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31/10/2024 - #Renault , #Peugeot

Délit de SUV gueule

Par Jean-Philippe Thery

Délit de SUV gueule
Renault Captur, la voiture de meurtriers présumés ? (Crédit : Renault)

Aujourd’hui, je vous parle de l’instrumentalisation d’un drame. Et ce n’est pas joli-joli…

Ce qui s’est produit le 15 octobre dernier à Paris n’avait clairement rien d’un accident.

Ce jour-là, c’est sur la piste cyclable menant chez lui que Paul a été tué par un automobiliste qui l’avait emprunté pour échapper au trafic. Une tragédie qui n’avait rien de fortuit, puisque le conducteur a délibérément renversé le cycliste de 27 ans après qu’une altercation soit survenue entre les deux hommes. C’est donc de meurtre dont il est question, motif pour lequel l’auteur des faits a été mis en examen, et qui se définit comme un homicide volontaire sans préméditation. Pour précise qu’elle soit, la froide terminologie juridique est pourtant impuissante à traduire l’horreur d’un acte qui dépasse l’entendement. Parce que rien, absolument rien ne justifie d’ôter une vie pour une simple dispute, ni même de la risquer.

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 221 cyclistes ont perdu la vie sur les routes françaises en 2023. Aucun d’entre eux n’a cependant été la victime d’une action délibérée semblable à celle qui a ôté la vie à Paul. Et si un crime aussi atroce avait eu lieu dans les années précédentes, nul doute que les médias s’en seraient faits à nouveau l’écho. L’incroyable sauvagerie dont Paul a été l’objet reste donc un évènement extraordinaire au sens premier du terme, lequel a légitimement suscité une forte émotion qui s’est manifestée autant sur les réseaux sociaux qu’à l’occasion des nombreux rassemblements qui ont rendu hommage au jeune homme.

Mais malheureusement, il me faut aussi évoquer un autre type de réactions.

Si vous ignorez que le suspect mis en examen conduisait un SUV, c’est que vous avez passé les deux dernières semaines dans une caverne. Cette information apparemment indispensable a en effet été relayée avec une telle insistance que l’acronyme désignant ce type de véhicule a probablement été mentionné trois à quatre fois plus que le nom de la victime. Ce qui signifie que celui ou celle à l’origine de sa divulgation a jugé essentiel de la porter à la connaissance de tous, sur le mode "j´dis ça j´dis rien" devenu récurrent en ligne de la part de certains internautes prompts à semer la zizanie sans en assumer la responsabilité. Evidemment, cette "révélation" n’était pas sans intention, et ce qui devait arriver s’est inévitablement produit.

Le propre des idéologues, c’est la constance avec laquelle ils poussent inlassablement la même chansonnette, quels que soient les évènements qu’ils détournent à l’appui de leur démonstration. Qu’il s’agisse du Covid, du réchauffement climatique ou de n’importe quelle crise financière, les marxistes expliqueront obstinément qu’ils sont les conséquences de la lutte des classes, les nationalistes pointeront un doigt accusateur sur l’"Europe", l’OTAN ou toute autre organisation internationale, alors que les fanatiques religieux ne manqueront pas d’y voir autant de preuves irréfutables de ce que Dieu châtie les mécréants. Pour ceux-là, la compréhension des faits consiste en un remodelage de la réalité, afin de les conformer à leur système de pensée.

Et de ce point de vue, la "SUVophobie" érigée en véritable école de pensée depuis plusieurs années n’échappe pas à la règle, les membres de cette nouvelle confession refusant obstinément d’admettre que la catégorie a depuis longtemps abandonné toute filiation avec les 4x4 dont ils sont issus, ou de consulter les statistiques commerciales permettant de vérifier que la majorité des modèles de la catégorie vendus en France sont de petites voitures (Renault Captur et Peugeot 2008 pour les plus populaires d’entre eux). Et bien sûr, il ne viendra à l’esprit d’aucun d’entre eux de questionner l’étrange idée selon laquelle près de la moitié des acheteurs de voitures neuves opteraient pour un véhicule gourmand en carburant, dont on sait à quel prix il est facturé. En cohérence avec eux-mêmes, ils ignorent donc aveuglément ce qui pourrait mettre à mal le dogme des "énormes véhicules polluants" qui constitue l’épine dorsale leur mantra.

