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Chronique - 21/03/2024 - #Volkswagen , #Chrysler , #Ferrari , #Lancia , #Fiat , #Stellantis

L’équation Y

Par Jean-Philippe Thery

L’équation Y
Chic, une nouvelle Lancia ! (Crédit : Lancia)

Aujourd’hui, je m’essaye de nouveau aux mathématiques. Mais ne m’en demandez tout de même pas trop…

J’ai dû il y a quelques temps me remettre aux équations.

C’était pour aider une ado à qui les trois dernières lettres de l’alphabet ne disent pas grand-chose quand placées dans une formule. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que le type qui se prenait en la math(ière) des notes se rapprochant tangentiellement de l’abscisse au fur et à mesure que s’écoulait l’année scolaire, se soit retrouvé dans la position de l’expliqueur. Mais Google étant désormais mon ami, j’ai compris en ligne en moins de temps qu’il n’en faut à une baignoire de 200 litres qui fuit pour se vider, ce que des heures de cours n’avait jamais résolu. Une façon de prendre ma revanche sur certains membres du corps professoral, même si Carolina n’a probablement pas trouvé en moi le pédagogue qu’elle espérait.

Une équation, c’est précisément ce que m’a évoqué le nouvelle Lancia Ypsilon, présentée -est-ce un hasard ?- à l’occasion de la dernière Saint-Valentin, et qui porte la lourde responsabilité d’une énième Renaissance à l’Italienne pour la marque turinoise. C’est en mai 2021, quelque mois à peine après la naissance de Stellantis survenue le 16 janvier de la même année, que Carlos Tavares avait posé l’énoncé du problème aux patrons des 14 marques du groupe, auxquels il accordait 10 ans afin de prouver la viabilité de celle dont ils avait la charge. Et de ponctuer son intervention, réalisée dans le cadre d’un sommet sur l’avenir de l’automobile organisé par le Financial Times par un “si elles réussissent, tant mieux“, dans lequel certains plus que d’autres ont sans doute cru voir l’éclat d’un couperet ne demandant qu’à (ha)choir.

Au rang desquels on comptait sans doute Luca Napolitano, nommé CEO de Lancia à peine trois jours après la fondation de Stellantis, dont il faut bien admettre qu’il est loin d’avoir hérité de l’exercice le plus facile. Parce que prendre en main le destin d’une marque ne comptant à sa gamme qu’un seul véhicule lancé en 2011 ne ressemble pas exactement à une sinécure. D’autant plus que cette année-là a également initié une période funeste pour Lancia, qui voyait le bouclier triangulaire bleu formant son écusson apposé sur le capot de Chrysler 200 et 300C respectivement rebaptisées Flavia et Thema II, les responsables du Marketing ayant finalement renoncé à étendre le sacrilège au Voyager, qui conserva donc son prénom d’origine à défaut du nom de famille.

On imagine donc avec quelle impatience Luca attendait ce moment-là, celui de retirer le voile couvrant l’Ypsilon comme on tourne une page, lors d’un évènement au cours duquel il avait enfin l’occasion de présenter autre chose qu’un logo, une charte graphique, ou un proto hésitant entre la souris d’ordinateur et le vaisseau spatial. Bref, une voiture. Ça n’a évidemment pas empêché les réseaux sociaux de s’agiter, et de façon pas toujours favorable. Trop électrique, trop 208/C3/Corsa auxquelles la nouvelle venue emprunte leur base technique et certains éléments de carrosserie, pas assez ceci ou trop cela, bref un jour ordinaire en ligne. Il faut dire que la profession de Chef de Produit automobile est sans doute l’une des plus répandues sur les Facebook, Instagram et consorts, dont les représentants recommandent immanquablement de relancer dans une version modernisée-mais-pas-trop les modèles qui ont fait la gloire -et parfois la perte- de leur marque fétiche.

A ce compte-là, je ne vois donc pas pourquoi je ne donnerais pas moi aussi mes cinq lires sur le sujet, d’autant plus que mes états de services concernant Lancia sont absolument impeccables. Alors que je travaillais pour un autre constructeur, je roulais en effet au quotidien en Beta HPE 2000, me baladant le week-end en Fulvia 1600 HF Lusso. Si vous ajoutez à cela celles que j’ai conduites entre les différentes Fulvia et Flavia -y compris dans leurs rares versions Zagato, les berlines dont j’ai été passager, de la Flaminia à la Thema 8.32 à motorisation Ferrari, ainsi que les ouvrages et miniatures dédiés à la marque stockés quelque part en cartons, vous m’accorderez que je suis parfaitement légitime s’agissant d’exprimer mon avis sur la nouvelle Ypsilon. Sans compter que si je n’ai jamais été très doué en maths, j’ai en revanche été Chef de Produit à plusieurs reprises, et pour de vrai.

