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17/07/2025 - #Bugatti , #Ferrari , #Man , #Mclaren , #Porsche

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Par Jean-Philippe Thery

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Ferrari 250GT "Tour de France", première voiture « de série » au-delà de 250 (Crédit : PSParrot)

Aujourd’hui, je mets le pied à la tôle sans risquer la taule.

Je sais, je vous ai déjà fait le coup à deux reprises.

Pour la centième avec la Ton, puis la deux-centième avec Mes deux cents, avec à chaque fois les mêmes histoires de kilomètres ou milles par heure. Et si, avec un certain manque d’imagination, il m’avait fallu suivre le même raisonnement pour la suite, c’est vers la rentrée 2026 que j’aurais dû récidiver. Si ce n’est que non seulement je n’ai jamais roulé à 300 km/h en voiture, mais que la probabilité que cela se produise d’ici-là -et même après- me paraît infime, alors qu’il m’est régulièrement donné d’atteindre les 250 km/h. Ou plutôt 253, comme le précise avec une rigueur toute germanique le compteur digital de mon auto lancée à sa Vmax limitée électroniquement. Vous n’y échapperez donc pas : cette deux-cent-cinquantième chronique se déroulera à 69,45 mètres par seconde.

Et vous n’éviterez pas non plus les inévitables références au temps passé, sur le mode habituel de 'l’histoire retiendra que". Sachez donc que John Godfrey Parry-Thomas fut le premier à dépasser les 250 km/h le 27 avril 1926, et même assez nettement à 270,864 km/h, puis 275,341 km/h dès le lendemain. Un record qu’il n’eut pourtant guère le loisir de commémorer, puisqu’il se tua le 6 mars suivant sur la même plage de Pendine (dans le Pays de Galles) avec la même auto qui partit en tonneaux. Surnommée "Babs" par son malheureux pilote, la machine blessée fut enterrée sur place avant d’être réexhumée 42 ans plus tard puis restaurée. Et c’est désormais lors d’évènements auxquelles elle participe ponctuellement qu’on entend rugir son douze cylindres en V Liberty-L12 de 27 litres de cylindrée, délivrant ses 450 chevaux aux roues arrière par l’intermédiaires d’une transmission à chaînes. Et c’est aussi un V12, bien que de 3 litres et 300 chevaux à peine, qui anime la sublime Ferrari 250 GT "Tour de France" châssis long, première voiture -plus ou moins- de série revendiquant plus de 250 km/h en pointe.

Evidemment, Parry-Thomas comme les différents pilotes qui se sont succédé au volant de la Berlinetta Italienne faisaient preuve d’infiniment plus de mérite que moi lorsqu’ils évoluaient à de telles vitesses. Un rappel en forme de mise au point à l’égard du titre de ce texte que certains jugeront sans doute aussi frimeur que racoleur, puisque compte-tenu des capacités de l’auto que j’ai le plaisir de conduire, ma principale compétence en la matière consiste surtout à comprendre quand ne pas évoluer à ces vitesses-là. En revanche, je ne doute pas que c’est sur son auteur et non sur la machine que rejaillira l’opprobre si cette chronique tombait par hasard entre certaines mains, dont les propriétaires considèreront sans doute qu’admettre rouler à une telle allure constitue l’aveu d’un crime d’une extrême gravité.

Que ceux-là ne comptent néanmoins pas sur moi pour solliciter leur pardon ou tenter de me justifier. D’autant plus que j’agis dans la plus stricte légalité, sur autobahn bienzur puisque je réside outre-Rhin. Même si je reconnais qu’il m’a fallu au tout début m’habituer à mettre gaz sans ressentir de culpabilité, ni passer mon temps à scruter les bas-côtés pour débusquer le Jenoptik, cousin germain de notre Mesta national. Mais si comme il se doit,  je consacre aujourd’hui 100% de mon attention à ce qui se passe devant moi, n’imaginez pas pour autant que je me donne systématiquement pour objectif d’orienter l’aiguille du tachymètre vers la boite à gants dès que j’aborde l’autoroute, puisque si j’ai pris soin de l’indiquer dans le premier paragraphe que j’atteignais régulièrement les 253 km/h, ça ne signifie point que j’y reste. En effet, en vertu d’une espèce de principe de précaution auquel j’obéis instinctivement, je lève généralement le pied au bout de quelques secondes quand la voie centrale est occupée, n’ayant aucune envie de voir l’un de ses occupants débarquer soudainement sur celle de gauche.

Mais tout ça est bien réel, alors qu’il n’est pas rare d’entendre dire ou de lire que la vitesse libre en Allemagne relève du mythe, entre trafic, travaux et portions limitées. Mon expérience m’indique au contraire que sur les près de 60% du réseau libéré, il est en effet parfaitement possible d’imprimer régulièrement la pédale de droite sur la moquette bouclée et qu’il est même conseillé au-delà des 200 de vérifier constamment ses rétroviseurs au cas où une Porsche plus véloce revendiquerait le passage. Mais si je dois de temps à autre me rabattre de la sorte, je n’en suis pas moins surpris par le faible nombre de ceux qui profitent de l’opportunité pour "gib Gas", la plupart d’entre eux évoluant à des allures à peine supérieures à notre limite nationale. Peut-être s’agit-il là d’une spécificité régionale, puisque je me suis laissé dire qu’on était plus pressé dans le sud du pays, sans doute parce que la mémoire collective des automobilistes y est moins imprégnée du souvenir de la conduite en Trabant ou Wartburg.