Les publications de l’un de ces jusqu'au-boutiste reviennent très régulièrement sur le mural d’un de ces réseaux sociaux que je fréquente trop souvent, même si nous ne sommes pas connectés. Partisan acharné du vélo qu’il appelle de ses vœux à devenir l’unique moyen de transport urbain et auteur d’un ouvrage sur le sujet, celui-ci ne promeut pas tant la petite reine pour les bénéfices qu’elle procure à son utilisateur mais plutôt comme l’instrument qui permettra à terme de mettre l’automobile hors les murs de la cité. Une bagnole à l’égard de laquelle il ne perd jamais l’occasion d’exprimer son profond mépris, surtout si elle appartient à une certaine catégorie. Face à leur caractère souvent outrancier, j’avoue qu’il m’est arrivé de commenter certains de ses posts par un trait d’humour, ce qui lui a permis en guise de réponse de me désigner comme représentant des lobbies de l’automobile et du pétrole réunis, moyen commode d’éviter de répondre aux arguments . Des échanges qui m’amusaient plutôt jusqu’à une date récente, à partir de laquelle notre homme est passé des sophismes caricaturaux et autres arguties fallacieuses à l’indécence de la récupération.

Prenant prétexte du drame qui s’est joué le 15 octobre, celui-ci a en effet redoublé le rythme de ses publications pour pousser plus avant ses thèses, comme lorsqu’il explique à son propos que "nos enfants évoluent dans un monde de requins, de tueurs en puissance, dont la société ne les protège pas assez. Ce meurtre n’est pas un “fou isolé” mais il s’inscrit dans une tension croissante entre usagers, due au fait que les aménagements ne sont plus adaptés". Je vous épargnerai d’autres extraits similaires d’une abondante littérature tout aussi subtile, qui présente de la circulation en ville une vision aussi dystopique que distordue, visant à présenter tous les automobilistes sans exception comme des assassins en puissance, et les cyclistes comme proies potentielles. Des publications ponctuées de hashtags tels que #JeSuisPaul, #MeTooVelo ou #HaineDesCyclistes où l’accident de la circulation réel ou potentiel est systématiquement requalifié en meurtre, sans autre forme de procès.

Un dérapage incontrôlé dans l’instrumentalisation qui se poursuit quand celui qui affirme que "Nous bouillons de colère car nous connaissons tous cette violence, nous sommes tous Paul" explique également que "cet incident gravissime a redémarré la révolution du vélo à Paris qui menaçait de se calmer depuis la tentative du gouvernement de geler le budget du plan vélo". Des propos qui mettent pour le moins mal à l’aise quand leur auteur semble transformer en effet d’aubaine ce qu’il qualifie lui-même d’"incident", allant même jusqu’à affirmer que "Paul n’est pas mort pour rien". A ce stade, la récupération est totalement assumée, le drame qui en est l’objet s’inscrivant dans la rhétorique de la guerre permanente à laquelle se livreraient selon lui cyclistes et automobilistes. Or, ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que par son discours belliqueux à l’égard de ces derniers, il constitue à n’en pas douter le premier des promoteurs du conflit supposé. Quant à sa vision de ce qu’il qualifie d’"aménagements adaptés", on comprend aisément qu’il consistent dans le monde idéal qui est le sien à réserver la voirie à l’usage unique des deux roues.

Mais les politiques ne sont pas en reste dans le délicat exercice de la récupération, à commencer par Ian Brossat, sénateur communiste et conseiller de Paris, qui revenant sur la mort du cycliste à l’occasion d’une interview radiophonique a considéré que "la responsabilité est exclusivement celle du criminel […] Et en l'occurrence le criminel conduisait un SUV", ajoutant encore que "Les faits sont là, et à un moment donné quand on est confronté à ces faits, quand ces faits se multiplient, on lève les tabous et on en tire un certain nombre de conséquences". Et de préciser ultérieurement qu’il s’agit ni plus ni moins d’interdire à terme l’accès de la capitale aux SUV, dont les conducteurs se voient donc là encore soupçonnés par anticipation dans une espèce de déclinaison franchouillarde d’un scénario à la "Minority Report". Faut-il s’étonner dans ces conditions, qu’un certain nombre d’internautes ne se soient pas privés de rappeler à Monsieur Brossat que l’idéologie dont il se réclame pourrait elle aussi être proscrite puisque responsable de quelques dizaines de millions de morts ? Je laisse au lecteur le soin d’estimer si ces commentaires-là relèvent de l’amalgame ou d’une nouvelle version de l’arroseur arrosé…

