03/02/2025
Le Mexique ferme face aux droits de douane de Trump qui menacent son économie
Par AFP
(AFP) - Le Mexique -comme le Canada- a répondu par la fermeté samedi aux droits de douane de 25% imposés par le président américain Donald Trump, qui menacent ses exportations, sa croissance et sa monnaie, d'après les analystes.
La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a immédiatement annoncé "des mesures tarifaires et non tarifaires en défense des intérêts du Mexique", dont 83% des exportations partent chez le voisin américain (automobiles, ordinateur, produits agricoles).
Le Mexique enregistre de forts excédents dans son commerce avec les Etats-Unis, ce qui a conduit M. Trump à affirmer que son pays "subventionne le Mexique".
La présidente de gauche nationaliste n'a cependant pas détaillé ces "mesures tarifaires" ni donné de calendrier, à la différence du Premier ministre canadien Justin Trudeau avec qui elle s'est entretenue samedi.
Mme Sheinbaum a proposé à son homologue américain "un groupe de travail avec nos meilleures équipes de sécurité et de santé publique" sur les questions de trafic de drogue et des migrations.
Le laxisme présumé du Mexique et du Canada sur ces questions sont les prétextes du président américain pour imposer des barrières douanières à ses deux partenaires de l'accord Canada-Etats-Unis-Mexique (ACEUM), traité de libre-échange en vigueur depuis 2020.
M. Trump a même accusé le gouvernement mexicain d'"alliance" avec les cartels du narcotrafic. Une "calomnie", a balayé Claudia Sheinbaum.
La décision de Donald Trump est "une flagrante violation de l'ACEUM, que nous avons négocié avec le président Trump lui-même", a réagi le secrétaire à l'Economie Marcelo Ebrard, se déclarant "fier du sang-froid et de la fermeté" de Mme Sheinbaum.
Menace de récession
La taxation à 25% des importations par les Etats-Unis "représente une menace directe pour la compétitivité de l'Amérique du Nord et la stabilité économique de notre pays", s'est inquiété le syndicat patronal Coparmex.
"Les exportations d'automobiles, de pièces détachées, d'ordinateurs, de produits électro-ménagers et de produits agricoles seront sérieusement affectées, ce qui pourrait se traduire par un sévère ralentissement économique", alors que l'économie mexicaine montrait déjà "des signes importants de faiblesse", ajoute la Coparmex.
L'économie mexicaine, la 12ème du monde, a crû de 1,3% en 2024, mais a reculé au dernier trimestre.
Les droits de douane imposés par Donald Trump vont entraîner le Mexique vers la récession, selon les prévisions de l'agence de notation Standard & Poor's.
Ces barrières douanières pénaliseront principalement les secteurs de l'automobile et de l'électronique, qui envoient 50% de leur production aux États-Unis, d'après le cabinet de conseil britannique Capital Economics.
Emblématique de l'ACEUM, l'industrie automobile a exporté 36 milliards de dollars vers les États-Unis en 2023. Elle représente 5% du PIB mexicain et génère un million d'emplois, ajoute le cabinet.
Le consommateur américain serait aussi touché, avec "des prix plus hauts, une moindre disponibilité des produits, des possibles perturbations dans les chaînes d'approvisionnement", a prévenu le gouvernement mexicain dès vendredi.
En taxant leurs principaux fournisseurs, les Etats-Unis vont inévitablement "faire monter les prix" chez eux, avertit le chef économiste d'EY, Gregory Daco, qui pronostique une inflation de 0,6% au premier trimestre de cette année.
Capital Economics souligne que les pièces automobiles deviendront plus chères, ce qui affectera directement le portefeuille des Américains.
Leur renchérissement "serait partiellement contrebalancé par une dépréciation" du peso rendant "les exportations mexicaines plus compétitives", précise Ramsé Gutiérrez, codirecteur des investissements chez Franklin Templeton Mexique.
En même temps, cette dépréciation "rendrait les importations plus coûteuses, ce qui entraînerait une augmentation des prix des biens de consommation et des matières premières au Mexique", ajoute-t-il.
Une voiture assemblée et vendue aux États-Unis possède 25% de composants mexicains, selon l'agence américaine de gestion des routes (NHTSA).
Pour Kenneth Smith, ancien fonctionnaire mexicain qui a dirigé en 2020 la renégociation de l'ACEUM (exigée par Trump), les tarifs douaniers sont l'outil du milliardaire pour obtenir des résultats en matière de migration ou de sécurité.
Trump se vante d'avoir obtenu "tout ce qu'il voulait" en matière migratoire pendant son premier mandat (2017-2021) avec l'ex-président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador grâce à la menace tarifaire.