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Analyse - 07/03/2024 - #Renault , #Alpine , #Aston Martin , #Ferrari , #Honda , #Lancia , #Fiat

Le club des Cinq

Par Jean-Philippe Thery

Le club des Cinq
La Cinq E-Tech : électrisante (Crédit : Renault)

C’est du salon que je vous écris, à propos d’une voiture d’hier et d’aujourd’hui. A moins que ce ne soit l’inverse…

La première fois que je me suis rendu à Paris, c’était en Renault 5.

N’ignorant pas mon penchant pour l’automobile, mon prof d’histoire-géo m’avait proposé de l’accompagner au Salon de Paris, lui et sa compagne. J’en étais revenu les bras chargés de catalogues, surtout celui de l’Aston Martin Lagonda que l’hôtesse de la marque britannique avait fini par me concéder après me l’avoir refusé, de peur m’avait-elle avoué "que j’use la voiture des yeux à force de la regarder". De son côté, Monsieur Guyot avait rapporté un bon de commande pour une 205 GTI 1.6, plus de deux fois et demie plus puissante que la 5 Lauréate bordeaux qui nous avait vaillamment emmenés de Lyon jusqu’à la Porte de Versailles. Il avait néanmoins fini par garder la petite Renault en annulant la commande, sans doute après avoir revu le feuillet mensuel mentionnant ses émoluments.

Quelques années plus tard, pour mon premier Genève, j’étais déjà en âge d’avoir une petite amie qui était en âge de conduire une Renault 5, repeinte d’un bleu que la charte graphique d’Electricité De France n’aurait pas renié. Mais c’est à bord de la Lancia Thema 8.32 du père d’un ami commun que nous nous étions rendus au Palexpo, au rythme autorisé par le V8 logé dans la salle des machines, que le modèle empruntait à la Ferrari 308. J’en étais revenu les bras chargé de catalogues et de l’inévitable numéro spécial de la Revue Suisse Automobile promettant en couverture "toutes les voitures du monde", y compris bien sûr l’Aston Martin Lagonda. Si je n’y suis retourné que de façon sporadique par la suite, j’ai pourtant toujours aimé le Salon de la cité suisse qui proposait plein de trucs intéressants et inhabituels dans un format réduit, comme le stand toujours très attendu de Franco Sbarro, régional de l’étape dont les créations évoluaient suivant les millésimes du très décalé au franchement délirant.

Mais cette année, j’ai snobé le GIMS -puisqu’on dit désormais "Geneva International Motor Show"- dont c’était pourtant la reprise après quatre années d’absence initiées avec le Covid. C’est donc sur les réseaux sociaux et dans la presse électronique que j’ai suivi ce qui constituait également l’édition du centenaire, malheureusement délaissée par nombre de constructeurs historiques qui ne passent plus au salon, alors que les marques chinoises n’hésitent pas à le faire. Renault n’a pourtant pas loupé l’occasion en s’appropriant l’essentiel de la communication liée à l’évènement, à l’occasion du lancement de sa petite dernière. C’est comme ça que le Salon de Genève de cette année s’est transformé en véritable assemblée du "Club des Cinq", entre celle d’hier et d’aujourd’hui.

Pour autant, la principale surprise avec la Renault 5 E-Tech electric -c’est son nom- c’est qu’il n’y en a pas eu. N’y voyez pas de méchante critique de ma part, mais au contraire le constat d’une grande fidélité à la "Renault 5 prototype" présentée en janvier 2021 au cours de la conférence de presse marquant les grands début de la "Renaulution". Un concept-car très réussi, chargé d’incarner par l’exemple la nouvelle direction impulsée à la marque par Luca de Meo, et que j’ai découvert un an plus tard à Rétromobile sur le stand commémorant justement les 50 ans du modèle originel.

Et à en croire les réactions d’à peu-près tout le monde, professionnels comme amateurs d’automobile, l’auto affiche une plastique très réussie avec sa bouille craquante et une carrosserie faisant non seulement référence au modèle lancé en 1972, mais aussi aux versions sportives qui suivirent, y compris la Turbo. C’est qu’avec ses flancs et boucliers très sculptés et ses ailes bodybuildées, la petite nouvelle passe visiblement du temps à prendre soin de son body en salle de gym, donnant même l’impression d’avoir encore gagné en muscles par rapport à celle d’il y a trois ans. A se demander quelle dose de stéroïdes anabolisants Alpine va devoir injecter à la future A290 pour distinguer du reste de la gamme la version athlétique en préparation au bureau d’étude des Ulis.