Sans doute inquiète de se trouver en reste, Anne Hidalgo s’est empressée de renchérir en proposant ni plus ni moins de renommer un lieu de Paris du nom de Paul. Une décision qui si elle est mise en œuvre, pose la question de savoir si elle devra s’appliquer dans le futur aux cyclistes accidentés, aux victimes d’homicide ou aux deux et lesquelles des 6.000 rues de la capitale seront concernées. Ou comment ériger la victime d’un crime odieux en martyr, dont on rappelle qu’il se définit comme "une personne qui meurt ou qui souffre pour une cause", pour mieux porter l’opprobre sur ceux qui sont une fois encore implicitement désignés comme criminels en puissance.

Alors soyons clair : même militant convaincu de la cause cycliste, Paul n’est pas mort au combat, mais en raison de la folie d’un homme qui ne représente que lui-même. Sa réaction, parfaitement légitime face à celui qui n’aurait jamais dû se trouver où il était et qui lui avait roulé sur le pied, aurait pu être la mienne ou la vôtre si nous avions dû faire face à de pareilles circonstances, sans qu’il puisse malheureusement imaginer un seul instant qu’elle lui serait fatale. C’est pourquoi je dénonce catégoriquement le "délit de SUV gueule" qu’une minorité agissante essaye de constituer en règle, et dont nous savons pertinemment que ses promoteurs l’appliquerait volontiers à tout conducteur d’un véhicule motorisé.

Face au drame tragique qui a coûté la vie d’un homme, c’est la décence qui devrait l’emporter.

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Réactions

Pas facile la cohabitation,à la différence de nos voisins qui me paraissent plus cool,combien de fois je me suis retrouvé à tourner à droite alors que je voulais aller tt droit emporté par un PL ou Bus qui lui tournait (((
C’est 100% victime garanti en vélo,les bleus pour les cyclistes et les bosses pour les caisses,alors c’est chaud bouillant et attention aux nerfs de bœuf planqué sous le siège quand ça dérape.
Même en Bus ça dérape ,voir l’écrasement du gus par le chauffeur excédé par les bouchons des quais sous les yeux de ses passagers ….grave et pas en SUV
Maintenant en 2 roues il y a une nouvelle race de sprinters livreurs persuadés d’être dans un contre la montre….à faire peur aussi.
Bientôt tt les SUV seront électrifiés donc silencieux peut-être cela calmera t’il le Yan

Oui . . effectivement, la circulation automobile en zone urbaine dans les grandes métropoles est devenue un exercice difficile (j'ose pas dire un sport extrême au regard de l'ambiance. ..).

