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Chronique - 23/06/2022 - #Renault , #Alpine , #Ferrari , #Lancia , #Ford

Ménage à trois

Par Jean-Philippe Thery

Ménage à trois
Un homme, une Femme et une auto : Joli ménage à trois. (Crédit : Les Films 13)

Aujourd’hui, je vous parle d’un homme, d’une femme et d’une voiture. Mais aussi un peu de chacun de nous.

J’avais à peine plus de 10 ans que j’en ai entendu parler pour la première fois. Ou plutôt lu à son propos, puisque c’était sur un dépliant publicitaire de la gamme Ford 1979 attrapé sur un présentoir en concession, alors que mon père négociait l’acquisition de sa future Taunus. La nouvelle Mustang s’y affichait en carrosserie "GT Hatchback" dans un encart central, avec un texte faisant référence à Un homme et une femme, Palme d’Or à Cannes 13 ans plus tôt. Que la troisième génération de la célèbre "Pony car" ait bénéficié chez nous d’une telle promotion était pour le moins surprenant, puisque même si elle devait rencontrer un grand succès commercial dans son pays d’origine, celle-ci était quasi inexistante en Europe. Moi, du haut de mes trois pommes, je ne comprenais pas grand-chose à cette voiture, et encore moins à l’allusion cinématographique.

Trente ans plus tard, à l’arrivée des passagers de l’Aéroport de Copenhague. Dans l’attente de celle qui partage mes jours, je fais défiler machinalement les publications d’un réseau qui se dit social sur l’écran d’un téléphone intelligent, histoire de tromper l’ennui propre aux aérogares. La vision fugace d’un portrait me fait soudainement revenir sur le commentaire qui l’accompagne, confirmant un mauvais pressentiment : Jean-Louis Trintignant nous a quittés, à 91 ans. Mais si ma vue se trouble à la lecture de cette bien triste nouvelle, les images du film qui me reviennent en tête sont, elles, d’une grande netteté.

Bon sang qu’Anouk Aimée était belle devant la caméra de Claude Lelouch ! Et combien on comprend que Jean-Louis en soit tombé amoureux. Mais si comme nombre de ceux qui y ont assisté, je me suis forcément rêvé dans son rôle, c’est surtout de leur histoire dont je me suis épris, tant ces deux-là s’y appartenait. Jean-Louis Duroc et Anne Gauthier : des noms pour le moins communs pour deux êtres sortant de l’ordinaire. Lui, pilote automobile, elle, script-girl. Comme si Claude Lelouch avait voulu nous rappeler qu’au-delà de leurs professions inhabituelles, leur histoire était somme toute banale. Une histoire qui pourrait être la nôtre, ou la vôtre : celle d’un homme et d’une femme.

Le téléphone qui sonne interrompt la projection privée de mes rêveries. "Ça va prendre un peu de temps" m’annonce-t-elle, sa valise n’ayant pas suivi l’unique connexion de son vol. Du coup, mon imagination mélange un peu les pellicules : en guise de Paris-Deauville, la traversée de Rio de Copacabana à Tijuca, où je raccompagne celle dont je viens alors de faire la rencontre. Pour une fois, les embouteillages qui prolongent le moment sont les bienvenus. Je crois bien qu’il pleuvait et que les essuie-glaces balayaient le pare-brise, comme ceux de la voiture de Jean-Louis reconduisant Anne rue Lamarck, à Paris. Et comme dans sa voiture, il y a aussi ces premiers mots hésitants et des questions banales composant une conversation que je m’efforce pourtant de rendre intéressante. Et déjà -du moins je l’espérais- un tout début d’intimité qui se noue dans l’habitacle.

Voilà donc le troisième personnage du film. La Mustang, ou plutôt les Mustang. A commencer par la décapotable rouge du premier Deauville-Paris et des allers-retours qui suivront. Mais il y a aussi les blanches, salies par le mauvais temps et numérotées aux portières : la 145 avec laquelle il dispute la 36e édition d’un Rallye de Monte-Carlo particulièrement enneigé, et surtout la 184 dont il emprunte le volant afin de parcourir ce qui constitue sans doute la spéciale la plus longue de sa vie, traversant la France de nuit pour retrouver celle qui sur un télégramme, lui a avoué ses sentiments eux deux mots. On comprend combien ce voyage-là lui a semblé long, plus long encore que les heures passées à lutter contre le sommeil, à se jouer 100 fois la scène tant espérée des retrouvailles. Et qu’il ait dû pousser jusqu’à Deauville pour que celles-ci se produisent enfin nous vaut ce moment inoubliable sur les planches de la station balnéaire entre un homme, une femme et une voiture, sur fond de "chabadabada" composé par Francis Lai.

