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Chronique - 27/07/2023 - #Audi , #Bmw , #Saic , #Ford

Les dessous Chine

Par Jean-Philippe Thery

Les dessous Chine
La plateforme IM Motors du LS7 : ne vous fiez pas à tous les noms européens… (Crédit : LM Motors)

Aujourd’hui, on soulève les jupes d’un modèle futur made in Ingolstadt. Ou pas.

Les dessous Chine, Audi aurait bien aimé n’en rien dévoiler du tout. Parce que les plateformes parfois, c’est tabou…

C’est d’ailleurs de SAIC (Shangai Industry Automotive Corporation) qu’est venue la confirmation des rumeurs qui circulaient -intentionnellement ou non- depuis une dizaine de jours : la marque aux anneaux va bien utiliser une plateforme de son partenaire chinois comme base d’un futur haut de gamme à batteries destiné au marché local. Et si le donneur désigné volontaire a été identifié comme le SUV LS7 d’IM Motors, division premium du conglomérat étatique, rien n’a été annoncé quant au modèle receveur pas même s’il serait ou non cantonné (désolé…) au marché de la République Populaire. Apparemment pas de quoi remplir un communiqué qui n’a d’ailleurs été sollicité à aucuns des attachés de presse des parties concernées, puisque c’est semble-t-il sous forme d’une réponse aux questions posées par un organe de presse local que ces quelques informations ont été délivrées. De la communication en circuit court, en quelque sorte.

Pourtant une plateforme ce n’est tout de même pas rien, même s’agissant d’un truc invisible pour le client lambda, du moins tant que celui-ci n’a pas résolu de jeter un coup d’œil à la sonde du même nom et passant sous les ponts élévateurs. Quelque chose comme l’équivalent automobile des fondations d’un immeuble, qui détermine un tas de choses dimensionnelles ou dynamiques, mais pas que. Et surtout, c’est là qu’on imagine résider symboliquement bonne partie des nucléides composant ce qu’il est devenu commun de désigner comme l’ADN d’une marque. Il n’est donc pas étonnant que les différents articles ayant repris la nouvelle se soient focalisés sur cet élément-là, alors que le groupe motopropulseur et quelques millions de lignes de programme sont apparemment également concernés par l’accord. En extrapolant un peu, il n’est pas impossible d’imaginer qu’une autre plateforme -électronique cette fois-ci- fasse aussi partie du lot.

En même temps, ça fait belle lurette que nos automobiles intègrent sous formes de composants divers toutes sortes de gènes d’origine chinoise. Mais rien à faire, la plateforme ça gêne. Et certains n’ont pas manqué de se demander quel frelon -asiatique évidemment- avait bien pu piquer les dirigeants de la firme allemande qui ont pris la décision de sourcer du châssis sur les terres lointaines d’un empire de plus en plus fondé à s’auto-proclamer du milieu. Avec l’esprit de modération qui caractérise la plupart d’entre eux, les commentateurs de réseaux sociaux adeptes du discours de la décadence n’ont d’ailleurs pas manqué d’annoncer la fin de l’industrie automobile allemande, européenne, voire celle du monde. Alors dépêchons-nous d’essayer d’y comprendre quelque chose avant que cette dernière prédiction ne se réalise.

L’histoire d’Audi en Chine est avant tout celle d’un succès, puisqu’elle fut la première marque haut de gamme à s’y implanter à la fin des années 80, avec des modèles identiques à ceux vendus en Europe plutôt que de générations antérieures (certains ont pratiqué, on a les noms). Et aujourd’hui encore, elle y est solidement implantée puisqu’elle a distribué en 2022 40% de sa production mondiale sur ce qui constitue depuis longtemps son premier marché, soit près de 650.000 autos sur un total d’1,6 million. Mais pour impressionnants qu’ils puissent paraitre, ces chiffres sont malgré tout en baisse, d’autant plus que Mercedes est passé devant il y quelques années avant que BMW ne grille à son tour la politesse à tout le monde. Une situation d’autant plus difficile que le lancement de la SSP, plateforme électrique évolutive devant remplacer l’actuelle MEB et porter les modèles de la contre-offensive, a été retardé à 2029.