Et oui ..."On" ne peut que regretter (doublement) le comportement hallucinant de cet automobiliste quelque peu vrillé ...
Évidemment dans sa dimension tragique qui a ôté la vie à un jeune homme (l'âge ne fait rien à l'affaire), ensuite et à un degré différent pour le désordre social qu'il suscite ... Sans atténuer aucunement la violence de ce qui devient un meurtre (...) le fait qu'il fût militant du "vélo en ville" n'est pourtant pas étranger dans la survenance du drame ...Sans atténuer comme dirait l'autre la barbarie du "geste" Il y a, là, me semble-t-il en tous cas, la rencontre de deux individualités très particulières dans la survenance du drame . .. Celle d'un type manifestement exaspéré et probablement ayant franchi le rubicon des limites "civiles" de la vie en société et celle d'un militant qui a pour obsession de "chasser la bagnole" du milieu urbain (et peut être du paysage tout court ?). Sans la juxtaposition de ces deux histoires à un instant T il est vraisemblable qu'il n'y ait pas d'enchaînement dramatique ...
D'ailleurs le comportement de l'automobiliste "dingue" me rappelle le scénario d'un film des années 90 : "Chute libre" réalisé par un certain Schumacher ... Ce film décrit la progressive descente aux enfers d'un "Monsieur tout le monde" interprété par Michael Douglas en proie à différentes frustrations qui devient peu à peu lors du déroulement du film une sorte "d'exterminateur" ... Rien ne laisse présager chez ce personnage armé au départ d'un simple paire de lunettes cerclées de métal, d'une chemise blanche et d'une cravate au noeud impeccable qu'il deviendra une sorte de monstre, par la suite ...
J'en reviens au sujet de la chronique ...
Passons sur "l'effet d'aubaine" saisi opportunément par les mouvances écologistes de tous poils . ..ils y ont vu une occasion sans égale de transformer "un cas" en mouvement sociétal . ..
Donc, Sus aux conducteurs de SUV,, monstres sanguinaires par "essence" et plus largement sus aux automobilistes "petites vipères lubriques du capitalisme décadent" ...Nous sommes là dans le jeu de rôles convenus de notre époque opaque ....
Plus inquiétant, au delà de ces boucliers levés vers le conducteur de SUV et, plus largement, de bagnole . .ce sont les signaux faibles qui se "concatainent" ces derniers mois ...
il y a, bien sûr, les expéditions punitives, au milieu de "paisibles" (ou pas) bourgades, qui s'exercent sur les bagnoles (déprédations multiples dont l'incontournable, au mieux, dégonflage de pneus quand ce n'est pas la lacération pure et simple ), il y a "le jeter de projectiles divers et variés" du haut des ponts autoroutiers qui se vulgarise jusqu'au mortel accident survenu en Bretagne, ces derniers jours, sur une voie rapide . .. il y a cette tendance qu'ont, ces derniers mois, les sites (garage, concessions .. ) à prendre feu sans qu'ils se situent nécessairement dans quelques territoires en "rébellion" ou qu'ils ne s'agissent d"incendies d'origine crapuleuse ...
Chaude ambiance, pour le moins, voyons la suite (?).

Et si on interdisait directement les meurtres ?
;0)

Cet automobiliste était un multirécidiviste,quand aux suv en ville ça passe de moins en moins

...il a diablement raison Luc !
Ajoutons la guerre, "la pluie çà mouille, les catastrophes naturelles, le changement climatique....la liste va être longue ..!
;0)

Merci Mr Thery. J'ai aussi été outré par se déferlement de haine SUViste. Car oui le mot SUV est quasi plus présent que le nom du malheureux.
Il y a 15 ans, cela aurrait été un monospace, mais on ne l'aurait pas preciser..
Bizarre d'ailleurs qu'on n eprecise pas la honteuse marque de ce SUV...
Comme si le crime odieux était avant tout dû au fait que ce soit un SUV... alors qu'il s'agit essentiellement de l'état mentalement abruti de son chauffeur. Une simple segment B aurait conduit au même drame.

Peut-être la première chronique si triste de Jean-Philippe.
Pendant que l'un de mes fils pratique le parapente, la moto, la varappe et, quotidiennement, l'hélico, l'autre fait 15.000 km à vélo chaque année. Oui, quinze mille !
Quelquefois (souvent) j'ai la trouille de recevoir un coup de fil de la gendarmerie...

Il faut peut être regarder l’attitude des suvistes envers les deux roues,il y a Peut etre de la haine entre les 2.
Les gros SUV avec carreaux brûlés sont …..impressionnants même pour les piétons,il y a une sorte d’aura voire le côté intouchable des chauffeurs et comme il n’y a plus de présence policière sur la route …..que des caméras ( hors villes tenues par les Grunnens)

Un hasard ?
... Est il démagogue de convenir que les conducteurs (sans distinction de genre) de "gros SUV" (quel que soit le mode de traction) ont souvent un comportement quelque peu arrogant à l'égard des autres usagers de la voirie ? ... "Chuis " pas sûr !
;0)

Moi non plus "chuis" pas sûr, d'autant que maintenant presque 50% des "gens" achètent des SUV ce qui voudrait dire que 50% des gens sont méchants (comme dirait Fernand).

Quand je pense que ma petite bagnole de 3,71 m et 129 ch est un SUV, quelle horreur ! Mais je n'ai pas eu besoin d'en acquérir un pour être méchant, je l'étais déjà bien avant. Mon prof de latin en 4ème avait convoqué ma chère mère pour lui dire que j'étais LE diable, c'est dire. Il avait raison le bougre.

Comme disait Ravaillac : "C'est pas moi ! C'est mon couteau qui est dangereux... !"
;0)

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