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Analyse - 19/08/2021 - #Tesla , #Alfa Romeo , #Bmw , #Chrysler , #Dodge , #Ferrari , #Honda , #Mazda , #Nissan , #Porsche , #Rivian , #Ford , #Chevrolet

Aimer l’automobile à Détroit

Par Bertrand Rakoto

Aimer l’automobile à Détroit

Cet été, nous vous proposons quatre chroniques sur deux thèmes partagés, rédigées à leur façon pas nos correspondants localisés Detroit et à Rio de Janeiro. Aujourd’hui Bertrand Rakoto aborde la troisième chronique de l’été sur Aimer l’automobile à Détroit. La semaine prochaine Jean-Philippe Thery vous éclairera sur ce même point, de toute évidence à Rio de Janeiro.

De mémoire de chroniqueur, je ne sais pas si en 7 ans j’ai eu l’opportunité d’aborder un sujet aussi aisé. Aimer l’automobile à Détroit, c’est comme aimer les macarons chez Ladurée, aimer les caïpirinha à Copacabana, aimer le jazz à la Nouvelle Orleans, aimer les avions à Toulouse, aimer le rugby en Nouvelle Zélande, aimer les embouteillages à Paris… bref c’est le l’endroit rêvé pour cela.

Malgré une météo binaire et un réseau routier en état de décomposition avancée, la capitale de l’automobile est aussi la capitale des passionnés d’automobile. Mon exil à Motor City a été motivé en premier lieu par mon métier mais la passion pour l’automobile a également été un motif de départ assez évident. Certes, je suis passionné par l’industrie et par le produit, mais ce sont deux facettes de ma passion très distinctes. L’industrie attise ma curiosité, ma soif d’apprendre, d’écouter, de collecter, d’analyser. La voiture est un autre plaisir. Conduire, comprendre, ressentir, les termes sont plus émotionnels et appartiennent moins à un registre technique. A Détroit, les deux aspects sont servis.

En une semaine d’intelligence stratégique menée à Détroit, vous apprendrez plus sur ce qui se passe du point de vue automobile en France qu’en une semaine de recherche et de collecte d’information à Paris. Pas une décision majeure dans l’automobile mondiale ne se prend sans impliquer quelqu’un se trouvant à Détroit. De la même façon, en une semaine à Détroit, vous verrez plus d’automobiles rares de tous âges et de toutes nationalités qu’en arpentant tous les salons et les ventes de véhicules de collection et de prestige sur un été. Ceux qui sont venus ici savent que la comparaison est réaliste. La dernière Ferrari côtoie une Duesenberg aux Cars and Coffee. Le week-end, une rare Corvette L88 attend au stop devant une Saleen S7, une BMW Z8, une Nissan GT-R R33, une Porsche 918, une Tesla Model S Plaid et une Plymouth GTX avec son parachute, ses pneus de drag et deux compresseurs superposés sur les carburateurs dépassent du toit. Le défilé n’a de cesse de continuer. En tant que passionné, le torticolis vous guette…

Célébration permanente
L’automobile a des pied-à-terre dans le monde entier, mais sa résidence principale est à Détroit. Vous en doutez ? Ici, on croise au coin de la rue Bob Lutz faisant le plein de sa VLF Destino. Olivier François est à la table à côté de vous au restaurant. Roger Penske prend son petit déjeuner au diner. Tim Allen vous répond si vous lui faites signe alors qu’il attend comme vous que le feu passe au vert. Ralph Gilles gare son Alfa Romeo à côté de vous au Cars and Coffee pendant que Chris Theodore raconte sa relation avec Carroll Shelby, assis dans sa Ford Cobra concept de 2004. Il l’a immatriculée et vient de s’en séparer il y a quelques jours. Je pourrais continuer comme cela longtemps et je n’habite ici que depuis 5 ans. Détroit a quelque chose de magique quand on aime indifféremment l’industrie, les voitures ou les deux. Les décisions sont prises au coin de la rue, les prototypes camouflés sont partout et l’histoire s’écrit devant vous. 

Tout le monde est impliqué directement ou indirectement dans l’automobile. Du coup, tout le monde s’intéresse à la voiture. Prenez en photo une Chevrolet Chevelle de 1969 et une octogénaire s’arrêtera pour vous dire que son mari avait la même avec un carburateur quadruple corps et une boite Muncie M22 mais qu’elle préférait sa Mustang Mach 1 de la même année parce qu’elle était moins lourde. Les échanges spontanés les plus inattendus vous surprendront. Je ne compte plus le nombre de rencontres et de discussion, c’est un plaisir permanent.

