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13/11/2025

Deutschland Ticket (d’entrée)

Par Jean-Philippe Thery

Deutschland Ticket (d’entrée)
La Mercedes R129, quand elle vallait plus de 100 000 DM (Crédit: Mercedes)

Aujourd’hui, je vous parle de comment se déplacer pour pas cher…

J’ai déjà évoqué ici-même la M10 de la BVG.

Autrement dit la ligne de tramway de la Berliner Verkehrsbetriebe -Compagnie des transports en commun berlinois- reliant la Warschauerstrasse à l’est à la Turmstrasse à l’Ouest en passant par le nord, avec laquelle je m’adonne au navettage quotidien. Ça me coûte 58 euros par mois, tarif qui a sérieusement augmenté au 1er janvier dernier par rapport aux 49 euros de l’année dernière, mais qui reste nettement plus avantageux que les 91 euros dont je m’acquittais avant l’apparition du Deutschland Ticket le 1er mai 2023. 

Une formule que je sous-utilise très nettement puisque comme son nom le laisse supposer, le Deutschland Ticket permet de voyager dans tout le pays -et même vers certaines destinations étrangères- en excluant toutefois l’ICE à grande vitesse. La formule visait à inciter les usagers de l’automobile à lâcher cette dernière pour le rail, ce qui n’a évidemment pas fonctionné, le Destatis -équivalent de notre Insee- n’ayant pas enregistré de baisse significative du nombre de trajets en voiture depuis 2019. Mais en attendant que nos décideurs cessent de faire semblant de croire que le tarif constitue le principal frein à l’adoption des transports collectifs, l’usager continuera à se féliciter de l’économie ainsi réalisée. Pour ma part, c’est pour des considérations pratiques que j’y recours, afin d’éviter de chercher une place dans les rues pour me garer les soirs de semaine. Sans compter qu’il me faut marcher entre les arrêts, et que je dispose ainsi de deux fois 25 minutes par jour pour faire autre chose. Comme lire… des revues automobiles.

C’est comme ça que j’ai récemment ouvert l’édition spéciale 2025 de "Motor Klassik" consacrée aux youngtimers. Un numéro que j’ai acheté au moment de payer le plein de ma Bimmer en station-service, malgré les protestations officielles de Madame Thery qui me rappellent régulièrement la pile de magazines non lus trônant dans le salon. Ma défense invoquant la nécessité de "travailler mon allemand" ne l’ayant visiblement guère convaincue, j’avais alors prestement jeté l’objet de son irritation sur la banquette arrière, en remettant à plus tard le feuilletage des feuilles consacrées la Mercedes R129 occupant l’essentiel de la couverture.

Si mes calculs sont bons, les 103.590 Deutsche Mark réglés en 1990 par son premier acheteur pour le superbe Roadster 300 SL -options comprises- correspondent à 118.500 euros d’aujourd’hui. Pour ce prix-là, son heureux propriétaire avait droit à une carrosserie de la plus grande élégance signée Bruno Sacco, une qualité de fabrication irréprochable et l’inégalable plaisir de la conduite au grand air. En contrepartie, les 190 chevaux du 6 cylindres en ligne type M103 peinaient quelque peu à emmener les 1.780 kg d’acier germanique avec un 0 à 100 km/h départ arrêté au bout de 9,5 secondes, même si les 230 km/h en pointe permettaient tout de même de profiter dignement des portions libres de l’autobahn. Autant de caractéristiques dont Alf profite désormais pour la somme dérisoire de 5.500 euros.

Je sais ce que vous allez me dire. Qu’à ce prix-là, le journaliste de Motor Klassik a hérité d’une merguez à la caisse rongée par une rouille rampante et tenue -ou pas- par des amortisseurs en bout de course, pendant que l’huile et le liquide de refroidissement font probablement cause commune dans un bloc moteur aux bielles condamnées à un coulage inéluctable à plus ou moins court terme. Mais détrompez-vous : si la belle affiche quelques défauts tout à fait compréhensibles pour une auto dans sa quatrième décennie malgré un kilométrage de 136.000 km pour le moins raisonnable, l’extensif essai routier auquel Alf l’a soumise confirme son aptitude à prendre la route sur de longues distances. Ce qui ne l’a pas empêché de faire preuve de prudence en rédigeant une "To do list" comprenant principalement une vidange de tous les fluides ainsi qu’une révision de l’embrayage, les petites retouches de carrosserie pouvant elles attendre.

Mais les talents de dénicheur d’Alf ne se limitent pas à la lignée la plus prestigieuse de la marque à l’étoile. Et puisque nous sommes dans le registre des cabriolets, que dites-vous d’une 307 CC pour 799 euros ? Oui, vous avez bien lu et je n’ai pas oublié de zéro. Evidemment, à ce tarif-là, on échange le prestigieux logo à trois branches pour les griffes du lion de Peugeot, et il faudra se contenter des 136 chevaux de trait délivrés par un 2.0 qui a au moins l’avantage de ne pas avoir été trop stressé durant les 215.000 kilomètres déjà parcourus. Les jantes ne sont pas d’origine même si en très bon état, et on ne s’étonnera pas de constater que la sellerie cuir aurait besoin d’un peu d’amour. Mais la mécanique ne trahit pas le moindre bruit suspect, et surtout, le mécanisme du fameux toit métallique rétractable fonctionne à merveille.