A Ingolstadt, on s’est donc résolu à aller se servir sur les étagères d’un autre constructeur. Et quoi de plus naturel dans ces conditions que de jeter un coup d’œil dans les armoires du partenaire localisé sur le principal marché visé, surtout quand on y trouve de beaux dessous tout neufs branchés sur 800 Volts et offrant la polyvalence recherchée, puisqu’acceptant plusieurs moteurs ainsi qu’une ample variation d’empattement bien utile pour décliner plusieurs modèles (j’Audi ça, j’Audi rien). Après tout, personne n’a crié au scandale ni à la perte d’identité quand Ford, en manque de solution pour deux de ses SUV à électrons s’est tournée vers VW pour lui emprunter…la MEB (Même si la marque à l’ovale bleu n’a pas oublié de préciser qu’elle développait sa propre base roulante pour la suite).

Doit-on en conclure qu’en matière de soubassements, l’échangisme industriel est plus volontiers toléré lorsqu’il est contenu dans le club fermé des constructeurs occidentaux ? Faut-il voir dans les réactions suscitées par la non-annonce de SAIC et Audi une réminiscence du "péril jaune" évoqué dans les années 80 à propos de ces constructeurs japonais qui allaient forcément tout dévaster sur leur passage ? Un terme qu’on imagine mal voir apparaitre aujourd’hui, même si considérations de relents sinophobiques mis à part, il faut bien admettre que les dessous Chine ne manquent pas de provoquer de l’inquiétation.

Qu’Audi adopte une plateforme chinoise nous rappelle en effet -et si besoin était- les formidables progrès effectués par l’industrie du pays qui constitue depuis 2009 le plus grand marché automobile au monde. Même si certains ne manqueront pas de faire remarquer que les constructeurs étrangers -et notamment européens- n’y ont pas peu contribué par le biais des inévitables transferts technologiques opérés au sein de coentreprises imposées par le gouvernement. Ceux-là citeront sans doute avec un brin d’amertume une phrase communément attribuée à Lénine, lequel aurait twitté à la plume sergent major que "les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons". Mais en dehors du fait qu’il s’agit d’un fake, peut-on imaginer sérieusement que les industriels se soient alors concertés pour ignorer un marché prometteur, sous prétexte de sauvegarder leur savoir-faire et garantir leur souveraineté nationale respective ?

Que la plateforme suscitant tant d’émoi soit électrique n’est évidemment pas un hasard, puisque telle est la technologie sur laquelle reposent les ambitions des constructeurs chinois. Non pas, contrairement à une idée répandue, qu’ils ne maitrisent pas une combustion interne qui meut près de trois quart des véhicules vendus sur leur marché, mais parce qu’ils ont anticipé (influencé oserons certains) la décision prise par la décision européenne d’interdire la vente de voitures thermiques neuves à partir de 2035. Et sans doute aussi parce que l’écart de crédibilité à combler est bien moindre s’agissant d’une technologie considérée comme nouvelle, la voiture électrique semblant opérer auprès d’un certain nombre de clients et clients potentiels une espèce de "reset d’image", il est vrai bien aidé par des tarifs parfois très compétitifs. Avec sa cinquantaine de composants peu distinctifs, son moteur évite ainsi aux mandarins des services marketing de s’aventurer sur le terrain des arbres à cames, soupapes et autres turbos, que le pékin-conducteur moyen associera plus volontiers aux constructeurs traditionnels.

En fait, je me demande si tout ça ne se résume pas à une question d’égo. Meurtri chez les anciens maîtres qui doivent bien admettre qu’ils ont été rejoints, voire dépassés dans certains domaines (celui des softwares n’étant pas le moins important d’entre eux), gonflé à bloc chez d’ex-élèves désormais émancipés, qui constatent sans doute avec bonheur que leurs clients potentiels autrefois attirés par ce qui venait d’ailleurs regardent désormais leur production nationale avec les yeux de l’amour, et sans doute un sentiment de fierté légitime. On imagine d’ailleurs volontiers que ces derniers salueront le choix d’Audi, qui pourrait de ce point de vue bénéficier auprès d’eux d’un argument commercial inattendu ou -allez savoir- parfaitement calculé.

