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Analyse - 13/04/2023 - #Renault , #Tesla , #Chrysler , #Dodge , #Hyundai , #Jaguar , #Jeep , #Opel , #Rolls-Royce , #Skoda , #Ford , #Cadillac , #Chevrolet , #Ram , #Suzuki

T’as d’beaux œufs, tu sais

Par Jean-Philippe Thery

T’as d’beaux œufs, tu sais
Il y a un œuf dans l’œil de la Ford GT …

Aujourd’hui, je vous parle de ces voitures qui abritent des œufs de poule, même neuves...

Au IIIe siècle de notre ère, l’Eglise publia une liste d’aliments prohibés pendant la période du carême, incluant la viande et les produits dérivés des animaux comme les produits laitiers et les œufs. Mais les poules qui n’avaient visiblement pas été notifiées continuèrent à pondre à leur rythme habituel, ce qui explique dit-on l’abondance dans laquelle on trouvait ces derniers sur la table du dimanche de Pâques.

Paradoxalement, les célébrations commémorant la résurrection du Christ sont à l’origine de bien des crises de foie depuis le XVIIIe siècle, quand on commença à remplir ou à couvrir les œufs de chocolat. Une situation qui ne fit qu’empirer le siècle suivant, quand la révolution industrielle permit la production en série de moules avec lesquels on fait depuis les œufs de Pâques sans œufs, mais avec une dose renforcée de cacao.

J’ignore si le Directeur du Développement Logiciel d’Atari en poste dans la fin des années 70 appréciait le chocolat, mais il est indéniable que Steeve Wright donna alors une signification nouvelle aux œufs de Pâque, par la faute d’un certain Warren Robinett qui travaillait dans son équipe.

Ce dernier, frustré par le manque de reconnaissance -tant pécuniaire que d’image- dont pâtissaient selon lui les développeurs de jeux vidéo pas encore vedettarisés, résolut d’apposer sa griffe sur l’un d’entre eux, dénommé "Adventure". Une signature toute simple sous la forme d’une mention "jeu développé par Warren Robinett", et particulièrement discrète puisque n’apparaissant que dans le cadre d’une séquence spécifique. Le subterfuge ne fut d’ailleurs découvert que plus tard et dans un autre game, par un joueur qui y fit allusion dans un courrier adressé aux patrons d’Atari. Et dans un premier temps, ceux-ci ne trouvèrent pas ça amusant du tout.

Steve Wright su pourtant les convaincre du potentiel des blagounettes cachées, qu’il fallait découvrir un peu comme les œufs que les parents cachent aux enfants dans le jardin les dimanches de Pâques. De toutes façons, il n’était pas question de sanction à l’égard de Warren qui avait déjà quitté la boutique, et les "Easter eggs" ainsi qu’il les dénomma intégrèrent au contraire la stratégie d’entreprise.

Des œufs dont le géant du jeu vidéo n’avait d’ailleurs pas la primeur, puisque certains programmes informatiques en comportaient déjà depuis une bonne dizaine d’années. Le premier œuf de Pâques virtuel apparut en effet en 1967 ou 1968 sur les PDP6/PDP10 développés par la Digital Equipment Corporation (DEC), ordinateur dont l’utilisateur utilisant la commande "make love" afin de créer un fichier du même nom, se voyait répondre "not war ?" avant que le programme ne s’exécute.

Il n’en reste pas moins que ce furent bien Atari et Steve qui contribuèrent à populariser les Easter eggs auprès d’une population d’initiés, lesquels s’amusent depuis à les traquer au sein des logiciels, jeux électroniques, films ou autres médias digitaux, sans toutefois obtenir la certitudes de les avoir tous découverts.

A l’instar de certains œufs, lapin, poissons ou cloches à croquer oubliés dans les buissons chaque année, il est en effet certains que nombre d’Easter eggs croupissent à jamais dans des lignes de programme ou sous forme d’images trop furtives pour être facilement repérées. Quoiqu’il en soit, et si je vous en parle, c’est évidemment parce qu’on trouve aussi des œufs dans les voitures, et pas uniquement celles en fin de vie qui servent de poulailler dans une grange.

C’est bien connu, les Américains sont de grands enfants. Ce n’est donc pas une surprise si ce sont eux qui ont inventé ces œufs de Pâques un peu particuliers, ainsi que le terme pour les qualifier. Et il est donc logique que la majorité des Easter eggs se nichent au sein de modèles produits outre-Atlantique, y compris celui considéré comme le premier d’entre eux, à savoir la Chevrolet Corvette de quatrième génération. A partir de 1990, soit en cours de production pour une auto lancée en 1984, la cloison située derrière le siège passager du cabriolet fut en effet estampillée de quatre icones représentant une batte de base-ball, un hot-dog, une tarte aux pommes et le logo Chevrolet, reprenant le slogan d’une célèbre pub télévisée de 1974 ("Baseball, hot dogs, apple pie and Chevrolet.") rappelant fièrement les origines nationales de la marque.

