en Kangoo. Pas même le constructeur de l’excellent VU, qui confia en 2017 à sa filiale Renault Sport le soin de concevoir un traineau en mode futuriste, capable d’abattre virtuellement le 0 à 100 km/h départ arrêté en 0,001 secondes.

Mais tout ça relève évidemment de la fiction, alors que nous prétendons ici garder les bottes sur terre. Considérant que notre livreur d’un soir doit tout de même rendre visite à un certain nombre de foyers pour être pris au sérieux, il lui faut donc disposer d’un généreux volume de chargement comme d’une charge utile suffisamment dimensionnée, même si la masse volumique moyenne des étrennes reste généralement raisonnable. Mais surtout, celui-ci ne peut se permettre de perdre de temps lors des phases de chargement et déchargement, en manœuvrant d’encombrants ouvrants. La conclusion s’impose donc d’elle-même avec un pickup d’autant plus crédible dans un univers fantasmagorique où les voleurs n’existant pas, personne ne songera à se servir indûment dans la benne. Quant aux précipitations qui pourraient affecter les beaux emballages imprimés, chacun sait qu’elles se manifestent uniquement sous forme de flocons immaculés quelques heures avant le départ des livraisons, histoire d’assurer un visuel tout en blanc digne du cliché.

Personne ne sait véritablement où habite le Père Noël, mais tout le monde a sa petite idée sur le sujet. Les Norvégiens vous expliqueront qu’il réside en Norvège, les Suédois en Suède, les Danois au Danemark et le reste du monde au pôle Nord. Sauf les Finlandais bien sûr, qui considèrent qu’un lieu aussi hostile ne saurait fournir aux rennes le lichen dont ils se nourrissent l’hiver, ni au Père Noël le minimum d’interaction sociale dont tout être humain a besoin. C’est d’autant plus crédible de la part de gars pas vraiment portés sur la dissertation et qui lui ont construit un village bien à lui en bordure de la ville de Rovaniemi. Quoiqu’il en soit, tous ces lieux autour desquels s’apprête à circuler cet automobiliste pas comme les autres ont en commun un réseau routier au coefficient d’adhérence de patinoire municipale, déterminant une caractéristique essentielle de son automobile. Autrement dit, la transmission intégrale.

Pour continuer, on se la joue Trivial Pursuit, avec une question des familles. Savez-vous de combien de rennes disposait le traineau du Père-Noël avant que ce dernier ne décide de se mécaniser ? Eh bien si l’on en croit le poème anonyme publié le 23 décembre 1823 par le journal Sentinel de Troy dans l’Etat de New York, ces aimables cervidés aux grands bois étaient au nombre de huit pour faire avancer ce qui constitue sans doute l’attelage le plus célèbre au monde. Et comme on ne rend que trop rarement hommage aux équipes du back-office sans lesquelles rien ne serait jamais possible, permettez-moi de les citer un par un par leur petit nom. Que Fougueux, Danseur, Fringant, Rusé, Comète, Cupidon, Tonnerre et Eclair soient donc remerciés, et jouissent d’une paisible retraite maintenant qu’ils ont été remplacés par une mécanique à combustion interne. Avec -cela va sans dire- huit cylindres disposés en V, à l’instar des quadrupèdes qui se déplacent en deux rangées. Sans oublier la suralimentation dont ils bénéficiaient sous forme d’une indispensable double ration avant d’entamer leur journée la plus exigeante de l’année. D’autant plus que le Turbocompresseur dont il est ici question s’avère particulièrement utile pour compenser la perte de puissance en altitude, puisqu’en plus de rouler, l’engin doit aussi être capable de voler. Un impératif dont je rappelle aux EV-angélistes en PLS après avoir lu ce paragraphe qu’il justifie que l’homme en houppelande n’ait pas encore effectué sa transition (énergétique, bien sûr).

Les impératifs techniques liés à sa fonction étant réglés, il convient maintenant de s’intéresser à l’homme derrière la barbe. Et de toute évidence, personne -pas même ceux qui ne croient pas en lui- n’imagine le Père Noël en version Weight Watchers ou "Comme j’Aime". Et si notre bon vivant passe l’essentiel de l’année sur sa chaise de bureau à gérer son abondante correspondance, la nuit de la Nativité requiert de sa part une activité intense justifiant non seulement un fauteuil conducteur grand confort, mais de surcroît une architecture haute favorisant les innombrables entrées et sorties qu’il lui faut accomplir en quelques heures exténuantes. Quitte à déplaire à leurs détracteurs, rappelons au passage qu’il s’agit là d’un avantage des SUV trop rarement mentionné, qui ne vous obligent pas à "descendre" dans une voiture quand il ne s’agit pas littéralement de "tomber" dans le siège. Je coche donc la case "position de conduite surélevée" sur la définition produit.

Enfin, n’oublions pas le rôle de représentation sociale d’un véhicule qui se doit d’autant plus de refléter l’image de son propriétaire que celui-ci est une figure publique. Or, si l’héritier de Saint Nicolas reste relativement discret durant l’année, il se doit de briller de mille feux pendant les 24 heures fatidiques. Particulièrement depuis que son portrait réalisé en 1863 par le caricaturiste d’origine allemande Thomas Nast a été repris en 1931 par une campagne promotionnelle de Coca-Cola, faisant de lui une véritable star du Marketing. On ne s’étonnera donc pas qu’en dehors de pneumatiques généreusement dimensionnés, un véhicule destiné à le faire remarquer ne fasse pas dans le profil bas. Au diable donc la discrétion, puisqu’on peut s’attendre au genre d’objet qu’on n’est pas près de le voir tous les jours dans la rue, en admettant même qu’on le croise un jour.

Bref, il est ici question d’une voiture à benne motriçant de toutes ses roues et brillant comme l’étoile qui ne lui sert plus d’emblème, mue par un V8 biturbo de 4.0L dont la puissance d’origine a été portée des 575 rennes vapeur à 800. Pour répondre à la question de Madame, le Père Noël roule donc en Brabus XLP 800 6×6 Adventure, version allongée et sérieusement customisée par le célèbre préparateur de Bottrop du Mercedes-AMG G63.