Malgré les allusions clairement assumées, Renault se défend pourtant de faire dans le neo-retro, préférant évoquer une démarche rétrofuturiste. Une terminologie typique de communiqué de presse dont je vous laisse juge, même si le constructeur n’a de mon point de vue pas à se justifier de faire appel à des recettes qui marchent, quand bien même il les mitonne dans de vieux pots (probablement Devil). Il me semble d’ailleurs que l’insistance de certains constructeurs à puiser dans l’histoire, avec des autos comme la mignonne Honda "e", les sympathiques Fiat 500e et 600e et désormais la Cinq E-Tech renvoie plutôt à leur propres questionnements ceux et celles à qui elles sont destinées. A l’heure où les nouvelles possibilités offertes par les architectures électrique permettraient de véritablement réinventer le design automobile, ceux-là seraient sans doute bien inspirés d’introspecter leur moi le plus intime afin de comprendre quelles peurs les poussent à regarder en arrière.

Et moi avec, puisque sans les réflexions ô combien profondes auxquelles m’astreint une fois par semaine l’écriture de cette chronique, je serais sans doute également tombé dans le panneau de l’ "icône pop" habilement brandi par Renault, comme petite musique de fond pour accompagner la contemplation -même photographique- des exemplaires aux pimpantes peintures de la nouvelle Cinq, exposés à Genève comme autant de pilules nostalgico-anesthésiques. N’ai-je d’ailleurs pas évoqué dans mon papier de la semaine dernière ("effet de levier") avec trémolos dans le clavier à la clef, la 5 à bord de laquelle j’ai connu mes premiers rapports avec une boite de vitesses manuelle ? 

Et pourtant. Quand ma grand-mère roulait à bord de l’une d’entre elles, il était difficile de trouver voiture plus banale que la "R 5". Et quand Maman a eu la sienne, j’étais surtout ennuyé par l’absence des protections latérales auxquelles la TL n’avait pas droit, m’infligeant un sérieux déficit d’image à la sortie des classes. A l’heure où les mères motorisées venaient chercher leur rejeton, j’enrageais secrètement quand ceux de mes camarades plus chanceux que moi se la pétaient grave en montant à bord d’une GTL, pourvue des fameux rajouts de portière en plastoc. J’étais alors loin d’imaginer que dans les années Clio qui n’allaient pas tarder, la Cinq serait entre temps devenue un vieille bagnole que personne ne songeait à icôniser, pas même dans les bureau de celle qui avait déjà cessé d’être "la Régie".

Une vieille bagnole. Il faut bien reconnaitre que pour nombre d’entre nous, c’est ce que la Cinq aura représenté pendant de longues années. Voilà qui contraste singulièrement avec les yeux humides contemplant les exemplaires du modèle parfaitement maintenus par Renault Classic lorsqu’ils se produisent dans les salons. Alors je m’interroge. Qu’est-ce qui pousse en effet certains d’entre nous à nous replonger dans l’histoire de la Cinq pour mieux nous la réapproprier ? Avec me concernant, la circonstance « aggravante » des images du lancement réalisées en 1972 à Brasilia dont je n’ai évidemment rien su quand j’en fréquentais l’habitacle. Mais un phénomène que je n’en n’ai pas moins décrit dans ma toute première chronique, que même les plus fidèles d’entre vous n’ont pas lue puisqu’avant Autoactu.com, je publiai sur les réseaux électroniques.

Dans "Why I bought myself a 9 years old Volvo" ("Pourquoi je me suis acheté une Volvo de 9 ans"), je parlai de  "Ragnar", la Volvo S60 de 2008 que je venais d’acquérir, et des raisons qui m’avaient poussé vers un constructeur dont je n’aurais jamais imaginé posséder un modèle ne serait-ce que quelques années auparavant. Un bel exemple de discours de rationalisation, par lequel j’essayai d’expliquer que si les marques nourrissent volontiers leur image de celle de leur modèles passés, l’inverse est également vrai. C’est comme ça qu’un break Volvo 244 constitue aujourd’hui le sommet de la coolitude, alors qu’à l’époque de sa commercialisation, on l’associait plutôt à des types fumant la pipe et portant la veste de tweed avec patches de protection en cuir retourné aux coudes.