L’Easter egg se la joue donc parfois commémoratif, y compris sur la Corvette actuelle -la C8 lancée en 2020- qui affiche en bas de pare-brise un mini portrait de Zora Arkus Duntov, premier responsable ingénierie du programme au début des années 60, et à qui revient le mérite d’une bonne partie du succès connu par l’iconique "America´s sportscar". Selon un procédé souvent utilisé pour les Easter eggs, celui-ci est imprimé sur le ruban de sérigraphie noire faisant le tour des vitrages, et pour la petite histoire, le même portrait était utilisé sur les badges d’identification des membres de l’équipe projet C8 pour accéder aux zones réservées du centre technique de la marque.

Dans un genre un peu différent, n’oubliez pas de jeter un œil sur les boucles de ceinture la prochaine fois que vous monterez à bord d’un Volvo XC90. L’inscription "1959" vous rappellera que c’est à la marque suédoise qu’on doit l’invention de cet équipement essentiel qui non seulement en équipa ses modèles à partir de cette année-là, mais autorisa également ses concurrents à l’utiliser sans contrepartie financière.

Dans un genre plus intrusif, le dessin des optiques avant de la superbe Ford GT affiche le chiffre 100 en guise de commémoration du premier siècle d’existence de la marque, alors que le logo "DB" faisant allusion aux "Dodge Brothers" s’exhibe sans retenue sur la console centrale de la Dodge Challenger.

Toujours dans le genre célébratif , certains modèles issus d’une lignée s’auto-congratulent en affichant le portrait des générations qui les ont précédés. Un procédé utilisé sur le Chrysler Pacifica qui tient de cette façon à rappeler sa filiation avec le Voyager, premier monospace lancé en 1984, simultanément au Renault Espace. C’est sur le revêtement caoutchouteux du porte-objet localisé sur la console centrale que s’affiche ainsi la silhouette de la voiture préférée des "soccer’s mums", avant que les SUV n’infligent un échec et (rubber) mat aux MPV (Multi-Purpose Vehicle) en leur piquant l’essentiel de leur clientèle.

On retrouve la même astuce chez les cousins de RAM appartenant au même groupe, afin de rendre hommage à l’ascendance du pick-up full-size 1500 dont le D/W fut le premier représentant en 1981. Quant au Jeep Grand Cherokee, c’est au centre de ses optiques que se loge la face avant de la Jeep originelle.

Après l’histoire vient naturellement la Géo, à commencer par l’hommage rendu par certaines autos aux lieux qui les ont vu naître. Et c’est encore une fois le revêtement du rangement de console centrale qui s’y colle sur la Chrysler 200, sur lequel apparait en relief la "skyline" de Detroit, avec une omission de taille pas fortuite du tout, puisque les sept gratte-ciels composant le Renaissance Center abritant notamment le siège de GM n’y figurent évidemment pas. Ou comment loger un œuf de Pâques dans l’œuf de Pâques…

C’est encore Detroit qu’on retrouve sur les panneaux de porte du pick-up F150 sous la forme du tracé des rues de la ville, sans doute dans le cas où le GPS se mettrait en grève, alors que sur revêtement du panneau arrière de benne du Jeep Gladiator, c’est un cœur suivi du numéro 419 qui est estampillé, déclaration d’amour par indicatif téléphonique interposé à Toledo qui a vu naitre les Jeep depuis que la marque existe. Et comme chez le constructeur de l’Ohio, on a pas peur des contrées reculées, on trouve également à bord des Renegade et Wrangler le plan du désert de Moab dans l’Utah, comme une incitation à rejoindre le célèbre spot fréquenté par les amateurs de 4x4.

Mais pour ce qui est de Cadillac, on reste logiquement sur l’asphalte avec le dessin du centre technique de la marque représenté sur les palettes commandant la boite séquentielle de la CT4-V.

Il y a aussi les œufs à visée pratique, quitte à en mettre plusieurs dans le même panier. Chez Rolls-Royce, c’est dans chacune des portes arrière de la Phantom ou du Cullinan que s’abrite un parapluie, privilège cependant pas réservé aux seuls clients fortunés puisqu’également disponible sur d’humbles Skoda. Le constructeur tchèque pense d’ailleurs particulièrement aux intempéries puisque qu’une raclette pour gratter le givre des vitrages est également disponible à l’intérieur de la trappe à essence de certains de ses modèles.

