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12/06/2025 - #Renault

Le fils de Karl

Par Jean-Philippe Thery

Le fils de Karl
J'ai conduit le fils de Karl, de l'autre côté du miroir !

Aujourd’hui je vous parle du temps qui passe, en voiture allemande et de l’autre côté du miroir…

L’Ecosse n’est plus un royaume depuis 1707.

Mais elle demeure indéniablement celui des B-Roads. Un réseau secondaire dont j’ai largement profité lors d’une semaine de vacances en compagnie de la chère et tendre, responsable du choix de cette destination "de l’autre côté du miroir". Pour autant, la maitrise d’une automobile right hand-drive s’y est avérée plus facile avec une boite auto que celle de la Citroën C3 manuelle que j’ai conduite à Chypre l’an dernier. Et j’ai d’autant plus apprécié la balade sur le territoire de l’Ancienne Calédonie que pour ma plus grande surprise, j’étais régulièrement en-deçà de la limite légale autorisée en miles/heure, y compris en adoptant une conduite qu’on qualifiera de "dynamique". Surtout qu’aux changements de panneaux incessants en vigueur chez nous, on y préfère une simple mention "slow" peinte au sol avant les virages serrés, laissant à penser que nos amis britanniques sont assez fous pour faire confiance à l’automobiliste. Rassurez-vous néanmoins, puisqu’on y trouve aussi en milieu urbain le genre de limitation de vitesse absurdement basse qui détourne l’attention de la route vers le tachymètre, et je ne suis d’ailleurs pas à l’abri dans les semaines qui viennent d’un email avec photo souvenir en pièce jointe, montrant la Mercedes CLA 180 louée pour l’occasion.

Autrement dit, j’ai conduit le fils de Karl.

Ceux qui me font la gentillesse de me lire régulièrement reconnaitront le petit nom de la Mercedes C200K de 2006 -une série W203- avec laquelle j’ai un temps partagé un bout de route, y compris lors du périple reliant les capitales française et allemande que je vous ai conté dans le menu détail dans Paris-Berlin…pas express.

Et près de 20 ans après que Karl a quitté l’usine de Sindelfingen, j’ai donc fait longuement connaissance avec un exemplaire de la CLA deuxième génération, autrement dit d’un modèle en fin de vie puisque la W118 a très récemment été remplacée par la C174 après 6 années de bons et loyaux services. Ce qui explique sans aucun doute le prix compétitif auquel il m’a été possible d’en louer un exemplaire quasiment neuf.

Je sais ce que vous allez me dire. Que l’ex-Chef de Produit a perdu la main, puisque la remplaçante de Karl est évidemment la W206, cinquième génération de la Classe C lancée en 2021. Mais ça, c’est parce que vous n’avez pas consulté les fiches techniques des différents modèles cités, qui vous auraient permis de constater qu’avec 225 mm de plus en longueur, la nouvelle Classe C joue désormais dans une autre catégorie que la W203,  alors que la CLA en est plus proche avec ses 4.488 mm, même si elle la dépasse encore de 162 mm. Mais surtout, la W203 affichait à son lancement un tarif d’entrée proche en valeur constante des 45.000 euros demandés pour la CLA, alors qu’il faut désormais rallonger la mise de 10.000 euros pour repartir au volant de la W206. Bref, la CLA est bien le fils de Karl et je n’ai donc pas perdu les réflexes acquis dans l’exercice de mon ancienne profession.

Mais trêve de fanfaronnade, et passons plutôt à l’analyse comparative à laquelle je n’ai évidemment pas oublié de me livrer. Si les deux décennies d’écart entre les deux étoiles sont bien visibles dans le traitement du style extérieur, on remarque surtout le changement de silhouette entre Karl exhibant fièrement ses lignes de sedan statutaire alors que la CLA se la joue coupé 4 porte malgré ses 16 mm de plus en hauteur. L’accès à bord en souffre quelque peu à l’avant en raison du parebrise plus incliné, et sans doute à l’arrière aussi pour les mêmes raisons même si l’ex-Chef de Produit n’a pas songé à le vérifier. En revanche, je suis en mesure -littéralement- de vous confirmer que les centimètres en plus en longueur comme en largeur bénéficient à la capacité du coffre qui affiche 50 litres de plus que la W203 pour un total de 505. Non pas que j’en aie vraiment eu besoin, puisque j’ai dû caler soigneusement les valises format cabine Easy Jet (56x46x25 cm et pas un de plus) pour éviter qu’elles ne se baladent dans les virolets.