Reste à savoir dans quelle mesure la décision d’Audi constitue ou non un précédent et si dans le domaine des plateformes, il y aura de la part des constructeurs occidentaux et face à l’Empire, contre-attaque. A moins que d’ici peu, les dessous Chine ne soient plus tabous du tout…

Réactions

Les formations produits et nouveaux modèles des concurrents en Europe ne manqueront pas d'ajouter dans les phrases clé pour casser la concurrence face au client que dessous c'est du matos chinois.
Audi soit qui mal y pense !
;0)

... Question méthode, cher Luc, un discours qui marque, certes, un manque de fair play mais malgré tout Audible ?
;0)
PS1 : plus "sérieusement" un éventuel atout concurrentiel, tant que la concurrence ne fait pas également son marché là bas ...certains n'ont déjà pas résisté à commercialiser des modèles tout assemblés "la-bas" pour rester cantonner sur l'argument "sinophobique".
On ne rit plus ?
PS2 : le "brillant" Bruno Lemaire, sans doute vexé de la réponse négative du méchant Tavares qui se refuse à fabriquer des petites ouatures (élec ou pas d'ailleurs) dans l'hexagone, vient de se précipiter pour faire des mamours en Chine à BYD afin que l'intéressé' veuille bien implanter des usines en Gaule . . Çà doit être çà la ré industrialisation
"à la Française"(?).
Après le "patron" avec Musk, le collaborateur s'y colle avec les chinois après que les "aînés" aient vendu initialement leur "savoir faire" aux mêmes... " Fer et des fers" ?
Un novateur quand même dans tout çà... LDM, lui il est passé direct aux bijoux de famille !
;0))

... Au rayon dentelle, cette chronique du jour fera-t-elle couler beaucoup d'encre ?
;0)

Ach!
Les Allemands visionnaires ?Blume en descendant de l’avion à Pekin s’écriant mais tt est électrique ici ,gast! Et à l’insu de mon plein gré ,re !
Lorsque EDF a remporté la construction de 2 EPR en Chine en co entreprise 70/30 tt le monde a crié casse geule alors que la Finlandaise était plantée ( merci Siemens) et la Gauloise dans les errements politiques,et bien les Chinois ont ouvert la leur avec ….15 jours d’avance .
Quand à déclarer comme le fait notre chroniqueur que les Chinois sont responsables des décisions d’abandon de la fumante à la Comission Européenne il y un Pas …..que je ne franchirai pas.
RDV dans dix ans nous verrons les visionnaires

Dans peu de temps, le meilleur argument de vente d'un premium allemand sera de dire que toute la "base" de la bagnole est chinoise.
Après la fierté et l'assurance du Made in Germany, on est passé à celles du Made in Japan. Voilà maintenant que le Made in China, qui était gage de camelote absolue, va devenir la signature de bagnoles solides, fiables, bien construites (et pas chères).
On est mal comme disent les concurrents de Lidl.

Sur une de mes voitures qui va avoir 10 ans à la fin de l'année...
Je tairais la marque volontairement.
Il y a 5 ans, les capteurs du radar de recul qui se décollent du pare chocs arrière, je les démonte pour les recoller (avec une colle qui teint cette fois, pas du vulgaire double faces) car pas pris en charge en garantie mon pauvre monsieur, ce n'est pas un défaut de fabrication !
Je vous le donne en mille, capteurs made in China... comme le double face ?
ça ne date pas d'hier que du made in Europe est fait avec des pièces chinoises.
;-(

Le jeu c'est plutôt de chercher du Made in France.
Plus fun et ça dure plus longtemps !
Essayez chez vous..
;0)

En passant, cher Autoactu, gaffe à la pub ci-dessus sur le bonheur à la chinoise, vous allez vous prendre un avertissement de l'ARPP et de son Jury de Déontologie Publicitaire, après une remarque habituelle de France Nature Environnement (Qui se finance comme cela) !
Une voiture en photo hors chemins autorisés c'est Verboten ! Incitation grave à pousser le peuple, forcément totalement débile et incapable de faire la part des choses, à rouler comme ici sur une plage !
Et comme le dit not'JP, ya pas possibilité de dire c'est pas moi qui ait fait la photo, le support est toujours responsable.
Se référer aux constructeurs déjà avertis pour des photos "non conformes" déposées par des clients sur leur Facebooks.
Nous vivons dans un monde merveilleux..
;0)

Série spéciale LS7 offroad surf. On se demande comment elle a pu arriver là car avec un véhicule proche des deux tonnes, cela laisse forcément des traces dans le sable en roulant.
Photo montage ?

Mettre des dessous chinois sur une allemande, il faut être sacrément culotté !
;-)

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