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Analyse - 16/03/2023 - #Renault , #Volkswagen , #Alfa Romeo , #Bentley , #Bmw , #Ferrari , #Hyundai , #Jaguar , #Lamborghini , #Maserati

Monsieur Plus n’est plus

Par Jean-Philippe Thery

Monsieur Plus n’est plus
Le W12, par Bentley: c’est fini. (Crédit photo : Bentley Motors)

Il est question de biscuits dans la chronique d’aujourd’hui, de ceux qui viennent par paquet de douze…

En 1978, une marque bien connue de Biscuits originaire d’Hanovre s’adjoignit les services d’un certain "Monsieur Plus" pour promouvoir ses Kipferl, délicieux petits sablés en forme de croissant (justifiant son nom en langue goethienne).

Sur les petits écrans pas encore plats de l’époque, l’homme se baladait dans une cuisine fin XIXe (la marque ayant été fondée en 1889), donnant des coups de coude dans les sacs de noisettes que des marmitons pris par surprise déversaient alors dans de grands chaudrons, au-delà de la quantité voulue. Un surplus justifiant la promesse de la marque qui affirmait avoir inventé la "noisette au biscuit" même si le petit fruit sec n’entrait qu’à hauteur de 10% dans sa composition. 

C’est à un Français né à Constance, le publicitaire Daniel Robert, qu’on doit Monsieur Plus. Et celui qui s’est également rendu célèbre avec entre autres "Bison Fûté" et "La chasse au Gaspi" ne s’est apparemment pas trompé puisqu’on fit de nouveau appel en 1981 au personnage qu’il avait créé pour vanter les mérites du Cortez à la noix de Coco. Même s’il lui fallut alors partager la vedette avec un perroquet dont personne ne sera surpris d’apprendre qu’il répondait au nom de Coco. Ce qui tend à prouver que les pubs pour biscuits n'échappent pas non plus aux tartes à la crème.

Le Kipferl existe toujours. Je ne le sais malheureusement que trop bien, puisqu’un paquet se retrouve systématiquement comme par enchantement dans mon panier quand je me rends à l’Edeka le plus proche de chez moi, équivalent local du Monop ou Carrefour Market. Et le goût effectivement très prononcé de noisettes semble indiquer que la recette n’a pas changé, malgré les changements compréhensibles de packaging.

Mon problème, c’est que je dépasse très régulièrement le quota de deux unités que j’essaye pourtant de m’imposer pour accompagner un café que je prends heureusement sans sucre. En revanche, le Cortez semble avoir disparu, mais surtout Monsieur Plus, dont les post-tests de pub ont sans doute fini par avoir la peau.

Enfin plus ou moins puisque chez Bentley aussi, ils ont un Monsieur Plus. Et notre homme vient d’ajouter pas moins de 91 chevaux et 100 Nm au 12 cylindres maison, lequel affiche en conséquence les valeurs plus que respectables de 750 PS et 1 000 Nm (avant que vous ne m’en fassiez la remarque, sachez que c’est le communiqué de presse maison qui mentionne des Pferdestärken. Allez savoir pourquoi).

Pour autant, cette évolution-là sera la dernière avant son pot de départ, puisque le Monsieur Plus de Bentley prend sa retraite en même temps que le W12 qui avait fait sa première apparition sous le capot de la Bentley Continental GT en 2003, né de l’accouplement de deux VR6 en provenance directe de Wolfsburg.

Il faut dire que les temps changent, et que Bentley songe désormais surtout à s’électrifier. C’est en tout cas l’explication fournie par Adrian Hallmark, PDG de la marque, qui déclare par communiqué de presse interposé : "Quand nous avons lancé le W12 pour la première fois en 2003, nous savions que nous disposions d’une puissante mécanique pour propulser nos voitures autant que la marque. 20 ans et plus de 100.000 W12 plus tard, l’heure est venue de mettre à la retraite ce groupe motopropulseur désormais iconique, alors que nous nous engageons dans l’électrification."

Evidemment, le groupe Volkswagen chez qui le 12 cylindres a trouvé plusieurs jobs, n’a aucune envie d’investir les sommes colossales que nécessiterait son adaptation à la très stricte norme Euro 7, alors que les instances européennes ont décrété la fin des motorisations thermiques pour 2035 (même si commencent à apparaitre des craquelures dans le verni de ce côté-là). Mais les amateurs de combustion interne -dont je suis- auront beau accuser les moulins électriques de tous les maux, il semblerait que le 12 cylindres en double V façon VW était de toutes façons condamné. 

Depuis l’apparition d’un V8 dans la salle des machines de la Continental GT, lancé en même temps que la phase 2 en 2010, je lis en effet dans la presse spécialisée que les versions qui en sont équipées sont apparemment les meilleures.

