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23/05/2024 - #General Motors , #Ford , #Toyota

Cheval de Troy (ou d’ailleurs)

Par Jean-Philippe Thery

Cheval de Troy (ou d’ailleurs)
Ma" Stang sur Rodeo Drive…Ça le fait, non ?

Aujourd’hui, je vous emmène au galop dans une Amérique qui existe encore. Mais pour combien de temps ?

La première fois que j’ai eu affaire à une Mustang, c’était dans une concession Ford à Lyon.

Rien de bien excitant pourtant, puisque j’accompagnais mon père qui s’y était rendu pour y acquérir une Taunus 1.3L beige. Un modèle témoignant de son désintérêt total pour l’automobile, au design probablement inspiré d’un jeu de Tetris, que ne rattrapait pas une motorisation à quatre cylindres plus anémiques les uns que les autres, développant péniblement 55 chevaux de trait. Je garde le souvenir de l’intérieur marron qui exhala longtemps après sa livraison une odeur de plastique neuf pour le moins écœurante. C’était en 1979, alors que la version TC3 venait d’être mise sur le marché, reconnaissable à ses gros feux arrière striés qui constituaient l’élément le plus visible de l’évolution avec la TC2 antérieure. En attendant que mon le paternel signe la paperasse et pour tromper l’ennui d’une trop longue attente, j’étais allé voir le présentoir des catalogues dont j’avais extirpé l’un de ceux à ma portée, présentant la gamme du constructeur.

A l’intérieur, un encart central en papier ordinaire contrastant avec la quadrichromie du catalogue commémorait les 10 ans d’un film dont je compris qu’il avait fait grand succès, malgré le titre plutôt banal d’"un homme et une femme", tout en rendant hommage à une certaine Mustang qui y jouait les vedettes américaines et dont une nouvelle version venait d’être lancée. Je n’ai évidemment pas compris que le truc était quelque peu périmé, tout cela me causant d’autant moins que je ne retrouvai pas la voiture mentionnée au milieu des Fiesta, Capri ou Granada qui peuplaient alors les showrooms de la marque. Sans oublier les Taunus, évidemment. C’est qu’on a beau savoir lire quand on a 10 ans, une grande partie du monde vous paraît encore hermétique. Tout ce que je savais, c'est qu’on aurait bientôt une nouvelle voiture.

Je n’ai d’ailleurs pas non plus identifié la Mustang de deuxième génération à la télé alors que je suivais régulièrement les épisodes de "Drôles de dames" ou  "Charlie’s Angels" pour les amateurs de VO (Version Originale et non pas Véhicule d’Occasion), même si dans les années TF1, c’était VF obligatoire pour tout le monde. Jill Monroe (interprétée par la célèbre Farrah Fawcett) y conduisait pourtant une très voyante Mustang Cobra II blanche à bandes bleues, affublée d’appendices aérodynamiques à l’avant comme à l’arrière, d’une grille de calandre noire, de vitres latérales arrière à persiennes et d’une prise d’air sur capot n’alimentant pas grand-chose en dehors de l’égo de son conducteur, ou en l’occurrence sa conductrice. Quant à Jaclyn Smith qui incarnait Kelly Garrett, elle devait ma préférence à sa généreuse chevelure brune et son joli regard plutôt qu’à la finition Ghia de sa Mustang jaune pâle, qui faisait plus voiture de retraité que de jeune et jolie détective, avec son tiers de toit en vinyle noir et son porte bagage chromé sur la malle arrière.

De toutes façons, et quelle que fut sa finition, la deuxième itération du modèle était celle de la crise pétrolière, avec le 4 cylindres 2.3L Lima supposé économiser le carburant en entrée de gamme, alors que le V8 Windsor 4.3L chapeautant la gamme développait 140 chevaux, soit une puissance spécifique de 32 ch/litre nettement inférieure à celle de la Taunus paternelle qui en affichait 10 de plus. Alors on appuie sur la touche "Fast Forward" du magnétoscope jusqu’en 2013, en pleine période DVD. Dans les allées du supermarché Target de Sunset Bld, 5500 à Los Angeles, ma douce moitié -récemment promue au titre d’épouse- choisit plein de trucs qui ne rentreront pas dans la valise du retour, pendant que j’essaie de négocier au téléphone la location d’une GT 5.0 Convertible pour les deux jours suivants. L’affaire prend du temps, pendant que je consomme allègrement des minutes de roaming, mais finit par se conclure, et nous allons chercher l’auto le lendemain matin. Avec les 420 ch de son V8 5.0L Coyote – les accélérations ne déçoivent pas, même si vite interrompues par la crainte de voir apparaitre des lumières rouges flashant dans le rétroviseur. Et si l’engin n’a rien d’exotique lors de l’inévitable séance de cruising nocturne sur la partie où l’on frime d’Hollywood Boulevard, je m’en fiche éperdument : L’important, c’était de m’offrir mon petit moment d’Amérique à moi dans les rues même qu’arpentaient les trois angesses, loin d’imaginer quand je les regardais que je m’y rendrais un jour.

