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Analyse - 25/05/2023 - #Renault , #Volkswagen , #Tesla , #Bmw , #Ferrari , #Jaguar , #Lucid , #Mg , #Nissan , #Porsche , #Skoda , #Xpeng

La V.E.

Par Jean-Philippe Thery

La V.E.
Oslo, la ville électrique.

Aujourd’hui, je vous emmène vers le nord, version électrique. Histoire de ne pas le perdre quand on passera tous au zéro émission…

J’ai récemment passé un week-end à Oslo.

Non, vous n’avez pas cliqué par erreur sur la page de National Geographic, et c’est bien d’automobile que je compte vous entretenir. Parce que si je me suis rendu dans la capitale norvégienne, c’est en raison des nombreux courriers que j’ai reçus de mes chers lecteurs, m’enjoignant de leur donner un aperçu de ce qui semble nous attendre dans un futur automobile pas si éloigné que ça. Et ne croyez surtout pas les mauvaises langues qui ne manqueront pas d’affirmer que c’est surtout Madame qui a insisté pour y aller…

Mais peu importe, puisque bravant notre Flygskam (la "honte de voler" à la suédoise), nous nous sommes rendus à l’aéroport le plus proche pour attraper un avion et mettre le Cap Nord sur celui de Gardermoen (Prononcer plus ou moins "Gardermoon", sans oublier de rouler les "r"). Et comme celui-ci est situé à une cinquantaine de kilomètres du centre d’Oslo, c’est dès le trajet de liaison que nous avons eu droit à un avant-goût de ce qui nous attendait pour les deux jours suivants, à bord du "Flytoget" ("Flitogai" en viking dans le texte).

Dûment branché sur secteur et Internet dans l’espace business du train à haute vitesse, j’en aurais volontiers profité pour écrire un peu plus qu’un paragraphe et demi de chronique -celle que vous avez lue semaine dernière- si la connexion avec la Gare Centrale n’avait été presqu’aussi instantanée que celle du Wifi. Autant vous dire tout de suite que durant notre court séjour, il nous a été donné de vérifier en permanence que les Couronnes norvégiennes publiques sont à la fois abondantes et investies pour le bien des résidents, quand bien-même ces derniers sont occasionnels.

Mais revenons à nos spælsau -la race de moutons locale- et rendons-nous sur la "Place du chemin de fer" ou Jernbanetorget (cette fois-ci, vous vous débrouillerez pour la prononciation), encore éclairée au rayonnement solaire malgré l’heure tardive à laquelle nous y avons débarqué. Et comme celle-ci est piétonne, c’est dans les rues adjacentes que j’ai enfin trouvé des voitures, puisqu’il me tardait de prendre contact avec le parc automobile local, motif principal de ma visite. C’est qu’il n’aura pas échappé aux lecteurs avertis d’Autoactu qu’en Norvège, l’électrique est roi, les véhicules à batteries ayant représenté depuis le début de l’année 84% des ventes de voiture neuve, dont les acquéreurs sont il est vrai bien aidés par des aides publiques généreuses, tant du gouvernement que des instances locales.

Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre qu’à Oslo, les Tesla -comme les moutons- se déplacent en troupeau, et qu’il n’est pas rare d’en retrouver quatre ou cinq exemplaires tous modèles confondus dans un espace restreint, même si l’abondance de berlines "S" nous rappelle que le succès local de la marque californienne ne date pas d’aujourd’hui. Evidemment, on rencontre également en nombre des modèles plus ou moins visibles dans les autres pays d’Europe. Comme la Porsche Taycan que je suis pourtant habitué à voir dans les rues berlinoises, mais dont je crois bien avoir croisé plus d’exemplaires en deux jours que depuis que j’ai réélu domicile dans la deutsche Haupstadt. Le modèle stuttgartois s’y rencontre principalement en version "Turismo" ou break de chasse, même si le compartiment arrière ne contiendra guère plus qu’un cuissot de renne. Autre animal rare dans les contrées où je circule habituellement, le Jaguar s’est visiblement parfaitement acclimaté au contexte norvégien, puisqu’on trouve sur place une colonie d’E-Pace apparemment prospère (il faut l’être pour signer le chèque qui va avec).