Plus agiles avec un train avant moins pesant et moins gourmandes en carburant, celles-ci ne rendaient après tout qu’une poignée de chevaux au W12, conservant une puissance largement "suffisante", pour reprendre le qualificatif qu’utilisa longtemps Rolls Royce en guise de donnée technique. Non pas que les propriétaires de ce genre d’automobile se soucient véritablement de leurs dépenses en carburant, mais une plus grande autonomie permet de fréquenter moins souvent les foules plébéiennes que l’on croise dans les stations-service.

Il n’empêche. Si devenu auteur à succès, j’avais été confronté au terrible dilemme de choisir la version de mon coupé ou cabriolet Continental GT, je crois bien que je n’aurais su résister à l’appel des 12 sirènes.

Je m’imagine d’ailleurs volontiers à jouer avec le configurateur de bentleymotors point com, avec Monsieur Plus a mon côté me filant des coups de coude tout en me chuchotant à l’oreille "Allons Jean-Philippe, tu ne vas tout de même pas te contenter du petit moteur. Douze cylindres, c’est forcément mieux que huit ! Et puis, il n’y a guère que 60.000 euros d’écart entre les deux". Avec de tels arguments comment voulez-vous que je résiste à l’envie d’assouvir enfin une très ancienne envie de cylindres par douzaine ! Dis-moi Monsieur Plus, pour les noisettes, il n’y a pas moyen de monter à 12% ?

Voilà qui me rappelle que le seul V12 qu’il m’a été donné de conduire était Bavarois. Avec quelque mois de permis, je n’avais évidemment jamais rien connu d’aussi puissant que la superbe BMW 850i dont un inconscient m’avait confié les clefs. Alors forcément, 300 chevaux, ça produisit son petit effet sur le type qui venait de décrocher son papier rose à bord d’une Fiesta diesel, même si de nos jours, ce genre d’écurie se trouve dans certaines Golf ou Hyundai i30.

Les accélérations successives répétées-à-l’envi-tellement-c’était-bon ne m’ont pourtant pas empêché de repérer alors le moelleux d’une mécanique quasi exempte de vibrations, caractéristique constituant sans doute le seul argument véritablement objectif en faveur des 12 cylindres. D’ailleurs et comme pour la Continental GT, la 840i lancée ultérieurement était considérée par bien des experts comme un meilleur choix, malgré ou plutôt à cause de son "modeste" V8 de 286 chevaux, même si le V12 avait entretemps récupéré 26 chevaux de plus. Et ne le répétez pas à Monsieur Plus, mais c’est elle qui bénéficie aujourd’hui de la côte la plus avantageuse.

L’histoire retient que le premier moteur V12 naquit à Londres en 1904, en vue d’équiper des canots de compétition. Puis le V12 s’envoya en l’air, le premier d’entre eux destiné à l’aviation ayant été construit -cocorico !- par Renault, en 1909. Mais sur la terre ferme, c’est plutôt du côté du pays des V8 qu’il faut regarder, puisqu’en dehors d’un engin de compétition réalisé au Royaume Uni en 1910, les premières automobiles de série disposant de 12 cylindres en 1915 avaient pour nom Packard Twin-Six ou National Highway 12,  alors que les H.A.L, Heine-Velox, Kissel Double-Six, Pathfinder ou Singer 20 apparues entre 1917 et 1921 se fournissaient toutes chez un certain motoriste nommé Weidely.

Toutes ces marques aujourd’hui disparues faisaient évidemment dans le très haut de gamme, et pas seulement parce que la multiplication des pistons coûte cher, mais aussi parce qu’elle procure une douceur de fonctionnement sans pareille, conséquence de la régularité cyclique inhérente à ce genre de motorisation. N’oublions pas en effet qu’un V12 consiste en l’accouplement de deux 6 cylindres en ligne, par nature parfaitement équilibrés et quasiment exempts de vibrations primaires et secondaires.

Mais les V12 se meurent, et pas que chez Bentley. Ça fait déjà un quart de siècle qu’on n’en trouve plus chez Jaguar, et si Aston-Martin résiste encore, on sait que l’espèce est à terme condamnée du côté de Gaydon. Mercedes avait annoncé la fin du sien en 2018, avant de le réinstaller sous le capot des Maybach. Mais pour combien de temps ? Quand à BMW, la dernière voiture de la marque propulsée par un dérivé du M70 -celui que j’ai eu le bonheur d’expérimenter le siècle dernier- a été produite l’année dernière.