La GT de cinquième génération reste à ce jour la seule Mustang que j’ai conduite. Je lui dois donc d’avoir coché une jolie case sur la liste des trucs cliché à faire sur quatre roues en même temps qu’une immense frustration : Celle de n’avoir jamais réussi à rejoindre Mulholland Drive à son bord, par la faute d’un GPS qui n’a pas su m’y mener en raison de travaux dont il ignorait visiblement l’existence. J’aurais bien persévéré mais il se faisait tard, et Madame insistait pour retourner au motel. En période de rodage matrimonial, j’ai donc choisi la mort dans l’âme d’adhérer au précepte "happy wife, happy life" qu’on répète volontiers au pays des chevaux sauvages. Il n’en reste pas moins que j’ai eu bu le calice californien jusqu’à la lie, puisque je me suis retrouvé par hasard sur la route chère à David Lynch le lendemain, avec l’inintéressante Toyota Corolla blanche, choisie pour son coffre capable d’emmener jusqu’à l’aéroport la valise de Madame Thery avec ses trucs Target dedans.

Il n’en reste pas moins que je suis reparti des States avec mon carnet de -bonne- conduite dûment estampillé d’un petit cheval sauvage galopant vers l’Ouest pour conquérir le pays. Celui-là même dont j’avais compris l’importance depuis l’époque où j’usais mes fonds de culotte courte sur la banquette arrière d’une voiture qui n’avait pas vraiment le tonus. Il faut dire que rares sont les automobiles ayant créé leur propre segment, et que l’histoire de l’Amérique motorisée n’aurait sans doute pas été la même sans la première des "Pony Cars", baptisée en référence aux descendants revenus à l’état sauvage de ces équidés introduits en Amérique par les Conquistadores espagnols. Un nom sacrément bien trouvé d’ailleurs, avec un univers associé d’une incroyable richesse, dont on dit qu’il aurait été inspiré par son designer John Najjar, en référence au P51 Mustang, plus célèbre des avions de chasse américains de la Seconde Guerre Mondiale.

J’ai depuis aussi évidemment assisté -et plusieurs fois- à un homme et une femme. Je sais, je vous l’ai déjà raconté (dans Ménage à trois), mais impossible de ne pas évoquer à nouveau la Mustang à bord de laquelle Jean-Louis Trintignant -dans le rôle de Jean-Louis Duroc- parcoure la France de Monaco à Deauville pour retrouver celle qui en deux mots sur un télégramme vient de lui avouer ses sentiments. Un trajet interminable à imaginer ces retrouvailles dont on devine qu’elle lui filent le trac autant qu’il les désire, et puis au bout la plage et cette scène magnifique qui commence par des appels de phare et se termine par une étreinte passionnée. Portant encore les traces du rallye disputé les jours précédents par Jean-Louis entre salissures et numéro 184 sur les portières, après tant d’heures en sa compagnie, la Ford blanche s’est pourtant effacée pudiquement en arrière-plan, comme l’aurait fait le plus fidèle des compagnons.

Un fidèle compagnon, c’est sans aucun doute ce qu’aura été -et continue d’être- pour des millions d’Américains une voiture qui fête cette année ses soixante ans. Je vous avoue que cet anniversaire-là m’a causé un choc. Et je me dis que le temps est décidément un truc bizarre en me rappelant le petit bonhomme qui découvrait l’auto pour la première fois dans un prospectus, persuadé qu’elle était très ancienne puisque née avant lui, alors qu’elle n’avait que 15 ans et que 45 d’entre eux nous séparent de ce moment-là. Quoiqu’il en soit, je ne pouvais pas ne pas rendre à nouveau hommage à celle qui m’a replongé dans les photos de ma lune de miel. C’est tout de même fou le pourvoir évocateur de certaines automobiles, non ?
Ça ferait une bien jolie conclusion, mais je dois encore vous faire part de mon dernier « moment Mustang », le 14 septembre 2022, à l’occasion du « Stampede » désignant l’évènement de lancement de la sixième génération, auquel j’ai eu le privilège d’assister. Une vraie fête à l’américaine à l’occasion du Salon de Detroit, au pied (de nez ?) du Renaissance Center où siège General Motors. L’occasion de célébrer les valeurs traditionnelles des Pony Cars, symbolisées par le gadget aussi puéril que provocateur d’une clé de contact permettant de faire hennir le Mustang à distance en faisant monter le V8 dans les tours . Histoire sans doute, de faire oublier l’électrification galopante et les interrogations que ne parvenaient pas totalement à masquer la ferveur des applaudissements, puisque cette Mustang-là pourrait bien être la dernière représentante thermique de la lignée. Qui vivra verra si les aficionados pardonneront au prochain « Cheval de Troy » la traitrise du passage aux batteries s’il se produit vraiment.
Je sais, les Mustang sont depuis toujours produites dans l’usine de Flat Rock et non à Troy. Mais moins de 50 miles séparent les deux communes du Michigan, et Ford -qui y a également eu une usine- fait aussi partie de l’histoire de cette dernière.
Et puis, je n’allais tout de même pas laisser passer un titre pareil, non ?

Réactions

Cher Jean Philippe,

... Le catalogue retiré en concession Ford commémorant les 10 ans du film avait donc, fort probablement, déjà 3 ans d'édition (je crois bien l'avoir quelque part presque pour la même raison ) car 1979 - 10 ans = 1969 soit 3 ans après la sortie du film "Un homme et une femme" et sa consécration au festival de Cannes 1966 et dans les salles obscures ... On ne badine pas avec les "monuments" du cinéma ou "c'est peut être un détail pour vou mais çà veut dire beaucoup" (?).
;0)

() Désolé pour l'absence de S à vous ...
;0)

J’ai toujours préféré la Corvette, en particulier la ZR1.
Rabat-joie ?
Oui je sais

... C6 (touché coulé) du coup
;0)

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