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Chronique - 15/06/2023 - #Renault , #Volkswagen , #Lancia , #Man , #Smart , #Ford

Juste fais-le toi-même

Par Jean-Philippe Thery

Juste fais-le toi-même
Karl, une Mercedes bien sous tous rapports, mais sans lave-glace.

Aujourd´hui, je mets les mains dans le cambouis. Mais pas sûr que ce soit une bonne idée…

Il faut que je vous avoue un truc. Un truc qui ne marche pas sur Karl…

Pour ceux qui ne suivraient pas régulièrement cette chronique, Karl désigne la Mercedes C200K de 2006 que j’ai achetée il y a un peu plus d’un an à Berlin. Une première main acquise en neuf par une dame d’un certain âge, ayant peu roulé mais régulièrement (la voiture, pas la dame), dormi dans le garage d’une demeure bourgeoise du sud-est de la capitale et fréquenté exclusivement les ateliers du constructeur étoilé pour les entretiens effectués aux kilométrages recommandés. Bref, Karl est un véhicule bien sous tous les cinq rapports de sa boite automatique et qui ne fait pas du tout l’âge de ses rotules.

Mais il y a tout de même quelque chose qui ne fonctionne pas chez Karl.

Et c’est particulièrement agaçant à l’approche de la saison estivale, puisque ça m’oblige à m’arrêter plus qu’à mon tour dans les stations-services pas tant pour remplir le réservoir d’hydrocarbures que pour jouer de la raclette-éponge. Vous l’avez compris, c’est le lave-glace qui est en rade. Et pour être tout à fait honnête, ça fait pas mal de temps que ça dure, même si ça fait aussi pas mal de temps que j’essaye de m’en occuper, à commencer par une sérieuse séance de "desk research", principalement sur "ToiTélévision".

Parce que vous n’avez pas idée du nombre de gens qui se sont donné pour mission d’expliquer par vidéo interposée comment remplacer la pompe de lave-glace d’une Mercedes série W203. Evidemment, c’est assez décevant sur un plan strictement cinématographique, et ça finit généralement par une empreinte digitale noire sur la lentille du téléphone portable quand le réparateur-vidéaste amateur -dans une discipline comme dans l’autre- essaie de zoomer en même temps que d’inverser le sens de rotation de la clé à cliquet. Ceci dit, les constructeurs ne font pas non plus souvent appel à Marc Lévy ou Delphine de Vigan pour rédiger le manuel du propriétaire de leurs automobiles, et le petit film fait maison sur le driveway suffit généralement pour comprendre de quoi il retourne.

Sur écran, ça n’a d’ailleurs pas vraiment l’air sorcier. Tous s’accordent en effet sur la méthode consistant à déposer la roue avant gauche pour avoir accès à une trappe, laquelle s’ouvre sur la partie basse du réservoir contenant le mélange dilué d’alcool et d’éthylène glycol, dans lequel s’enfiche la fameuse pompe en mode "plug & play". Et comme ça faisait un bout de temps que sa remplaçante commandée sur Internet se baladait dans mon bac de portière, y avait plus qu’à.  Ça m’a pris un dimanche soir de retour d’une balade à la campagne, quand j’ai avisé le parking d’un supermarché forcément désert ce jour-là puisqu’en Allemagne, on ne travaille pas le jour du seigneur. Un principe dont j’aurais rétrospectivement dû tenir compte.

"Jusque-là, tout va bien" ai-je pensé en mon for intérieur, en posant la roue sur le sol. Mais j’ai très vite découvert que la trappe précédemment mentionnée effectuait un retour vers le bas du bouclier et qu’en plus de déboulonner il me fallait également déclipser. Rien de très compliqué en principe, même si je préfère le bon vieux filetage métallique aux bidules en plastoc à usage plus ou moins unique pour les opérations de montage-démontage. Mais surtout, la pompe "plug & play" a récalcitré. Et comme vous en avez sans doute déjà fait l’expérience, le machin qui résiste dans ce genre de scénario est systématiquement positionné de façon à nous rappeler que malgré les 639 muscles dont est doté un corps humain standard, il nous en manque encore quelques-uns.

