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Analyse - 05/11/2020 - #Renault , #Volkswagen , #Ferrari , #Lamborghini , #Porsche

Crétinerie en grande échelle

Par Jean-Philippe Thery

Crétinerie en grande échelle
Touche pas à mes p’tites voitures

S’en prendre aux petites voitures des gosses, c’est vraiment moche. Surtout au nom d’un sujet aussi sérieux que l’environnement.

Ce fut l’un des plus beaux jours de ma vie. J’avais 10 ans, et c’était à l’usine.
Très exactement au 110 de la rue du Companet à Rillieux la Pape, dans la banlieue nord de Lyon. C’est là que naissaient les Majorette, ces petites auto au 1/64e qu’on trouvait sur un présentoir tournant jaune et rouge, dans les magasins de jouet et bureaux de tabac où elles étaient vendues sous blister plastique transparent. Ce jour-là, mon père m’avait emmené à l’opération portes ouvertes qui y était organisée.

Je me souviens de l’atelier de fonderie et des 410° auxquels se liquéfie le Zamac, cet alliage de Zinc, Aluminium, Magnésium et Cuivre dont on fait les carrosseries des voitures miniatures. Je vois encore la cabine de peinture où celles-ci entraient pendues par un fil de fer à un convoyeur, et dont elles ressortaient du côté opposé, couvertes de couleurs joyeuses.

Je me souviens également de l’atelier de tampographie où des mains habiles et plutôt féminines positionnaient sur un gabarit celles ou ceux (les camions) qui recevaient une décoration colorée. Il y avait encore cette étonnante machine qui tremblait fort, pour détacher les pièces injectées en plastique de leur "carotte" de moulage, ou le bureau d’étude et ses tables à dessin inclinées, sur lesquelles s’affichaient les plans techniques en grand format de futures réalisations.

De cette visite, je suis revenu avec de beaux souvenirs plein la tête, et une petite Renault 5 noire aux lettrages dorés commémoratifs, généreusement offerte aux enfants participant à la visite. L’enchantement se poursuivit d’ailleurs au-delà, jusqu’à la boutique située en fin de parcours, dont je ressorti avec un pack constitué d’un camion porte-voitures, et de quoi le charger 3 ou 4 fois.

Je n’avais jamais reçu autant de petites autos en même temps de ma vie, et il me fallut attendre l’âge adulte et les excès commis en boutiques spécialisées pour qu’une telle fête se reproduise. Mais rien ne remplace l’immense bonheur d’un môme les mains chargées de trésors à petite échelle, promesse de longues heures de jeux sur un linoleum transformé pour la circonstance en réseau routier ou circuit de vitesse. Et avant que vous me posiez la question qui vous brûle les lèvres : non, je n’ai malheureusement rien gardé.

Evidemment mon histoire avec Majorette ne se résume pas à cette seule journée, puisque les productions de la marque Rilliarde (ainsi dit-on à Rillieux) ont accompagné l’enfance de tous les gosses de ma génération. De toutes celles que j’ai possédées, j’évoquerai le Combi-Volkswagen-ambulance-militaire offert par une maman aimante pour consoler son petit garçon atteint de la varicelle, motif d’une bagarre mémorable au retour à l’école pour avoir été caillassé par des camarades de classe jaloux.

Je citerai encore la Porsche 924 victime de mes premières tentatives de maquettiste, quand je la couvris grossièrement d’un couche de peinture noir Humbrol au pinceau, non sans avoir maladroitement débordé sur la lunette arrière.

Par rapport aux miniatures des marques concurrentes, les Majorette disposaient d’un USP (Unique Selling Point) sous la forme d’une suspension certes primitive, mais qui faisait illusion. En revanche, elles ne faisaient pas le poids face aux Matchbox dans les courses en descente par gravité, organisées dans les cours d’école parfaitement asphaltées, précisément parce qu’elles étaient plus légères que les petites anglaises.

A l’époque, j’étais loin de me douter que les Majorette étaient également fabriquées à Manaus et Rio de Janeiro, comme elles le furent plus tard en Thaïlande. Mais la petite roue étoilée standardisée qui équipait tous les modèles de la marque a depuis tourné, et il y a longtemps que ceux-ci ne sortent plus ni des usines brésiliennes, ni de celle de Rillieux.