L’histoire de l’industrie, les personnages, les aventuriers de l’automobile, les bricoleurs et les polisseurs du dimanche sont présents en nombre. L’industrie automobile fait vivre beaucoup de monde. On pourrait penser que la population a juste appris à avoir de la sympathie et à ne pas mordre la main qui la nourrit, mais cela va bien au-delà. Les Detroiters sont intéressés, attentionnés. Les expositions sont permanentes, les granges ou entrepôts sont des cavernes d’Ali Baba qui abritent 40 voitures ou plus appartenant à un collectionneur. Le Hall of Fame est ouvert au public, le musée Henry Ford est juste extraordinaire. La Detroit Historical Society expose des voitures au Detroit Historical Museum et possède un nombre incroyable de voitures à Fort Wayne. Le Detroit Institute of Art expose actuellement une collection retraçant 50 ans de design. C’est plus que de la reconnaissance, c’est une célébration permanente.

La culture Hot Rod
La semaine dernière je vous ai dit qu’il n’y avait pas de contrôle technique. L’aspect négatif est que la pire poubelle roulante peut prendre la route. Mais j’ai tendance à voir le verre à moitié plein. Les voitures les plus improbables se croisent sur Woodward Avenue. La culture Hot Rod laisse la liberté à chacun de modifier sa voiture. Tout est permis, un turbo dans une BMW M3 E36, un V8 dans une Mazda MX-5, un diesel Cummins dans une Mustang, si vous pouvez l’imaginer, quelqu’un l’aura fait. Les Etats-Unis sont un pays où les gens bricolent beaucoup. Les artisans et les ateliers sont nombreux. Vous pouvez faire étalonner vos compteurs, restaurer une boite automatique ou faire faire une couronne de pont sur mesure au coin de la rue. Pendant que les concessionnaires changent des modules, les mécanos opèrent les transformations et les fabrications les plus improbables dans un speed shop à deux pas de chez vous. J’ai même vu des dynamomètres chez des particuliers pratiquant le dragster afin de pouvoir régler leur propre voiture.

Une fois de plus il faut garder son sang froid car les courses de rue, devenues rares, existent encore. Si vous conduisez une Dodge Charger de 485 ch ou une Corvette de 650 ch, contenez la tentation de démarrer plein gaz au feu rouge. Premièrement, la police est tolérante mais les abus sont sanctionnés. Deuxièmement, la Mustang à votre droite peut cacher 1200 ch et la Dodge Coronet à votre gauche affiche clairement près de 1800 ch. Troisièmement, il serait dommage de perdre l’usage de ses jambes contre un pylône. Il faut savoir garder la tête froide, souvenez-vous.

Car Week (la semaine de l’automobile)
Malgré la météo, les passionnés se rejoignent toute l’année pour des Cars and Coffee. Le plus souvent chez Pasteiner’s à Birmingham où de nombreux designers de Ford, GM, Rivian ou Chrysler croisent d’anciens pilotes, des collectionneurs et des amateurs venus en famille. A partir du mois d’avril, les voitures de sport, de collection, de prestige paradent le vendredi et le samedi soir sur Woodward. La pleine saison automobile dure quelques semaines entre le Concours d’Elégance of America le dernier week-end de juillet et la Dream Cruise.

Pendant ces trois ou quatre semaines, l’automobile est en pleine effervescence. Dodge et Motortrend ferment même Woodward l’espace d’un week-end pour organiser des courses légales. Le week-end dernier, une Chevrolet Camaro de 2500 ch a participé au show. Plus de 3.000 voitures défilent tous les week-ends. Le point d’orgue est donc la Dream Cruise. Depuis 1995, 50.000 voitures et 1,4 million de passionnés se donnent rendez-vous le troisième samedi d’août (ce samedi 21 août) pour parader. Après, la saison ralentit mais jusqu’en octobre il n’est pas rare d’entendre des V8 hurler le samedi soir sur Woodward. 