Les vidéos ne montrant pas tout, j’ai donc mis un certain temps avant de me retrouver enfin avec d’un côté, une pompe défectueuse, et de l’autre une voiture en parfait état de marche. Mais la satisfaction fut de courte durée quand à observer la remplaçante, il me fallut constater que l’un des embouts -ne me demandez pas s’il était d’entrée ou de sortie- possédait un diamètre visiblement inférieur à celui de la pièce d’origine. A ce stade, j’ignore ce qui fut le plus long entre admettre l’échec après de longues minutes de déni, le remontage de la pompe-qui-ne-marche-pas-puis-la-trappe-puis-la-roue ou le petit jeu consistant à repositionner le cric et autres accessoires dans le support en polystyrène noir supposément conçu à cet effet. Un objet obéissant visiblement à une logique inversée à celle du panier à crustacé, dans lequel une malheureuse bestiole entre avec la plus grande facilité pour ne jamais en ressortir.

Sur le chemin du retour, je ruminais ma frustration d’avoir dû remettre en place une pièce inutile, quand vers les 160 km/h compteur sur l’autobahn, un mauvais bruit venu -devinez- de l’avant gauche m’indiqua que non seulement j’avais perdu mon temps, mais que j’avais probablement ajouté un problème au problème. Allez, je vous la fais plus courte que les interminables trois minutes et quarante-cinq secondes qu’il me fallut pour rejoindre la première sortie 5 km plus loin, calé à 80 km sur la file de droite. Dans ma précipitation à remonter le toutim en mode énervé, j’avais été assez stupide pour reclipser la partie basse de cette fichue trappe d’accès non pas à l’intérieur mais à l’extérieur du bouclier, permettant à l’air de s’engouffrer dans l’interstice ainsi créé.

Je sais ce que vous allez penser. Mais avant que vous ne cédiez à la tentation d’un jugement hâtif, sachez que mes deux mains gauches ne sont pas juste bonnes à tapoter sur un clavier, et qu’elles comptabilisent aussi un certain nombre de victoires en matière de "Do it yourself" automobile. J’ai ainsi à mon actif l’installation de plusieurs autoradios -avec ampli s’il vous plaît- à bord de différents véhicules dans les années 90. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai fait connaissance avec la pratique du "decontenting" d’usine, en constatant sur ma deuxième Clio S pourtant strictement identique à la précédente que l’emplacement des haut-parleurs n’était plus câblé à l’arrière, économie qui m’obligea en plein hiver au démontage de pièces de garniture en plastique durcies par le froid. Toujours à basse température, mes doigts ont également survécu à la réparation de la vitre électrique conducteur de ma Lancia Beta HPE, dont la structure interne du panneau de porte était visiblement conçue pour cisailler de la chair humaine tout en distribuant le tétanos.

Mais mon fait de gloire dans le "juste fais-le toi-même" reste incontestablement le remplacement du radiateur de ma Fiesta 79. Une opération à capot ouvert effectuée sans encombre sur le parking visiteur de mon immeuble, au grand damne du gardien de la résidence d’origine alsacienne. Celui-ci observa mon petit manège de près, le reproche visiblement au bord des lèvres si par malheur la moindre goutte de fluide mécanique s’était épanchée sur l’asphalte dont il avait la garde. Il lui fallut pourtant garder pour lui ses remontrances prêtes à l’emploi, même si ma tâche fut bien aidée par l’accessibilité mécanique de la petite Ford dont le compartiment moteur aurait accepté sans forcer deux unités supplémentaires du 950 cm³ basse compression qui la tractait.

Et puis, il y a ces moments d’altruisme qui ont fait de moi un véritable héros salvateur auprès d’automobilistes désemparés en bord de route, à qui j’ai rendu une mobilité momentanément perdue. Comme à Lyon, il y a bien longtemps, où la balade dominicale de quatre retraités s’était interrompue dès les premiers kilomètres quand le moteur de leur Citroën Visa s’était soudainement tu. Tant qu’on ne l’a pas vécu, on n’a pas idée du bonheur que provoque un bête câble de bobine remis à sa place sur un distributeur qui n’en faisait qu’à sa tête. Ce jour-là, j´étais reparti tel un chevalier sur mon scooter blanc, accompagné par quatre regards humides de gratitude, avec le sentiment de la bonne action accomplie. Même opération bien des années plus tard dans le Nord-Est du Brésil sur une Volkswagen Gol inanimée sous une pluie battante. Selon le jeune couple qui comptait sur elle pour leurs vacances, c’était à n’en pas douter "Deus" lui-même qui m’avait envoyé, et nul doute que leurs prières m’accompagnent jusqu’à ce jour.