Ironie du sort, ce sont maintenant des automobiles à l’échelle 1 qu’on trouve à l’adresse de l’ancien site de production lyonnais, où s’est installée un établissement de "Renault Retail Group" (en français dans le texte). Je me demande d’ailleurs combien des clients fréquentant l’endroit ont eu l’opportunité de visiter l’usine aux petites autos dans les années 80, ou tout simplement s’ils savent qu’elle en occupait l’emplacement.

Si vous avez sorti un Kleenex à l’évocation des tendres années durant lesquelles vous construisiez des autoroutes imaginaires sur le parquet du salon, préparez-vous à utiliser la boite entière à la lecture de ce qui va suivre. Autant vous le dire tout de suite, il y a de quoi être effondré(e). Parce que figurez-vous que sans le savoir, vous avez vécu ces années-là dans l’erreur.

C’est du moins ce que nous suggèrent les auteurs d’un article publié sur le site "Détours" de Canal+ (que je ne saurais guère vous conseiller d’emprunter) intitulé "Ecologie : faut-il interdire aux enfants de jouer avec des petites voitures ?", courageusement signé par "la rédaction". A ces téméraires anonymes, je rappellerais volontiers qu’au pluriel, c’est l’article indéfini "de" qu’on associe à un adjectif épithète situé devant le substantif auquel il se réfère, si le contenu du texte lui correspondant n’était beaucoup plus consternant que la syntaxe de son titre.

Si l’en-tête fait d’ailleurs volontiers croire à une publication du Gorafi, le sous-titre ne laisse aucun doute sur le niveau de ce qui va suivre, puisqu’on y apprend qu’"en prévision du monde post-moteur thermique qui arrive, les jouets pourraient avoir un rôle plus important que prévu". Et le reste est à l’avenant. Il y est ainsi suggéré de compléter la charte établie entre les fabricants de jouets et le gouvernement en 2019 en vue de lutter contre les stéréotypes de genre afin de "promouvoir auprès des enfants des mobilités plus douces et respectueuses de l’environnement".

S’ensuit une attaque surprenante contre le "Vroooom" imitant le bruit d’un moteur thermique, onomatopée infantile mais faussement innocente, puisque semble-t-il révélatrice de la perception carbonée qu’ont nos chères petites têtes blondes de la mobilité. Passons sur l’usage de l’anglicisme auquel j’ai préféré un "Vroum" bien de chez nous, pour s’attarder sur la critique aux représentations de "la grosse bagnole, nerveuse, souvent de course, parfois présentée tout cylindres dehors" que des parents sans doute inconscients mettent entre les mains de leur progéniture. A cette nouvelle agression grammaticale visant cette fois les pronoms déterminants, s’ajoute l’impéritie mécanique que notre dénonciateur masqué étale sans complexe, contrairement au moteur à combustion interne qui cache pudiquement ses organes mécaniques, cylindres compris.

Si vous n’avez pas encore les yeux qui saignent à lecture de cette logorrhée, attendez donc d’arriver à la conclusion ! Nos sauveurs de l’humanité semblent dans un premier temps s’y retenir en admettant qu’il serait "abrupt d’interdire les ventes de voitures thermiques miniatures en prévision de l’interdiction des vraies voitures thermiques" -ouf, on l’a échappée belle- avant de se lâcher en recommandant de "proposer aux enfants une alternative dans laquelle fonder un imaginaire. Et préparer ces futurs conducteurs au monde post-thermique qui arrive".

En ce qui me concerne, s’est ajoutée à l’hémorragie oculaire la "béantitude" buccale de celui qui se demande si ce qu’il vient de lire a bien été écrit par quelqu’un. Mais la réflexion ayant succédé à l’effarement, j’ai fini par trouver une forme de logique à cette étonnante littérature, avec le sentiment que consciemment ou non, ceux qui ont commis ce texte ont senti le danger, et que ce n’est donc pas par hasard s’ils s’en prennent aussi violemment à de pauvres petits objets qui n’ont a priori rien fait à personne.

De façon spontanée, les enfants aiment les voitures. Sans doute parce qu’ils en perçoivent la dimension magique que la plupart des adulte semble avoir totalement oubliée. Pensez-donc : un objet de métal, de plastique et de verre qui se meut (presque) tout seul, sous l’impulsion d’une mécanique transformant un fluide en énergie ! Et je ne peux que leur donner raison : il est tout de même dommage que certains "grands" soient blasés au point de mépriser la machine qui nous leur a pourtant permis d’accomplir l’un des rêves séculaires de notre espèce : s’affranchir de la traction animale. 