Quand ses designers ont fini par renoncer à la brique comme source unique d’inspiration stylistique, les modèles de la marque suédoise apparus dans les 90’s, ont non seulement impacté positivement l’image contemporaine de la marque par leurs lignes très réussies, mais aussi celle de ses modèles passés. Et comme juste retour de chose, l’image ainsi renouvelée des autos anciennes ont à leur tour influencé notre perception des générations actuelles. Bref, une version intellectualisante et automobile de l’œuf et la poule, dont je suis néanmoins convaincu qu’elle s’applique pleinement à la Cinq. D’ailleurs, aurions-nous aujourd’hui de celle d’avant la même vision si le modèle qui s’en est inspiré ne l’avait pas rappelé à notre bon souvenir ?

Qu’importe. Quels que soient les mécanismes plus ou moins conscients à l’œuvre, il n’en reste pas moins que la Cinq revisitée possède l’immense vertu de nous proposer une vision joyeuse et excitante de la mobilité électrique, ce que la tristounette Zoé n’a jamais réussi. Oubliés donc les discours lénifiants et culpabilisants, puisque cette Cinq-là s’est donnée pour mission de charmer et d’enjôler. Au point de faire basculer les plus sceptiques du jus de dinosaure à celui du secteur ? L’avenir proche nous le dira rapidement. Mais puisqu’il s’agit de faire progresser la part des électriques au sein des ventes de voitures neuves, j’avoue préférer cette méthode-là aux injections pontifiantes.

Au fait, je me suis pris au jeu du club des Cinq en glissant cinq d’entre elles dans le texte de cette chronique. Les avez-vous repérées ? 
 

Réactions

Difficile équilibre dans le design entre une évolution progressive de modèles existants (Clio, Captur par exemple), et l'inspiration de lignes de modèles passés (Renault 4 et 5). Contre exemples aussi chez Renault avec l'Espace et le Scenic qui n'ont plus grand chose à voir avec le modèle précédent.
In fine, c'est le client qui décide car c'est lui qui achète.
A priori, pour le 5 électrique et vu le nombre de commandes avant commercialisation officielle, cela semble bien parti...

Je me suis régalé, merci Jean-Philippe.

Oui Clerion et je dirais que l'équilibre si difficile à trouver a été atteint avec cette eR5 qui est sublime.

. . Bravo pour le glissement de cinq fois " la cinq " mais vu le sujet çà n'etait pas tout à fait incongru ...?
Quant à la Lagonda ... Cela se situe quelque part entre l'envoûtement et l'obsession (?).
Enfin la 8.32 ... Une belle auto ! ... voilà un youngtimer qui ferait un bel épisode de vintage mécanic (entre Olivier de Stefano et Lady Art Car, y a matière ?) ...en trouver une "nickel" ne doit pas être si simple ... Au delà du V8 Ferrari et de sa distribution appelant des soins réguliers, entre l'accastillage, l'électricité et l'électronique d'époque, çà peut procurer quelques aléas sinon "avaries" . ..(?)

@ Ade Airix, Le 07/03/2024 à 16:18
Une italienne qui ne serait pas capricieuse ne serait pas une vraie italienne.
Petit trait d'humour en cette journée des droits internationaux de la femme.
;-)

Chuttt Clerion ... drôle de manière de célébrer .. (?)
Pourquoi çà me fait songer à Monica ... C'était aussi le nom d'une (assez belle) voiture des années 70 ...
Bon ok je sors !
;0)

@Ade Airix, Le 08/03/2024 à 11:23
Ne disait-on pas d'une voiture qui consommait beaucoup -le cas de la Monica- qu'elle suçait pas mal ?
Je sors aussi, beaucoup plus longtemps, avec visite chez le surgé et le proviseur qui convoquera les parents !

... là Bruno à 11:37 ...
c'est quasiment la correctionnelle ...Direct !
Nan mais il ne s'agissait que de voitures ...
;0)

... là Adeairix à 11:45 ... j'avoue, je vais réciter 3 pâtés et 2 ovaires après con fesses.

Remettons l'église au milieu du village avec son magnifique clocher et sa pendule toujours à l'heure...
Comme disait Jacques Prévert :
“Dans chaque église, il y a toujours quelque chose qui cloche.”
;-)

Cinq soit le nombre de doigts sur une main.
Projet pour Renault à ne pas reporter à deux mains.
Etonnant, non ?
Un peu tordu, certes...

Cinq à sec (?)
... La dépression "Monica" arrive sur "nos" côtes... Çà ne s'invente pas ?
;0)

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