Puisque nous y sommes déjà, prenons donc place à l’intérieur où les différences générationnelles paraissent encore plus marquées. Quand j’étais petit (les mauvaises langues diront que c’est encore le cas), les comptes-rendus d’essai que je lisais déjà dans la presse automobile faisaient systématiquement allusion au diamètre excessif des volants gouvernant les Mercedes. Si le gouvernail de Karl appartient encore résolument à cette école de pensée avec de surcroît un moyeu dont l’embonpoint ne cache pas la présence de l’airbag, le steering wheel de la CLA tente de faire passer cette dernière pour une sportive avec ses trois branches reliées à une jante épaisse, même si le méplat paraitra surtout utile aux conducteurs ventripotents pour ménager leur bedaine.

En regardant un peu plus loin que l’organe de direction, on découvre une ambiance nettement plus funky que l’atmosphère austère qui était encore de mise au début du siècle, à commencer par les trois tuyères centrales faisant office d’aérateurs, aux antipodes des discrètes grilles d’autrefois. Elles n’eurent pour autant pas l’heur de plaire à la copilote en chef qui ne ménagea pas ses critiques à leur encontre, sans doute aidées par l’aversion que celle-ci manifeste à tout flux d’air caressant son doux visage, qu’elle redirige aussitôt vers le mien. Ce qui ne l’a pas empêchée d’apprécier l’habitacle de nuit quand celui-ci vire carrément à la discothèque, avec un éclairage d’ambiance resté girly pendant toute la durée du voyage, votre serviteur ayant eu la flemme d’effectuer d’un deep-dive dans les sous-menus du système d’infodivertissement pour désélectionner la couleur rose.

Puisque nous en sommes aux écrans, force est de constater que c’est indéniablement l’instrumentation qui signale de façon la plus ostensible le fossé générationnel entre la W117 et la W203. En dehors des vignettes LCD discrètement nichées entre ses deux gros cadrans à aiguilles, celle de Karl n’est sur le principe guère différente de la W202 qui l’a précédé ni même de la 190 E pré-Classe C des années 80, alors que l’énorme tableau numérique rectangulaire désormais standard sur tout nouveau modèle qui se respecte offre en comparaison un contraste saisissant et pas toujours immédiatement compréhensible. Non pas que je n’y ai compris que dalle, mais il m’a tout de même fallu trois jours et le recours au bon vieux manuel de bord papier pour saisir comment sélectionner le mode d’affichage parmi ceux qui m’étaient proposés à l’écran. Que la partie supérieure de la zone de commandes située à droite du volant fasse également office de pavé tactile façon ordinateur portable n’a en effet rien d’intuitif, et sans doute est-ce par logique de compensation que j’ai finalement opté pour l’affichage vintage faussement analogique. Même si le réac en moi doit à l’honnêteté de reconnaître que la représentation des gros compteurs ronds ne doit rien à son équivalent physique pour ce qui est de la lisibilité.