C’est à cette fascination bien compréhensible du petit d’homme pour les objets roulants que semblent donc vouloir s’attaquer une partie de ceux qui, pour une raison que j’ignore, ont décidé de détester l’automobile.

Sans doute parce qu’une miniature constitue le plus souvent une façon de s’approprier un réel inaccessible, y compris pour des adultes. Voilà qui explique pourquoi les Aston-Martin, Ferrari, Lamborghini et autre Porsche fréquentent en plus grand nombre les vitrines et coffres à jouets dans leur version rétrécie pour les gosses (petits et grands), que les garages en sous-sol des beaux quartiers. C’est donc bien ce réel qui est visé au travers de ses représentations.

Tiens, juste comme ça, imaginons que la recommandation des auteurs de l’article soit mise en œuvre. Il suffirait d’établir à destination des fabricants de miniatures la liste des modèles recommandés et ceux qu’il convient d’éviter. Exit donc les 4x4, sportives et autres "grossières cylindrées" au profit de petites urbaines "branchées". Et nul doute qu’à l’occasion d’une actualisation, c’est aux modèles "autorisés" qu’il serait fait allusion. Ça vous paraît loufoque ? Remplacez donc les petites autos par des livres.

Rappelons d’ailleurs que selon Monsieur Larrousse-en-ligne, le totalitarisme se définit comme "un système politique dans lequel l'État, au nom d'une idéologie, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles". Je sais, je dramatise. Et pour tout vous dire, je ne crois pas un seul instant que la prochaine dictature démarrera par les sanglots de gamins à qui on arracherait leurs Majorette ou Matchbox préférées.

Mais je ne me dis pas moins que s’inventer sa petite dictature personnelle quand on vit dans ce qui constitue probablement l’espace de plus grande liberté individuelle qu’ait jamais connu l’humanité, ça relève vraiment de la connerie.
A grande échelle.

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Réactions

Grand merci MR Thery,Veron alias Norev et au gang des Lyonnais du championnat de la Montagne....et la liste est longue dans la Capitale.....des Gaules)))))

Ces Saint-Just ne différentierait pas une Tesla d’une Aston-Martin au 1/43. Ils seront surpris de voir que les futurs bolides décarbonnés ressembleront beaucoup à leurs ancêtres à dérivé de pétrole et passionneront toujours autant les enfants !

"Se dépêcher d'en rire de peur d'avoir à en pleurer" ...
... Et dire que sans l'éducation quasiment irresponsable des parents du "p'tit Jean Philippe" une telle chronique ne fût quasiment pas possible ... il y a de quoi en frémir. ..?

Et que dire de l'éducation un rien "dévoyée" reçue par une certaine "p'tite Florence" ... pov' môme !
;0))

En pensant à Majorette pour lequel je n'étais pas un grand amateur, je pense surtout à Solido dont la qualité de réalisation était un grand au-dessus, avec le prix en conséquence.
Il m'arrivait dans ma jeunesse de passer à côté de l'usine en Eure et Loir et de penser aux petites boîtes que j'avais et celles que je n'avais pas encore.
Puis est venue la lente et inéluctable descente aux enfers de la marque, prix de revient oblige.
On trouve encore maintenant d'assez beaux modèles de miniatures chez les buralistes, mais quasiment toutes fabriquées au Bangladesh !
La fin d'une époque... en espérant que celles à l'échelle 1 ne suivront pas la même tendance.

Encore une superbe chronique de Monsieur Thery !

Je m'y retrouve totalement et j'ajouterais même les superbe tapis en mousse de l'époque, histoire de rajouter un peu de carrefours et voies rapides dans les aventures.

Maintenant je ne sais pas trop si j'en souris ou si ça me déprime... A côté de ça, nombre de jouets sont des armes, du matériel militaire, des soldats... et des avions aussi ! Et que dire des ballons de foot, un sport qui déplace aux 4 coins du monde des centaines de joueurs et tout ce qui va avec (en avion bien sûr !)...

A tout diaboliser ainsi, je me demande vraiment où va notre société... C'est inquiétant.