Mais mon souvenir préféré reste celui de cette jeune fille en panique à Boulogne-Billancourt, cernée par un trafic hostile de conducteurs vitupérant et klaxonnant, alors qu’elle tentait désespérément de ranimer à grands coups de démarreur une mécanique visiblement noyée. Mes conseils experts -ôter le starter et pied à fond sur l’accélérateur- avait rendu à la Renault 5 une combustion interne que personne ne songeait alors à fustiger, et à sa propriétaire un sourire ô combien charmant. Trop timide pour lui demander son "zéro-six" à l’issue de ce glorieux épisode, je ne saurai pourtant jamais si le coup de la réparation fonctionne aussi bien que celui de la panne. En même temps, c’était à une époque où les téléphones encore pas très "smart" restaient à la maison.

Tout ça fleure d’ailleurs bon la nostalgie d’une époque ou même un néophyte de ma trempe arrivait à comprendre deux-trois trucs dans l’apparent fouillis de la salle des machines de nos automobiles. Et les boomers de service ne manqueront pas de pester contre les mécaniques d’aujourd’hui, inaccessibles et « bourrées d’électronique », en omettant soigneusement de relever -quoiqu’on en dise- une fiabilité très nettement améliorée, et des intervalles de révision conséquemment allongés. Pour ma part, au vu de mes récents exploits, je me demande plutôt s’il ne vaudrait pas mieux qu’on m’interdise pour de bon l’accès à certaines zones mécaniques.

Et la pompe de Karl, me demanderez-vous ? Elle va bien, merci, même si elle n’arrose toujours pas le pare-brise. J’ai pourtant fini par installer la bonne référence, profitant de l’opportunité pour remplacer la trappe en plastique déchiquetée, que j’ai même fixée avec des clips tout neufs. Tout ça avant d’actionner avec succès la commande de lave-phares dont je ne me suis rappelé l’existence qu’un peu tard, me laissant à penser que la pompe n’a jamais été la source d’un problème subsistant jusqu’à aujourd’hui. Alors comme l’ordinateur de bord me rappelle depuis quelques jours qu’il est temps d’effectuer une nouvelle révision, je vais faire ce que j’aurais dû faire depuis le début.

Confier l’affaire à un professionnel…

Réactions

Bonjour Jean-Philippe ! (je croirais converser avec mon petit frère...)

MERCI pour cette chronique qui ne m'a pas simplement fait sourire, mais réellement rire, au point que mes collègues se demandaient ce qui m'arrivait !
En ce qui concerne le lave-glace, vous l'avez déjà certainement vérifié mais juste au cas où... Des tuyaux d'arrivée au capot bouchés ?

Merci encore et au plaisir de vous lire de nouveau très vite !

@Klit, Je suis bien d'accord avec vous. En relisant cette chronique (privilège que j'ai eu hier) j'en riais aussi. Merci Jean-Philippe

JP, le Just do it conduit souvent à se faire Nike.. !
Le lave-glace !
Grand oublié de l'évolution technologique automobile depuis un siècle !
Quoi de neuf dans le bocal, la pompe, les durits et les 2 gicleurs depuis des lustres ?
Rien !
A quand le lavage assisté par une IA et tenant compte de la vitesse, de la température, de la pression, de la saison, du % de glycol dans le bidon, de tata Simone qui râle encore parce qu'elle voit rien, pour gérer, pression, vitesse, débit, forme et incidence du jet, le tout dans une gestion frugale de l'eau ?
Au gré des différentes et nombreuses voitures que j'ai conduites, il apparait depuis bien longtemps que ce sujet est totalement négligé à la conception des véhicules, on le met parce qu'il le faut..
Tiens ! Les ingénieurs comiques de chez Fiat sur la dernière 500e, celui qui a fait le réservoir ne doit jamais se servir dudit lave-glace et nous a gratifié d'un merveilleux volume de 1,5l.....
Et il n'a aussi jamais rencontré à la cantine son collègue responsable du gicleur AR qui nous débite 1/2 litre façon kärcher à chaque pression, poussé par une pompe orgiaque des 42kWh de réserve sous le plancher !
J'éxagère... nous avons eu les capteurs de niveau mini et les double circuit avec un antimoustique qui coute un bras sur le 2ème.
Et puis la Saab 99 avait bien des lave-glace, essuie-glace, lave-phare, essuie-phare qui fonctionnaient parfaitement, mais c'était il y a 55 ans ! De plus à une époque ou les stations offraient un seau et un balai mousse gratuitement pour "faire" le pare-brise..
Le lave-glace c'est retour vers le futur...
;0)
PS : vu les heures de M.O. pour bricoler la pompe de Karl, attention à la douloureuse JP..
Le lave

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