Puisque nous sommes chez les Françaises, on note que pour à peine plus les amateurs du coup de crayon de Marcello Gandini trouveront leur bonheur avec une BX de 1991. Qu’ils n’espèrent néanmoins pas la très convoitée version 16 soupapes pour 850 euros, même si les 88 chevaux de cette 16 TZI Phase II conservent apparemment de beaux restes après 236.458 km. En revanche, si remettre une couche de verni qui s’est fait la malle sur le toit et le capot moteur ne semble pas constituer une tâche insurmontable, les traces de corrosion sur les bas de caisse paraissent plus préoccupantes même si elles ne sont sans doute pas terminales. Pour autant, ceux que la rouille effraie plus que la distance miseront sans doute leurs 500 euros sur l’Audi 100 CS de 1986 délivrant exactement la même puissance que la Citroën, mais dont le totalisateur avoue 308.000 km de bons et loyaux services. A moins qu’ils ne préfèrent pour le même montant la puissance de la Ford Sierra 2.0i GL de 1989 affichant 120 ch et 252.000 km ou l’exotisme de la Mitsubishi Galant Royal de 1986 à la mécanique tout juste rodée après 148.564 km. Quant aux radins en quête d’espace de chargement, ils se rabattront sûrement sur la VW Passat Variant 1.8 GL de 1990 avec laquelle ils pourront repartir en échange des 250 euros délivrés par le "Geldautomat" du coin.

Ralf est donc un homme aux goûts modestes, ce que semblent confirmer ses habitudes alimentaires qu’il laisse entrevoir dans les pages du magazine, entre Doner Kebab et Chinois de quartier, à moins que ce ne soit Motor Klassik qui ne se montre guère généreux sur les notes de frais de ses journalistes. Pour autant, notre homme ne dédaigne pas les plaisirs du luxe lorsque l’occasion se présente, comme démontré non seulement par la 300 SL mais aussi une superbe BMW 735i Type E38 de 1996 dont le V8 3.5 semble n’avoir rien perdu de ses 235 Pferdestärke, disponible pour 3.250 euros. Il sait aussi se montrer carrément intrépide s’agissant d'une Alfa 164 de 1989 certes dépourvue du célèbre V6 Busso, mais dont les 143 chevaux du 2.0 "Twin Spark" se négocient à 6,30 el’unité pour un total de 900. Quant à la Mercedes 380 SE W126 de 1983, elle suscitera sans doute l’intérêt des collectionneurs avec moins de 150.000 km d’origine effectués par son premier et unique propriétaire, même si les 27 points mentionnés au TÜV -équivalent de notre contrôle technique- pourraient refroidir leurs ardeurs.

Pour avoir moi-même plongé dans les profondeurs des petites annonces à vil pris alors que je me cherchais un "daily" à Berlin, quelque chose me dit qu’Alf dispose de solides contacts pour dénicher de pareilles affaires, alors que les voitures que j’avais trouvées étaient pour la plupart candidates à l’export s’affranchissant ainsi de l’obligation d’un certificat du TÜV. Mais je me demande comment j’aurais réagi si j’étais tombé sur certaines de celles présentées par Alf, dont j’ai adoré lire les compte-rendu. Non seulement parce qu’ils m’ont permis de constater l’amélioration de mon niveau de compréhension de la langue de Goethe appliquée à l’automobile, mais aussi parce que ces autos sont en principe oubliées des professionnels de l’automobile, alors qu’elles proposent un ticket d’entrée imbattable à la motorisation individuelle.

D’ailleurs, l’Insee nous rappelle qu’en 2021, les autos de 20 ans et plus constituaient 9% du parc automobile français, soit plus de 4 millions d’unités. Des voitures qui malgré leur tout petit prix rendent d’immenses services à ceux pour lesquels elles représentent un effort financier supérieur à celui de bien des acheteurs d’un modèle neuf, et sur lesquelles les ZFE ont mis un coup de projecteur dont leurs propriétaires se seraient bien passés, puisque ces dernières signifient une fin de vie implacable pour nombre d’entre elles. 

Alors rappelons à ceux qui prétendent régler nos vies et trajets sur Excel que pour nombre de nos concitoyens, l’équivalent français du Deutschland Ticket ne réside pas seulement dans des wagons surpeuplés au heures de pointe, mais aussi sur 4 roues qui ont déjà vu pas mal de kilomètres, se substituant à des transports en commun qui ne peuvent répondre aux besoins en déplacement de tout le monde. Quant au leasing social qui ne concerne de toute façon qu’une minorité des personnes concernées, il représente au mieux un pis-aller coûteux pour la collectivité pour un bénéfice environnemental dérisoire.

Sur ces bonnes paroles, je vous laisse : Le M10 m’attend. 

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