Dans ce climat anti- auto après l’échelle 1, et maintenant le 1:64 et autre 1:43, il ne semble rester qu’une alternative la voiture à pédales

A nouveau plein de voitures "miniatures" à la maison. Il y a même une pièce dédiée pour y jouer !
Hé oui, déjà deux petits-fils. On y joue des heures !
Pas un mot sur les Dinky Toys, curieux, 80% de mes petites voitures étaient des Dinky, sinon Solido, à défaut Norev.

J'ai la satisfaction de constater que mon petit fils Jean, 4 ans bien sonnés, est déjà entré en résistance contre les escrolos : dès qu'il a un instant de libre, il joue avec ses innombrables petites voitures et tout particulièrement mes Dinky qu'il affectionne beaucoup : un Citroën HY petite lunette portes suicide, un Berliet benne basculante, une Simca Vedette, une Simca 8 Sport...Une Studbaker Commander, toutes rescapées après 70 ans de bons et loyaux services auprès de divers neveux et autres petits enfants.
Je regrette la Traction malle plate, sans doute partie à la casse avec celle de mon père que je regrette tout autant.

Rien n'empêcherait de faire des modèles réduits de véhicules électriques, et remplacer les "Vroum" par des "Bzzz".

J'ai une miniature de chaque voiture que j'ai acheté dans ma vie et la plus rigolote c'est mon cab Rino Jospin couleur bleue nuit ! Le cab lui même je l'avais acheté chez J.Rédelé "à Mantes !
Il a été obligé de repeindre le capot...pour cause de gravillons et de faire une grosse remise.. Grand seigneur il en avait les moyens...
J'étais jeune et ce fut une belle leçon pour moi...toujours acheter des voitures chez les riches et pas chez les pauvres.
Se déplacer en province au besoin quand on est parisien pour dénicher les bonnes affaires ! Du coté du commercial de chez Rédelé il savait que s'il perdait le client...ce serait encore six mois d'attente...l'hiver commençait juste !! Achetez les yeux fermés sur internet les jeunes !!
Vous pouvez toujours marcher à pied sinon, (n'oubliez pas votre masque et le toubib ministre Véran nous a parlé hier d'un jeune de 27 ans à l'hôpital en réa et entubé de partout et en train de crever à l'hôpital) par contre vous aurez la 5G, c'est déjà cela !!

Mouais.
Plutôt que les petites voitures, je préférais jouer à la poupée.
Échelle 1:1
;0;

Merci pour ce moment de Nostalgie !
Mon inclination est très surement LA Course mais une 4cv verte et une 403 noire sont les premières voitures de mon Père. Quant à la 4L et à la R5 "Orange DDE" ce sont les premières de ma mère.
à propos de cette "Voiture de la Liberté", la 4L bien sûr, Mes parents se bataient pour savoir si elle était Bleue ou Verte !
Je les ai mis d'accord avec le travail d'Olivier BERNIS : La couleur est Gris Olivier ! Cette concentration d'Olivier ne pouvait pas être le fruit du Hasard.

Cette histoire de visite de l’usine MAJORETTE à RILLIEUX me permet de faire un parallèle avec celle que j’ai vécu dans les années 1965 ou 1966 pour la porte ouverte des usines NOREV à Villeurbanne. Avec les gamins de ma classe ( nous avions 10 ans) nous fumes émerveillés et de la même manière que Monsieur Théry repartîmes avec pour ma part une Renault 16 qui représentait la dernière des créations de NOREV. Même opération, même méthode me direz-vous. Oui puisque les frères VERON (NOREV à l’envers) ont pris des chemins différents l’un continuant l’aventure NOREV et l’autre créant MAJORETTE et naturellement tous les deux en région lyonnaise.
Quel régal de lire ces chroniques. Bravo. Je guette ma boîte aux lettres en attente de recevoir le recueil de M.THERY

@bruno HAAS
Tout à fait d'accord avec ta hiérarchisation des Marques !
Pour ma part j'ai décidé de Traiter la Maladie par le Mal. J'ai achetéi une Mégane 4 RS (Orange Tonic) et au 1/43 ème chez Alexandra LEGER et qui est de marque...NOREV

PS : J'ai reçu un Mail m'informant de l'envoi du Livre de JP THERY. Je vous raconterai

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