En revanche, j’ai cherché les Nissan Leaf, Renault Zoe ou Volkswagen ID3 que je pensais voir pulluler, même si je garde le souvenir distinct de la mini-flotte des petites Renault aux couleurs de "Peppes Pizza", chaine locale fondée en 1970 ayant semble-t-il introduit la recette dans le pays. Mais celles que j’ai d’abord prises pour des véhicules de livraison appartenaient sans doute au siège de la firme, puisque j’ai depuis appris que cette dernière est née dans le quartier de Solli où se trouvait notre hôtel. Quoiqu’il en soit, je me demande bien où circulent les modèles "populaires" à batterie, puisque je me doute bien que même avec un PIB nominal frisant les 100.000 dollars par tête, tous les Osloborger (gentilé qui n’a pas vraiment de traduction française) ne roulent pas en sportive germaine de luxe.

Les statistiques de vente auxquelles j’ai jeté un œil depuis mon retour démentent d’ailleurs mes observations, qui pourraient laisser croire que je n’ai trainé mes guêtres de touriste que dans les quartiers les plus huppés. J’en déduis -allez savoir pourquoi- que je repère plus facilement les voitures de sport onéreuses que les berlines du segment B, et que par la faute de ces foutus biais cognitifs, mes conclusions norvégiennes en disent plus long sur moi que sur le secteur automobile local. Toujours est-il que je n’ai pas tout faux, puisque c’est bien le modèle Y de Tesla qui a été le plus vendu dans le pays en 2022. Mais ce sont la Volkswagen Idée 4 et le Skoda qu’a la gnaque qui occupent les autres marches du podium, alors que l’ID3 et la Leaf intègrent le Top 20, contrairement -évidemment- aux Porsche et Jaguar.

Heureusement, il y a tout de même des choses qu’excel ne raconte pas. Comme l’arrivée encore peu visible sur tableur de plusieurs modèles chinois, dont on peut néanmoins d’ores et déjà "spotter" quelques exemplaires dans la rue. Je compte ainsi à mon actif trois Xpeng P7, une poignée de MG, et le Hongqi E-HS9 dont les seuls deux exemplaires aperçus devraient suffire à mettre à mal une partie significative de la population locale d’insectes volant, avec leur calandre verticale genre falaise à rendre jalouse une BMW.

Et ne reculant devant aucun sacrifice pour le plaisir de mes lecteurs, je me suis rendu dans les concept-stores de Nio et Lucid, pendant que ma tendre moitié visitait Zara et H&M. Si le premier (Nio, pas Zara) étonne par sa superficie et le nombre de modèles exposés, le second -à l’empreinte m² certes plus modeste- n’en joue pas moins la carte de la localisation puisque jouxtant la boutique Louis Vuitton. Des fois que Monsieur change la voiture familiale pendant que Madame fait la queue pour choisir son "City Steamer MM".

Mais surtout, votre envoyé spécial de fin de semaine était venu constater sur place l’impact de ces autos-là sur l’environnement de celle qu’il faut bien désigner comme la VE (Ville Electrique). A commencer par le niveau sonore, dont j’ai toujours pensé qu’il constituait l’avantage le plus tangible des voitures à batteries en contexte urbain. Ironiquement, c’est un truc branché sur secteur qui fait sans doute le plus de bruit dans une ville pourtant apaisante pour les conduits auditifs, même si le groupe motopropulseur n’y est tout de même pour rien si les boggies du tramway au look délicieusement suranné font un sacré boucan au passage des sections de rail. Un constat qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le reste de mon analyse dont vous allez immédiatement constater le caractère hautement scientifique.

Parce qu’y compris aux petites vitesses où on cabote dans nos cités, ce sont tout de même les frottements de pneumatiques sur l’asphalte qui produisent une bonne partie des décibels automobiles, même quand on exclut les trois ou quatre véhicules venus de contrées enneigées où winter’s coming même au printemps, dont les enveloppes cloutées font un raffut du diable. Je vous livre à ce sujet les conclusions de l’expérience auditive à laquelle je me suis involontairement livré en cherchant un restaurant situé à dache, en cheminant et fulminant le long d’une route urbaine limitée à 30 ou 50 km/h selon les tronçons. Elles sont sans appel, puisque je n’ai pas distingué de différence significative entre électrique et thermique à essence, alors que les Diesel se font tout de même un peu plus présents, surtout dans les phases de relance.