D’ailleurs, qui d’autre que Jean-Louis, neveu du célèbre Maurice Trintignant -premier français vainqueur d’un Grand-Prix de Formule 1- et lui-même pilote, aurait-il été plus crédible dans le rôle de… Jean-Louis ? Même lors de cette drôle de journée filmée à Montlhéry, lorsqu’il essaie tour à tour des voitures aussi différentes qu’une GT40, la Mustang de rallye et une Brabham BT6 de Formule 3. Quant aux images du Rallye, elles sont on ne peut plus authentiques puisque filmées lors de l’épreuve à laquelle Jean-Louis Trintignant fut véritablement engagé au côté d'Henri Chemin, ce qui nous vaut de voir entre autres les Austin Mini de Timo Makinen, Lancia Fulvia de Sandro Munari et Renault 8 Gordini de Jean-Louis Vinatier, lors d’une séquence qui tourne presque au documentaire.

Les amateurs de sport automobile dont je suis ne peuvent également qu’apprécier les extraits du Mans 1964 voyant défiler les Alpine M63, Ferrari 250 et 275 LM, Ford GT 40 ou Shelby Cobra, ainsi qu’un certain nombre de pilotes de l’époque. Mais pour ce qui est de l’histoire d’Anne et Jean-Louis, permettez que je garde ma préférence pour les scènes tournées sur route ouverte. Quand il n’est pas seul à bord, roulant à des vitesses qu’on ne devine pas toujours très raisonnable, c’est à un rythme presque nonchalant qu’il l’emmène. C’est alors à une espèce de ménage à trois qu’on assiste, dont ils partagent la vedette avec cette voiture sans laquelle rien n’aurait été possible.

Ce que j’aime aussi dans ce film, c’est cette façon qu’a Lelouch de nous rappeler que l’automobile -dont on le sait lui aussi grand amateur- nous transporte parfois au-delà des kilomètres. Peut-être parce qu’en compagnie de la passagère de Rio, je viens de traverser la Croatie et l’Allemagne -de Berlin à Paris- en conduisant. Et qu’arrivé à destination, je regrette déjà les heures passées à bord, à découvrir de nouveaux paysages, s’arrêter au gré des envies -les siennes surtout- conduire seul parfois, quand elle s’endormait, et se disputer aussi un peu.

Je n’ai pu m’empêcher de revoir hier Un homme et une femme. Pour écrire cette chronique, mais peut-être aussi pour m’assurer que la magie du film n’avait pas disparu avec Jean-Louis Trintignant. J’avais tort de m’inquiéter : les histoires d’amour et de voitures sont éternelles.

Les grands acteurs aussi.

Réactions

Toutes les scènes sont cultes,le plain d’essence dans la nuit,les chasseurs éclaboussés avec là Mustang etc etc,j’attends avec impatience la version 5 et le VE qui s’arrête partout pour recharger qui loupe l’arrivée du train etc etc
Chabadàet merci au Star racing team ou nous avons passé des bons moments,RIP
Merci pour vos chroniques

Quand j'ai appris la mort de Jean-Louis Trintignant, je me suis dit que ça serait formidable si Jean-Philippe faisait un papier à ce sujet.
Mille mercis Jean-Philippe.

Oui Alain ... pour les scènes cultes ...elles sont nombreuses... quelle fulgurance géniale a pu guider Claude Lelouch en 66 pour en faire ce morceau d'anthologie cinematographique . .. La voix off si particulière de Gerard Sire (que l'on retrouvera dans d'autres films de Lelouch), les chansons de Pierre Barough, ce thème de la remontée de Monaco à Paris après le "telegramme" et même Deauville, finalement ...
Ce film n'a quasiment pas vieilli, la toile de Jouy existe encore au Normandie, c'est bien la preuve ...Jusqu'a l'affiche du Film si contemporaine dans son traitement !
Merci à Claude Lelouch et Jean Louis Trintignant, notamment pour ce film si exceptionnel car installé dans l'imaginaire de plein de gens.
"all over the world".