En même temps, je ne suis pas sûr de me rendre un grand service s’agissant d’un constructeur à l’historique pour le moins complexe. Parce que si, sans pasticher les modèles d’antan, il est loin d’être idiot de puiser dans le patrimoine d’une marque pour la refonder, l’exercice s’avère pour le moins délicat en ce qui concerne Lancia, qui a connu plusieurs vies depuis sa création en 1906. Mais n’étant pas du genre à reculer devant les difficultés, j’ai tout de même identifié ce qui me semble pourvoir constituer trois réponses possibles à l’inconnue Y(psilon).

Lancia, c’est d’abord l’innovation. Tenez, prenez par exemple la Lambda, qui proposait rien de moins en 1922 que la première coque autoportante de l’histoire automobile, des suspensions semi-indépendantes à l’avant, ainsi qu’un moteur à quatre cylindres -tout alu s’il vous plaît-en V étroit doté d’une seule culasse, architecture que Volkswagen redécouvrit en 1991 avec son VR6. Plus tard, c’est la superbe Aurélia qui adopta le premier V6 produit en série et les premières vitres teintées -normal au pays des lunettes de soleil- alors que la Beta Spider des années 70 reste à ma connaissance la seule auto configurable en coupé, Targa, cabriolet et Landaulet (mais pas en spider !). Je ne vous cite ici que quelques exemples, ayant contribué à l’identité et au succès de Lancia, mais aussi au moins en partie pour certains d’entre eux aux difficultés ayant provoqué son rachat par le groupe cimentier Pesenti en 1955, puis par Fiat en 1969. Et puis, on n’invente plus aujourd’hui comme on le faisait hier, et le progrès technologique se manifeste désormais de façon incrémentielle plutôt que par de grandes inventions.

Evidemment, Lancia appartient aussi au aussi le registre du sport. Et là, pas besoin de remonter aux calandres grecques ni même romaines, puisque les jeunes de mon âge se souviendront forcément des multiples déclinaisons de la Delta Integrale qui régnèrent sur le Championnat du Mondes des rallyes à la charnière entre les années 80 et 90, faisant honneur aux Fulvia HF, Stratos et 037 qui les avaient précédées. Autant de modèles qui connurent à des degrés divers une ou plusieurs versions “stradale“, au volant desquelles il était permis de se rêver en Juha Kankkunen, Massimo Biason, Carlos Sainz ou Didier Auriol. Mais un problème pour les marketeux quand Fiat récupéra Alfa-Romeo en 1986, à laquelle ils attribuèrent justement le rôle de marque sportive du groupe, alors que Lancia était propulsée dans l’univers “premium“.

Reste l’élégance. Comme celle de l’Aurelia B24 Spider contre laquelle Antoine (Christian Marquand) vole un baiser à Juliette (Brigitte Bardot) dans Et Dieu créa la femme. Ou des Gamma et Delta imposées par Delon à la production de Trois homme à abattre et Dans la peau d’un flic, au nom de l’amitié qui le liait à André Chardonnet -alors importateur de Lancia en France- mais aussi en cohérence avec son image personnelle. Et que les Alfistes me pardonnent, mais les filles de Milan m’on toujours semblé quelque peu aguicheuses comparées aux Lancia. Et que certaines de ces dernières recèlent des attraits parfois moins “évidents“, qu’il s’agisse de la Flavia Zagato précédemment citée, des SZ/RZ (elles aussi dessinées par Zagato) ou plus récemment de la Kappa Coupé, ne fait de mon point de vue qu’ajouter à leur charme discrètement décalé.

Quoiqu’il en soit, Lancia a déjà rendu sa copie avec l’Ypsilon, en optant pour la dernière solution. Et ça tombe bien, parce qu’une petite auto chic empruntant les dessous de cousines plus roturières, c’était précisément le concept inauguré par l’Y10 en 1985, à laquelle succédèrent les deux premières génération de l’Ypsilon, et désormais la troisième. Mais on me glisse dans l’oreillette qu’à l’heure où je rédige cette chronique, Lancia annonce le grand retour du Label HF, autrement dit “High Fidelity“, du nom dont était baptisée l’écurie en charge de la compétition chez Lancia, et qui figurait sur les versions sportives de la marque. Avec un logo redessiné qu’arborera l’Ypsilon HF de 240 chevaux pur jus, ainsi que les déclinaisons musclées des futures Lancia électriques. L’équation Y était donc à deux inconnues.