Eh oui, on trouve encore des moteurs à combustion interne en Norvège, puisque pour mémoire, 85% des ventes de véhicules neufs ne se traduisent évidemment pas encore par une proportion équivalente sur l’ensemble du parc. Et si ceux-là n’agressent pas plus l’oreille interne que leurs équivalents électriques, il faut dire que je n’ai pas vu un seul véhicule en mauvais état durant tout le weekend. Même l’inattendue Citroën C2 noire garée entre deux BEVs ne faisait pas tâche dans le paysage, tant elle paraissait sortir tout droit du showroom de la concession locale.

Pour le reste, on croise tout de même quelques sportives aux borborygmes ostentatoires, comme la BMW M3 qui m’a courtoisement laissé passer avant de me gratifier d’une accélération sauvage, les deux Mercedes Classe A AMG 45 qui n’ont cessé d’arpenter la ville de concert -c’est le cas de le dire- durant tout le samedi, ou les Ferrari FF et Aston-Martin Rapide auxquelles on pardonne volontiers leurs bruyantes émissions, tant celles-ci sont susceptibles de provoquer de véritables orgasmes acoustiques chez les amateurs de belles mécaniques. Bref, pas de quoi vraiment troubler la quiétude d’une ville où nul n’est besoin d’élever la voix pour converser.

Et le reste est à l’avenant avec des transports en commun exclusivement électriques, et un port dont nous ressortons convaincus qu’il est le plus silencieux au monde après un petit déjeuner pris au bord de l’eau (les sacrifices auxquels il ne faut pas consentir pour le contenu d’une chronique…). Non seulement les bateaux qui y sont amarrés ont droit à une alimentation électrique permettant de faire taire leur mécanique à l’arrêt, mais certains d’entre eux disposent de motorisations hybrides ou même full électriques. Même si celui à bord duquel nous avons navigué pendant deux heures dans les fjords ne laissait deviner la présence de ses deux 6 cylindres en ligne Diesel que par une très discrète vibration. Encapsulés et filtrés à mort, ces moteurs-là démontrent qu’on peut carburer gras et se montrer presqu’aussi civilisé que les copains à stator et rotor…

Autre motif d’étonnement, les bornes ou plutôt leur absence. Certes, la plupart des autos garées devant le perron de maisons individuelles ont le fil à la patte, mais il faut pour les trouver s’éloigner d’un centre-ville aux voies étonnamment sous-équipées en la matière. En dehors d’une station de charge réservée aux taxis, je serais reparti bredouille si je n’avais découvert la Hanstensgate, avec ses plots alignés comme des parcmètres, matérialisant ce que j’imaginais constituer l’intégralité du paysage urbain d’Oslo. Pourtant, la Norvège dispose de 5,75 bornes publiques pour 100.000 habitants, soit le chiffre le plus élevé en Europe après les Pays-Bas (avec un ratio impressionnant de 7,75), ce qui ne correspond néanmoins qu’à deux unités par VE immatriculé en raison de l’importance du parc. Les Norvégiens sont certes branchés, mais il faudra m’expliquer où ceux dont la voiture dort dans la rue rechargent leur batteries…

A l’heure du bilan, j’avoue ma perplexité. Certes, Oslo est sans doute la ville la moins bruyante qu’il m’ait été donné de connaître, et je n’y ai pas distingué la trace d’une seule particule de suie, mais je me demande dans quelle mesure l’électricité en est responsable, du moins s’agissant de l’automobile. Parce que j’ai l’impression de m’être livré à une analyse monadique peu conclusive en l’absence d’éléments de contexte, n’ayant pas disposé d’une seconde Oslo sans voitures électriques à titre de comparaison. Sans diminuer en rien ses mérites dont on ne peut qu’apprécier les résultats, je m’interroge aussi sur le caractère d’exemplarité d’un pays de 5,5 millions d’habitants pas vraiment à l’étroit, qui se décarbone avec -on ne manquera pas d’en souligner l’ironie- les revenus conséquents issus du pétrole. Dans quelle mesure celui-ci est-il transposable à d’autres contextes, le nôtre par exemple ?