Le talent n’a pas de rides t que dire du court métrage un rendez vous du même Lelouch…..un Siècle nous sépare de cet ancien monde,maudits Boomers)))

Maudits boomers ?
C'est pas la vôtre de génération, des fois, cher Alain (et accessoirement un peu la mienne) ...Au passage Claude Lelouch n'en est pas très loin ...

Sans doute une lecture de l'ouvrage de François de Closets mal digérée peut être...étonnamment je préférais nettement lorsqu'il écrivait "toujours plus" et çà date pas d'hier ! Demandez donc à la patronne de l'IFRAP on en est toujours au même point ou peu s'en faut ...!
Y avait déjà l'autre conseiller de Macron, patron de la ffsa (pas les bagnoles...les assurances ) qui avait enfourché gailllardement ce thème portant " l'anathème " sur une génération... A l'affût, le "grand" économiste Francois Lenglet s'y était essayé aussi ...Brave petit gars !

Continuons donc dans l'opposition et la conflictualité avec les "jouisseurs" vs " les zautres ... les jeunes vs les vieux, les pauvres vs les riches, les femmes vs les hommes, les minorités vs les autres ...assurément c'est comme çà que l'on va rétablir un peu de quiétude dans notre beau pays ...


Sinon ... encore une fois chabadabada ...Jean Philippe a bigrement raison sur la partie documentaire du film ...Pour les fans de rallyes et de courses, une mine rappelant toute une époque avec les pneus sur le toit ou le phare directionnel et les assistances improvisées dans les stations ... VInatier, Piot, Munari, Elford ... Bon, j'arrête !

Une mention spéciale pour Henri Chemin qui avait su voir du temps de son intervention pour Ford France tout le parti qu'il pouvait tiré d'une publicité indirecte. ..
La Mustang est à " un homme et une femme" ce que la DB5 est à James Bond, si j'ose dire.
;0)

Merci M Chemin et à Marie Laurent )))

Cher Druide c’est une 190 SL sur la photo du haut?
Quel film?

...Et bien pour la 190 SL "chuis" pas sur du tout... je pencherai pour un cabriolet 280 SE (les ailes .. le tdb, le retour des deflecteurs )
Le pb c'est que je ne me souviens pas de Jean Louis Trintignant dans une mercedes ..a fortiori dans un film de Lelouch ...côté cabrio je me souviens de Belmondo avec Girardot dans "un homme qui me plait" mais l'auto etait une americaine c'est certain peut être (?) Une Ford Mercury ou ce genre...
;0)

Oui en effet une 280/SL mais quel film puisque le crédit est au film 13 donc la boîte à Lelouch.
La silhouette paraît être Jlt et Anouk

Cher Alain ... De fait, Lelouch a eu une 280 SL (ex Gerard Sire) précisément au moment d' "un homme et une femme' ...
Dans le film, je ne vois pas de séquence semblable mais me trompe je ? ... S'agit il d'une photo prise en repérage préfigurant une scène du film par Lelouch ... (?)
C'est vraisemblable ...
;0)

En revanche dans "c'était un RDV" c'est une 450 SEL 6.9 qu'il avait utilisé. La suspension hydro pneumatique permettant une image plus "stable".
;0)
PS : vous remarquerez dans le film que la mer montait à 20m des planches à marée haute. maintenant c'est à 500m..

Dans un homme une femme pour le PS bien sûr..
;0)

... Une 450 SEL 6.9 ...oui en plus si çà devait taper y avait un atout concurrentiel évident pour le crash test, comme dirait l'autre ...
Mais c'est juste parce qu'il y avait la suspension hydro machin et que le bouzin tapait un bon 230 les bonnes années avec des accélérations de gti voire même un peu mieux ...

... Maintenant c'est à 500 m ...
En êtes vous bien sûr Lucos ?

Sacré Lucos toujours Aussi …..con

Oui ADRX, allez sur le poste de Deauville, faut marcher 5 min pour atteindre l'eau. J'ai rencontré le maire de Deauville lors d'un repas à l'occasion d'un départ d'une étape de la Figaro et il soutient que tout cet apport de sable depuis 50 ans est naturel...
Personne n'en est convaincu, ya qu'à compare les images..
;0)

Boise,
à part les insultes gratuites vous savez faire quoi ?
;0(

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