En conséquence, Monsieur Plus a dû se mettre aux Watts avec d’autant plus d’enthousiasme qu’on peut les distribuer généreusement. D’ailleurs nous fera-t-il remarquer, et en dehors de toutes considérations réglementaires, le choix de Bentley d’adopter un moteur délivrant un couple de camion dans un souffle acoustique et avec un niveau de vibrations à peine perceptible est-il totalement absurde pour celle qui s’affirma pendant longtemps comme la marque des "voitures de sport silencieuses" ? Libre à chacun d’en juger. Mais il semble que dans deux petites villes d’Emilie-Romagne, on ne soit pas totalement d’accord et que subsiste une poche de résistance…

C’est justement Packard qui inspira Enzo Ferrari, et l’incita à équiper ses autos d’un motore di dodici cilindri. Ou plutôt une Packard en particulier, la 905 du pilote italo-américain Ralph DePalma, qui disputa avec les 500 miles d’Indianapolis en 1919. A moins que la 4.9L 299 que la séduisante Baronne Maria Antonietta Avanzo fit courir pendant deux ans en Italie après l’avoir acquise en 1920 n’ait également impressionnée le jeune Enzo, alors encore pilote.

Toujours est-il qu’en 1945, lorsque le futur Commendatore fonda Auto Avio Costruzioni en attendant de récupérer les droits sur son nom laissés chez Alfa Romeo, Monsieur Plus pris les traits de l’ingénieur Gioacchino Colombo qu’il avait invité à causer moteurs. Ce dernier lui fit alors remarquer que Maserati disposant en compétition d’un quatre cylindres performant, que les ERA britanniques roulant en 6 cylindres, et qu’Alfa Romeo (qu’il venait également de quitter) équipant ses monoplaces d’un V8, il ne restait plus à l’entreprise en projet qu’à construire un douze cylindres, confortant ainsi Enzo dans une décision qu’il avait sans doute déjà prise.

Et ça continue jusqu’à aujourd’hui, même si deux modèles à peine des sept disponibles dans la gamme "normale" de Ferrari disposent encore de la motorisation symbolisant ce que le constructeur italien a toujours proposé de meilleur.

Si ce n’est que depuis 1963, un trublion nommé Lamborghini, installé à quelques encablures de Modène fait aussi dans le V12. Et il semblerait que l’officine de Sant’Agata Bolognese ait récemment reçu la visite de Monsieur Plus, puisque vient d’être présentée la plateforme de LB744, nom de code de celle qui remplacera bientôt l’Aventador, avec un V12 tout nouveau accompagné de trois moteurs électriques ! de quoi donner un sérieux coup de boost au démarrage, le temps que le moteur thermique prenne quelques tours, de sortir de chez soi sans alerter les voisins climato-sensibles, et surtout de respecter les normes à venir.

Et de quoi également faire mentir le titre de cette chronique, même si on est tout de même en droit de se demander combien de temps encore on pourra compter sur Monsieur Plus et ses coups de coudes dans les sacs à cylindres. Au fait, tout ça me rappelle qu’en 1991, la marque hanovrienne de biscuits a réexhumé son homme-sandwich préféré le temps d’une pub nostalgique. Mais je ne crois pas que le raconter aux décideurs de Bentley soit de nature à les faire changer d’avis…

Réactions

...Les "Véhuites" ont de plus en plus de mal à subsister ...alors les "Védouze", c'est compliqué...
Envoyez donc vos dons (non récupérables sur l'IR voire l'IFI) sur le compte de crowdfunding dont le chroniqueur vous livrera bientôt les références ... çà aidera pour le 12 en W voire en V ?
;0))

Je n'ai pas eu souvent l'occasion de conduire une voiture équipée d'un V12 mais il me reste tout de même trois bons souvenirs : la Daytona d'un pote (qui la possède toujours), la Double Six d'un patron éphémère, mais surtout la Rapide, 4 portes d'Aston Martin d'un très "proche familial"...

Sinon, Jean-Philippe, merci de remplacer le D par un T au sujet de BMW (§18)
Bonne route !

... Oui Bruno, la "Daytona" est un "gros morceau" parmi les classic de Ferrari ...De la même époque (où presque) j'avoue avoir un faible pour le très élégant "sheer look" de la 400I dotée, 'en gros', du même V12 que la précitée ...
;0)

@Adeairix 10:29
Oui, un très très gros morceau !
Si j'osais, je dirais que ce fameux pote a aussi une 400i, le pauvre.
Si j'osais encore, il m'a prêté également sa Dino 246 GT, ma préférée.
Vous aurez deviné que les marques icônes du garçon son, en premier Ferrari, en deuxième Alfa Romeo (il a un très beau coupé Bertone en 1,7)

Le V12 le plus sympa que j'ai connu était un petit berger allemand qui avait reçu ce nom magnifique de son maître Marcel Morel, éminent constructeur des boitiers d'allumage Maurelec et surtout éminent préparateur de Lada pour le Dakar, de Samouraï 2,3l turbo Saab pour les 24H TT et autres Matra Murena et bitzas avec le 2.2l Chrysler.. entre beaucoup d'autres !
Peut-être nous lit-il ici, Momo l'Africain ou Monsieur un cheval de trop suivant que le moteur avait survécu ou pas..
Je l'aimais bien V12..
;0))

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