Sans compter que tout le monde n’est évidemment pas d’accord pour brûler du carburant liquide à haute vitesse, certains allant même jusqu’à se super-gluer la main sur l’asphalte au cours de manifs écolo, afin d’exiger l’instauration immédiate d’une limitation à 100 km/h sur l’ensemble du réseau autoroutier. Si leurs arguments sont connus entre respect de l’environnement et sécurité, je me demande néanmoins si le prix du litre de carburant ne constitue pas un frein -ou lever de pied- plus efficace que les arguments moralistes. Je me souviens ainsi avoir sérieusement réduit le rythme à bord d’une voiture de loc après avoir vérifié sa consommation instantanée en vitesse de pointe. Aux élus désireux de mettre leurs concitoyens au pas, je ne saurais d’ailleurs trop recommander de rendre obligatoire son affichage permanent sur les tableaux de bord, ou du moins que celui-ci constitue le mode défaut des ordinateurs de bord…

Ceci étant dit, je vois certains d’entre vous brûler d’impatience de me demander pourquoi je roule vite.

Les psys de services ne manqueront probablement pas d’évoquer une masculinité déficiente en besoin de compensation symbolique, auquel s’ajouterait un goût malsain de la transgression. Des arguments auxquels je n’ai pas grand-chose à répondre, si ce n’est s’agissant du premier que je suis trop occupé lorsque j’envoie du petit bois pour songer à vérifier de possibles modifications de mon anatomie intime. Surtout si tout revient "à la normale" à l’arrêt. Quant à braver les interdits, ce n’est pas vraiment mon genre que de jouer à cache-cache avec les représentants de la loi. A moins bien sûr, qu’irriter les âmes bien-pensantes ne rentre aussi dans cette catégorie…

Sur un mode supposément plus rationnel, je pourrais vous expliquer que ça me fait gagner du temps. Parce que contrairement à un modisme rhétorique qui s’est développé depuis quelques années sur la base d’une conception alternative des mathématiques, et selon lequel "on ne gagne pas de temps en roulant vite", ma Casio me rappelle qu’effectuer 500 kilomètres à 125 km/h de moyenne plutôt qu’à 100 permet de réduire le temps de trajet d’une heure (et notez bien que je n’ai pas ici fais allusion à des vitesses "scandaleuses"). Mais si j’apprécie de voir défiler les kilomètres en roulage "dynamique", je préfère y voir un bénéfice plutôt que d’en faire un objectif, ayant pour habitude de prendre en compte une grosse marge quand il me faut arriver à certaine heure. Et bien qu’adorant la conduite, je suis du genre à m’arrêter souvent entre désir de caféine et sommations vésicales, ces dernières n’étant pas sans rapport avec le premier.

A tout bien peser, je suis arrivé à conclusion que le rythme auquel j’évolue réside dans le besoin d’une conduite active. Ou pour le dire autrement, je roule vite pour être constamment occupé. Vérifier les rétros, mettre le cligno, déboiter, m’assurer que j’ai suffisamment d’espace pour revenir vers la droite, me rabattre, anticiper le prochain dépassement... autant de manœuvres -desquelles ont malheureusement disparu les changements de rapport- qui maintiennent l’intérêt de la conduite sur les axes rapides où j’ai tôt fait de m’ennuyer si je ne suis pas sollicité. Et si je n’irai pas jusqu’à clamer trop fort que rouler vite relève d´une forme de prudence (quoique…), je reste profondément convaincu qu’être affairé au volant impacte favorablement la qualité de la conduite. Voilà qui n’est d’ailleurs pas sans expliquer au moins partiellement le niveau de compétence de conducteurs allemands particulièrement disciplinés, habitués à fréquenter les mêmes routes sans se gêner, même avec de gros différentiels de vitesses.

En revanche, j’ai du mal à augmenter ma vitesse d’écriture, et il me faudra quoiqu’il en soit publier à 49 reprises avant d’atteindre la trois-centième, en admettant que vous me supportiez jusque-là. Et contrairement à ce que j’ai pu laisser penser dans les premières lignes de cette chronique, je pourrais bien en profiter pour vous faire une fois de plus le même coup. Surtout si parmi ceux qui me lisent chez Bugatti, Ferrari, Lambo, McLaren, Porsche et consort, Il s’en trouve pour estimer que je ne peux y parvenir sans avoir expérimenté au préalable les sensations qu’on ressent à 300 km/h…

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Réactions

Quand ca tape en Germany ça cogne ,me souviens d’une sortie d’Atobhan avec des morceaux de Porsche éparpillés digne du magasin de mon cher Manfred Fresinger ou l’on trouve tout.
Qu’est-ce que l’on s’e…..e sur nos autoroutes et dire que l’on a échappé au 110,autant mettre en PA et radio a donf avec Highway to hell

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