Quant aux concepteurs du RAM 1500, c’est aux matheux qui révisent en voiture qu’ils ont pensé en planquant sous le couvercle du compartiment de console centrale (décidément…) différentes équations trigonométriques et tables de conversion. Entre ingénieurs actuels et futurs, il faut savoir s’entraider…

Mais le thème qu’affectionnent particulièrement les Easter eggs, ce sont définitivement les bestioles. Une évocation relevant de l’évidence pour certains modèles, comme ceux de Jaguar dont les bords de vitre montrent une maman du célèbre félidé accompagnée de son petit, ou à l’instar de la Dodge Viper SRT dont le troisième feu central voit s’allumer tout rouge la tête du méchant reptile prêt à mordre. Histoire sans doute de dissuader ceux qui y parviendraient encore de s’approcher trop près de la venimeuse sportive.

Plus agressif encore, le RAM TRX abrite dans son compartiment moteur un V8 Hemi 6.2 turbocompressé délivrant pas moins de 702 chevaux, mais aussi un cache en plastique comportant le dessin d’un T-REX dévorant un Raptor, toute ressemblance avec un certain concurrent de chez Ford n’étant évidemment pas involontaire.

En comparaison, les mignonnes petites araignées tissant leur toile sous un couvercle en plastique du Volvo XC90 ou à l’intérieur de la trappe à essence de la Jeep Renegade paraissent bien inoffensives, la dernière se fendant même d’un sympathique "Ciao Baby". Et pour ce qui est des requins moulés dans les plastiques cachés de nombreuses Opel, j’ai longtemps pensé qu’ils constituaient un hommage à la Manta, les raies appartenant à la même infra-classe des Euselachii, alors que cette coutume résulte semble-t-il d’un défi lancé par un des designers de la marque à l’un de ses collaborateurs.

Enfin, l’Easter egg animalier définitif est sans doute constitué par une voiture à part entière : j’ai bien sûr nommé la Suzuki Lapin, dont il faudra vous passer, puisque cette kei-car typiquement japonaise est uniquement disponible dans son pays d’origine.

Evidemment, les Easter Eggs évoluent avec leur temps, et l’ère du véhicule défini par logiciel (le SDV ou "Software Defined Vehicle") signe un retour aux sources pour ceux qui se planquent à nouveau dans les lignes des programmes gouvernant nos voitures connectées, se manifestant désormais sur écran tactile.

Evidemment, Tesla, qui ne dédaigne pas totalement le "hard" avec sa clé reprenant la forme de la voiture dont elle commande les ouvrants, est le champion de la catégorie depuis 2016 quand elle lança son premier œuf virtuel. En engageant quatre fois de suite l’Autopilot, il était ainsi possible de faire apparaître dans le combiné instrumentation une route aux couleurs de l’arc en ciel, reprenant un thème connu des amateurs du célèbre jeu "Mario Kart". Mais on trouvera également sur les voitures d’Elon un Santa Klaus, un mode 007 ou tout un tas de surprises à venir par la grâce des actualisations OTA ("Over The Air") qui caractérisent la voiture évolutive.

On citera également le jeu vidéo caché à bord de la Hyundai Veloster ou les silhouettes de la Jeep originale apparaissant avec l’aide au stationnement de la Renegade.

Bref, on s’amuse bien chez les constructeurs automobiles. Mais il ne s’agit évidemment pas que de cela, puisque les œufs de Pâques permettent de pondre un storytelling à moindre coût, la grande majorité de ces derniers étant gratuits, même s’il se trouvera toujours au sein des services concernés des esprits chagrins chassant non pas les œufs, mais les coûts cachés. On ne s’étonnera donc pas que Jeep soit probablement la marque la plus prolifique en matière d’Easter eggs, avec une origine et des univers associés aventureux permettant de raconter de bien belles histoires.

Raconter des histoires, c’est précisément ce que je fais tous les jeudis. Du coup, j’ai moi aussi caché un œuf de Pâques dans ce texte, sous la forme d’un titre de roman. Le premier qui en indiquera le titre, l’auteur et l’année de parution dans les commentaires de bas de page recevra un exemplaire dédicacé de "Petites Impertinences Automobiles II", mon deuxième recueil de chroniques.
En attendant, soyez raisonnable avec le chocolat…

Réactions

Encore une bien belle chronique, allez je tente :

"Les Américains sont de grands enfants"
Claude Courchay
1979

Plus actuel, quand vous montez dans une Fiat 500e vous voyez une 500 originelle au fond des poignées de porte et la silhouette de la ville de Turin sur la sole du chargeur par induction..
;0)

@Seb 16S
Bravo! Vous êtes un chasseur d'oeufs émérite... et le mien n'aura pas tenu longtemps.
Merci de me faire parvenir vos coordonnées afin que je puisse vous faire parvenir votre exemplaire dédicacé de "Petites Impertinences Automobiles II"
jean.p.thery@gmail.com

Ward's Auto rapporte avoir dénombré pas moins de 54 oeufs surprises rien que sur le moteur V8 LT6 de la Corvette Z06 de 2023. Y aurait-il comme une inflation ? ;)

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