La semaine entre Roadkill Nights et la Dream Cruise est la plus intense, c’est ce que l’on pourrait appeler la Car Week. Tous les parkings sur Woodward sont pleins. Tous les soirs un thème différent, un club différent ou une ville célèbre l’auto et les passionnés se retrouvent en nombre. Quelle que soit votre auto Chevrolet, Nissan, Porsche, BMW, Honda, Tesla, Hot Rod en tout genre, voiture de course ou Ford T, vous êtes bienvenu. Tout le monde parle avec tout le monde. Les constructeurs, les vendeurs de pièce, la presse, les youtubers se rencontrent, échangent, prennent des photos, filment. Les familles et les groupes plantent des tentes le long de Woodward pour assister aux festivités. Détroit célèbre son industrie.

Et l’histoire continue…
Finalement, l’exercice n’est pas si simple qu’il y parait. Décrire "Aimer l’automobile à Détroit" en une chronique requiert de faire l’impasse sur tant de choses. Je n’ai fait que vous parler de la partie émergée de l’iceberg. En habitant ici, le plaisir est permanent et dans le même temps, il devient vite frustrant de ne pas pouvoir partager cette passion permanente et décomplexée avec plus d’amateurs.

En résumé, que vous travailliez dans l’automobile ou que vous soyez passionnés d’automobile, il n’est pas exagéré de dire que pour s’accomplir pleinement, il est incontournable de passer à Détroit et de vivre, juste une fois, la liesse de cette Car Week. Et au passage, prenez le temps de découvrir Détroit car la ville et la région ont tellement à offrir, loin des clichés de déclin que certains médias continuent d’étaler sans jamais avoir mis les pieds ici (ou ne sont pas revenus depuis 2008). J’ai eu l’occasion d’échanger sur ces nombreux aspects avec Vincent Desmonts dont les podcasts méritent votre temps. Aimer l’automobile à Détroit c’est vivre et réaliser sa passion. 
 

Réactions

Je ne suis pas né dans le bon pays...

J’ai eu la chance de voir le musée Henri Ford … et rien de plus facile que de louer (tout risques) une voiture à NY chez Alamo et venir à Détroit et depuis faire un road trip pour aller à Toronto puis Ottawa et Montréal, puis Portland et Boston … et vous avez fait une petite partie super sympa des US et du Canada.
Pour ceux qui aiment avoir chaud en hiver… prenez un vol pour Miami et allez à Daytona Beach… des “concentres” sympas de caisses américaines se font à ce moment de manière informelle !!
Jamais de problème de parking… car aux US “No Parking no business”

… "Aimer les embouteillages à Paris" ? ... Euhhh … quoique vaut mieux parce que sinon …

Détroit, vous pourriez dire ? … Ah oui c'est vrai … on y est ... ou pas !
;0)

A Paris, ce serait plutôt aimer l'automobile à l'étroit entre les places de parking qui manquent et les hot rods interdits à la circulation en France pour cause de règlementation...
;-(

Oui ... Si les hot rods ne prospèrent pas dans notre beau pays pour la raison décrite, les "swaps" plus ou moins aboutis et tout à fait clandestins, eux, connaissent un certain développement ... !
Autres "moeurs", autres cultures ... automobiles
;0)

ADRX,
avez-vous essayé ceci ??
https://www.usinenouvelle.com/article/l-industrie-c-est-fou-ford-cree-un-parfum-a-l-odeur-d-essence-pour-les-nostalgiques-du-moteur-thermique.N1133564
;0))

ça doit aviver l'essence...
Et quand on n'en n'a plus, c'est la fin de bidon ?
Une odeur pour éviter les coûts de pompe ?
;-)

Bientôt en vente une huile 100% synthèse pour le corps ?
;-)

... Merci Lucos pour cette recommandation d'"Eau bénite" ...
Juste un peu gêné par la nom "Mach Eau" ... pour un produit censé rappeler les effluves (fragrance peut être pas quand même ... ?) de l'essence, c'est assez osé ? ... Osez Joséphine à l'arrière des berlines ... ♪♫♪♫® En l'occurrence, il s'agit plutôt de SUVes, si l'on songe à la Mustang Mach E de Ford ....
A supposer (çà doit bien exister ?) que des amateurs de "vraies" Mustang Mach 1 s'en portent acquéreurs, le moins que puisse faire la Direction Commerciale de Ford France ... c'est de leur en offrir "généreusement" un flacon ... de ce capiteux parfum ... Une histoire d'eau (?)
;0)

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