J’en vois dans le fond qui s’impatientent, me sommant de passer au chapitre des qualités dynamiques. Mais au risque de les décevoir, je crains devoir admettre que c’est sans doute le domaine où j’ai le moins de trucs à vous raconter. Sans doute parce qu’il y a bien longtemps qu’il n’existe plus de mauvaise voiture et que nos automobiles sont devenues si compétentes que même en conduite "énergique", nous restons très en deçà de leurs capacités. Il est vrai que les commandes de la CLA m’ont parues à la fois plus douces et plus précises que celles de Karl, même s’il est difficile d’évaluer la part de cette perception due au vieillissement s’agissant d’une auto affichant certes un état exceptionnel, mais qui roule tout de même vers ses 20 ans. Alors disons que l’une des principales différences avec la CLA réside pour cette dernière dans la disponibilité d’une fonction "Dynamic Select" permettant de choisir parmi trois modes de conduite. En position "Sport", cette dernière raffermit la suspension comme la direction, offrant également -selon la littérature de la marque- une réponse à l’accélérateur plus "aiguisée", même si je ne le suis sans doute pas assez pour avoir noté de différence notable sur ce dernier aspect.

Après y avoir recouru sur les portions de route les plus "solicitantes", j’ai d’ailleurs fini par lui préférer la sélection manuelle des vitesses en utilisant les palettes au volant, pour éviter le bourdonnement produit par le moteur à régime stabilisé quand la boite se maintenait sur un rapport inférieur, notamment dans l’attente des dépassements. Et puisqu’il est question de mécanique, je dois avouer avoir été surpris de constater a posteriori que le 4 cylindres 1.3 turbo d’origine Renault ne délivre que 136 ch dans sa version d’entrée, alors que je l’aurais volontiers crédité d’une quinzaine de plus. Sans doute à cause du poids relativement contenu de 1.350 kg pour l’auto l’hébergeant, à comparer aux 1.410 kg de la W203 et surtout 1.665 kg pour la génération actuelle de la Classe C. Si on y ajoute la boite automatique dont les sept rapports s’emploient à masquer le manque de couple typique des motorisations "downsizées" dans la zone inférieure du compte-tours, on se dit que la comparaison avec le 1.8 "mit Kompressor" 163 chevaux de Karl n’est pas si déplacée, même si elle semble plus naturelle avec la CLA 200 dispose exactement de la même puissance.

A force de comparaisons générationnelles, je n’ai pu m’empêcher de me livrer à la prospective en essayant d’imaginer à quoi pourrait ressembler le petit fils de Karl dans une quinzaine d’années. A l’horizon 2040, l’UE maintient -pour l’instant- que la berline d’entrée de la marque sera électrique. Pour le reste, l’exercice relève tout de même de la boule de cristal, même si on peut parier sans trop prendre de risque que dans un contexte d’évolution technologique sans cesse accéléré, l’écart avec la CLA actuelle sera encore plus marqué que celui séparant cette dernière de Karl. Dans le seul domaine de l’instrumentation -puisque celle-ci m’a semblé constituer l’élément ayant le plus évolué au cours des deux dernières décennies- toutes les supputations sont possibles. A commencer par sa disparition, puisque la projection des informations qu’elle dispense sur toute la zone basse du parebrise ne relève déjà plus de la science-fiction. A moins bien sûr, que dix plus tard, cette technologie-là ne paraisse "tellement 2030".

Sur ce, je vous laisse. Il faut que publie l’annonce d’une certaine Mercedes de 2006 qui occupe toujours mon garage, avant que les acheteurs potentiels n’aient oublié qu’il a existé des compteurs à aiguilles…

Prix estimé corrigé de l'inflation pour la W203/Gen2

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Rhaaa l'Ecosse, mon pays de cœur, 2017, 2019, 2024 et 2025, toujours en Avril/Mai, des paysages à couper le souffle, il reste encore des zones ou le tourisme de masse n'a pas encore osé poser ses pates.
Deux fois en cabriolet sièges chauffants en mode jeune vieux couple, 2 fois en berline familiale en mode jeunes vieux parents.
J'aurais aimé une chronique plus orientée tourisme, peut-être à venir ?
D'ailleurs, si vous avez croisé une 318i e36 vert Boston, sur une single track "highlandaise", c'était nous.
Please Drive carefully.

Idem, mon 2ème pays ! J'attendais aussi un peu plus de "passing places" et de cerfs au milieu de la route...
La photo me rappelle une guest house du côté d'Inverness ou de Nairn...
;0)

Excellente chronique comme à l'habitude.

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