Entendons-nous bien : la nouvelle Ypsilon n’est pas la Lancia de mes rêves. Et ça tombe bien, parce que les Lancia de mes rêves possèdent un potentiel commercial des plus limités. En revanche, et compte-tenu des contraintes imposées par le contexte automobile comme pas l’appartenance à Stellantis, je n’aurais sans doute pas fait mieux si je travaillais à la Direction Plan-Produit de Lancia depuis 3 ans. Même si les gens de chez Lancia ont évidemment parfaitement compris que le problème Ypsilon ne se résume pas au produit -aussi réussi soit-il- mais comprend également un tas de paramètres comprenant un positionnement prix plus élevé que celui de ses compagnes de plateforme, un réseau à reconstruire hors Italie, mais aussi une image et un tas de trucs qu’ils connaissent mieux que moi.

D’ailleurs en ce qui concerne, comme je renonce aux équations au-delà de trois inconnues, Carolina de même que Lancia devront donc faire sans moi.

Réactions

On est loin de la petite Ypsilon, mini voiture 4 portes chic "pas trop chère" qui à fait son succès sur le marché italien, contrairement à la 500, dixit des amis italiens : une Punto 50% plus chère !

Un projet Lancia qui a fini à l'eau en France il y a quelques semaines...

Acqua di Gio mais pas de Giorgio Armani ?
;-)

"la première coque autoportante de l’histoire automobile"
Allons Jean-Pierre, on ne dit plus ça de nos jours, on dit "plateforme" et on la nomme avec un paquet d'inconnues mathématiques genre ZKB-35-HVLF ; allons...
Longue vie à Lancia !

Le plateforming c'est bien, cela permet de faire de grosses économies en jouant "juste" sur l'habillage et le perçu.
Par contre cela devient compliqué de justifier les écarts de prix quand tout le monde sait que le cœur est le même !
Alors nos "amis" constructeurs sont très inventifs au niveau des tarifs. Plus aucune marque ne communique sur le prix réel à part Dacia. On ne voist plus que le loyer de la fameuse LOA qui malheureusement ne veut rien dire... Ah quel belle invention la LOA !
Alors je viens d'aller sue les sites de Peugeot et d'Opel juste pour rigoler et voilà ce que je ressors de la 1ère page (je ne suis pas allé plus loin)
e208 : prix catalogue de base 33 080€ soit un loyer de 160€/mois avec un 1er loyer de 13 860 €
eCorsa : prix catalogue de base 25 050€ (soit 8000 de moins ??? je suppose que les 7000€ de bonus écologique doivent se trouver là-dedans, mais il faudrait lire le bas de page en police 4) soit un loyer de 99€/mois avec un 1er loyer de 10 000€
Avec le jeu des premiers loyers très "éparses", on fait ce qu'on veut sur les loyers. Et les gens se font berner.
Par contre si quelqu'un sait expliquer pourquoi avec un prix de départ quasi identique et un 1er loyer plus haut, la e208 est mensuellement 50% plus chère, à moins que je ne sois allé trop vite, le vendeur de chez Peugeot aura grandement besoin de l'explication...

@ Fred Et Rick, Le 21/03/2024 à 10:13
Dépend de la durée des loyers ?
Kilométrage pris en compte annuellement dans le loyer ?
e208 : reste à payer 19220€ en faisant prix de vente - 1er loyer
eCorsa : reste à payer 15050€ en faisant prix de vente - 1er loyer
Ecart de 4000€ en reste à charge pour le client...

Oui Clerion merci.
Ce que je voulais dire est qu'on noie le poisson ou plutôt le pigeon avec des chiffres un peu trompeur à moins de ne lire tous les détails. Le commun des mortels se fait royalement berner avec ce petit jeu de la LOA.
LOA qui reste une bulle financière basée sur une pseudo valeur de revente potentielle estimée (soit un pari ou une spéculation sur l'avenir) qui s'avère tellement intenable au niveau prix qu'on a réinventé une autre bulle sur la bulle... la LOA sur l'occasion. Ou comment refaire de l'argent sur le même produit... ils sont forts !

Le bon Saint LOA lui dit Oh mon roi, votre majesté est mal culottée...
C'est vrai lui dit le roi, je vais la remettre à l'endroit !
;-)

... Alfa a bien présenté un "Revival" (très réussi, je trouve, de la 33) ...pourquoi pas une New ex Stratos (?) même si certains petits malins se sont déjà chargés d'un "restomod" (?)
;0)

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