J’en étais à ce stade de mes réflexions alors que j’effectuais à regret et très tôt le lundi matin le court trajet à pied me ramenant vers la station du Flytoget, quand j’ai croisé les seuls véhicules circulant dans le coin à cette heure-là. Deux camionnettes glissant furtivement sur la chaussée, épargnant les habitants endormis des claquements propres aux mécaniques à gazole. Histoire sans doute de me rappeler qu’il existe tout de même d’excellentes utilisations de l’électrique…

Réactions

Ce qu'il faut regarder en Norvège, est sa répartition de densité au niveau de la population.
80% des habitants sont sur la côte entre Oslo et Bergen qui ne sont séparées que par 400km et reliées par le fameux TGV local. Donc ils prennent peu la voiture, ou pour rouler peu de km. Dans ce contexte, où en plus l'électricité est très bas carbone, le VE est une bonne solution.
Ce contexte national n'est évidemment pas transposable à tous les pays et encore moins à la France ou même l'Allemagne où vous vivez : là-bas, et on le voit bien aux bouchons interminables des autoroutes, les allemands roulent beaucoup. Il n'est pas rare de voir des AR de 150 voire 200km à des vitesses qui seraient jugées illégales en France et ce de manière journalière entre 2 agglomérations. Dans ce contexte, où qui plus est, l'électricité n'est pas franchement bas carbone, le VE n'est pas, mais alors pas du tout, une bonne solution.
Comme je le dis souvent, il faut un mix (l'histoire des œufs et du panier) et ne pas confronter les différentes motorisation. Au contraire, si on a un mix équilibré et adapté aux conditions d'usage, le bilan n'en sera que meilleur.

Pas sûr même avec un générateur électrique à charbon le bilan est meilleur que l’a fumante
Lu ici

Je ne sais pas où vous avez vu ça mon cher Alain, mais mêmes les ONG pro VE (type T&E) ne sont pas aussi catégoriques que vous. Sur un LCA, le bilan ne commence à être positif qu'après plusieurs dizaines de milliers de km (voire plus de 100 000 km en fonction des conditions de roulage et du lieu de fabrication de la dite VE)

Mouais ,c’est bien ici que j’ai lu que le bilan carbone entre une fumante et un VE était toujours favorable au VE quel que soit la méthode pour fabriquer des électrons .
Plus ou moins rapide en effet,mais même en Pologne championne du monde de la polu ,le VE est devant

LCA : Life Cycle Analysis...
Autrement dit l'analyse du cycle de vie, du puits à la tombe...
En comptant de l'extraction des matières premières, notamment pour la batterie, l'usage (doc les profils routiers) et enfin le recyclage...
Le VE peut être favorable en fonction des conditions.
Si je vous retrouve l'analyse LCA de T&E ou autre, je vous ferai suivre le lien...
Mais le gain n'est pas si probant que ça, voir pas de gain au contraire en fonction des usages.
En fait plus on roule, plus c'est intéressant. De mémoire, le bilan commence à devenir positif après 120-150 000 km...Mais le pb avec le VE est que justement beaucoup ne roulent pas beaucoup : on le voit dans les proposition de LOA en général à 10 000km : à ce rythme là, le VE ne devient intéressant qu'au bout de 12-15 ans... s'il est encore en vie !
Certes le bilan est meilleur et la limite plus basse si on se focalise sur la France ou la Norvège.

Voici le lien vers le rapport T&E. Bien tout lire et pas juste la conclusion qui est dirigée bien sûr !
https://www.transportenvironment.org/wp-content/uploads/2021/07/TEs-EV-life-cycle-analysis-LCA.pdf

Je ne suis pas anglophone désolé,en tout cas une chose est prouvé aujourd’hui c’est que les batteries vieillissent mieux que prévu et ça c’est une surprise

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